CHAPITRE 5.
AVERTISSEMENT.
Haziel pensait aux caresses de l'humain, et cela lui permettait de supporter un peu mieux la fièvre qui terrassait son corps, cette enveloppe pour laquelle il avait d'étranges sentiments. Il repoussait sa faiblesse, causée par la maladie, et il s'était attaché à ce qu'il était, parce que l'humain l'aimait avec ce corps, et prenait beaucoup de plaisir à le toucher, avec les mains, les lèvres.
Les anges devaient aimer avec l'esprit. Et cela leur permettait de rester dans une plénitude éternelle. Bien sûr, certains dérogèrent à la règle, de tout temps. Et Haziel faisait désormais partie de cette catégorie d'anges. Il avait délaissé la sérénité sans regret, pour aimer avec son âme et son corps. Il en paierait le prix. Il le savait. Pour le moment, une seule pensée occupait son esprit : son corps serait-il capable de faire l'amour avec celui de son humain ? D'accomplir physiquement ce qu'il éprouvait dans sa tête ? Il avait si peu de forces...
Une lumière bleutée illumina toute la pièce, la baigna d'une clarté éblouissante venue d'ailleurs. Oh, Haziel savait d'où elle provenait. Il parvint à se redresser avec difficulté. Il entendit de multiples bruissements, avant de voir les ailles, immenses et nombreuses, puis ceux à qui elles appartenaient.
Elémiah se dressait devant lui. Il avait réussi à apparaître avec Lezalel. Il était si puissant qu'il avait eu assez d'énergie pour deux, puisque Lezalel ne possédait plus aucun pouvoir sous sa forme humaine.
Ils étaient accompagnés de deux anges de la deuxième Sphère, manifestement appelés, puisque tel était leur rôle, pour faire respecter sur Terre une décision supérieure. Zadkiel, le chef des Dominations, portait son épée au côté. Et Camael, le chef des Puissances, qui faisait appliquer les lois, affichait une mine très grave. Oh, tout cela était très mauvais signe.
Haziel trouva la force de se lever, de quitter son lit. Ses jambes le portaient à peine, flageolantes. Il se sentait tellement vulnérable, sans ses ailes et avec son enveloppe humaine malade. Il se mit à trembler de façon incontrôlable, parce qu'il pressentait ce qui allait arriver.
— Haziel, commença Elémiah, nous sommes venus pour te prévenir que ta mission allait s'achever plus vite que prévu. L'humain apprend vite et bien.
— Quand ? balbutia Haziel.
— Nous ne sommes pas sensés te le dire. C'est déjà beaucoup, que nous te prévenions du fait.
— Pourquoi ?
— Deviendrais-tu aussi retors que les humains, Haziel ? Tu sais très bien pourquoi. Vehuiah est effaré. Tous les anges de la première Sphère ont senti ce que tu devenais : un ange avec un esprit humain. Comment as-tu pu te laisser aller à ce point ? Ne pas résister ? Toi, un ange de première catégorie ?
— Je n'ai pas voulu résister. Je ne le veux toujours pas.
— Tu seras puni, Haziel.
Lezalel retrouva instantanément les réflexes maternels de son enveloppe humaine. Elle se précipita pour entourer les épaules d'Haziel de ses bras protecteurs.
— Ne lui faites rien, il est si faible !
— Lezalel, l'apostropha Elémiah, deviens-tu stupide, toi aussi ? La punition n'aura de sens que si Haziel la subit sous sa forme angélique, durant très longtemps.
Pris de faiblesse, Haziel s'écroula sur les genoux, avant de se recroqueviller complètement sur lui-même. Lezalel s'agenouilla, et passa sa main dans le dos de l'ange sans aile. Il releva une figure baignée de larmes.
— Depuis quand l'amour que nous éprouvons doit-il être puni ? demanda-t-il.
— Depuis qu'il revêt cette forme unique et déplaisante, centrée sur ce garçon, déclara Elémiah. Tu devais l'aimer, oui, lui apprendre à aimer, mais sans te départir de tes capacités d'amour pour les autres. Or, tu lui as tout donné.
— N'est-ce pas la plus belle preuve d'amour ? s'écria Lezalel.
— Veux-tu être punie, toi aussi ? la menaça Elémiah, tout en gardant une voix douce.
— J' accepterai toute punition, affirma-t-elle. Nous prônons de si hautes valeurs, et nous sommes par ailleurs si rigides ! Et si nous nous mettions à évoluer, nous aussi ? Les humains doivent changer, pourquoi pas nous ? N'y-a-t-il rien à remettre en question dans notre façon de faire ? Pourquoi empêcher Haziel d'aimer librement cet humain ? Haziel continuera d'aider les autres hommes, ce n'est pas incompatible.
— Mais si nous laissions faire, qu'adviendrait-il ? objecta Elémiah. Un ange et un humain ne peuvent être ensemble.
— Si, contra Lezalel. D'autres anges l'ont montré. Ils pourraient s'aimer le temps d'une vie humaine. Puis l'humain rejoindrait Haziel.
— En quel honneur ?
— Ce serait une récompense pour tout ce qu'il aurait accompli sur Terre. N'est-il pas destiné à devenir important ? À aider les autres ? Ne peut-il en être remercié ?
— Ça ne dépend pas de moi, se défendit Elémiah.
— Pourrais-tu au moins appuyer la cause d'Haziel ? demanda Lezalel. Ta mansuétude est grande. Tu es un Protecteur. Ne pourrais-tu pas protéger Haziel ? Je sais que tu l'apprécies.
— C'est vrai, reconnut Elémiah en s'avançant.
Il replia ses ailes, avant de s'agenouiller à son tour devant l'ange à terre. Il lui souleva le menton d'une main. En relevant les yeux, Haziel sentit que le Séraphin était effrayé. Il avait senti l'intense douleur morale qui déferlait en lui, qui avait osé aimer un humain.
— Haziel...
— Pardonne-moi, pleura l'ange sans ailes. Mais l'amour est tout. Nous le savons plus que quiconque.
Son chagrin était si fort, qu'il l'empêchait de respirer. Son corps malade se tordit par terre. Elémiah le souleva, et le serra contre lui.
— Calme-toi, mon ami.
La main frêle et transparente se serra convulsivement sur le lin de la manche du Séraphin.
— J'ai si mal, souffla Haziel. Je vais devoir le quitter si vite... Je suis incapable de le revoir, en sachant que le temps qu'il nous reste est encore raccourci. Emmène-moi maintenant. Fais mourir mon corps. Je t'en prie.
Haziel savait qu'il n'aurait pas dû se laisser aller à ce désespoir, et renoncer. Pas quand son humain, lui, devenait si fort. Il devait se reprendre.
— Je n'ai pas reçu d'ordre à ce sujet, dit Elémiah, je ne peux pas faire cela, tu le sais bien.
— Intercède en ma faveur. Pas pour moi, pour mon humain.
— J'intercèderai en sa faveur.
Haziel esquissa un sourire. Mais l'émotion l'avait épuisé. Il avait sommeil, tellement sommeil...
— Je demanderai à Mihael et Rehiel de nous assister, lui dit Elémiah, en le serrant un peu plus fort.
Haziel trouva que c'était un bon choix. Mihael était un Vertu de la deuxième Sphère qui aidait les humains à aimer, lui aussi. Il récompensait aussi ceux qui avaient aimé ou sauvé d'autres personnes. Rehael, de la deuxième Sphère lui aussi, était une Puissance, et il repoussait, depuis la nuit des temps, les anges déchus qui s'attaquaient à ceux qui aimaient suffisamment pour réaliser de grandes choses.
— Repose-toi, Haziel, murmura Elémiah.
Haziel sentit que Lezalel lui caressait doucement la main. Puis Elémiah le souleva, et le redéposa sur son lit. Ils disparurent tous, la lumière s'éteignit d'un coup, et il ne resta que la lune pour éclairer Haziel.
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Forever Love
RomanceLucas, dix-sept ans, rencontre un autre garçon, malade, dans le couloir de l'hôpital où sa très jeune belle-mère vient d'avoir un enfant. Lucas sent qu'il peut se confier à ce garçon, Armel, et décide de le revoir très vite, parce qu'il se sent autr...