Chapitre 3 : Dialogue et Modestie

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"Vous êtes fous ?!"

Mon premier ministre m'attaque des questions depuis que mon annonce est finie. Je me demande pourquoi j'ai choisi ce Mr Reynolds pour m'assister. Peut être un peu au hasard. J'aurais dû mieux examiner mes choix avant de le sélectionner. J'aurais dû m'y prendre plus à l'avance, ça fait partie de ce à quoi je n'avais pas vraiment fait attention, ayant un peu trop confiance en mon improvisation. Je devrais apprendre à être plus modeste. Mh.

"Enfermer des enfants dans des parcs ? Pour soi-disant les étudier ? Qu'est ce que c'est que cette histoire ? Vous allez baisser dans les sondages ! Vous ne pensez quand même pas convaincre le peuple de vous réélire après ça !"

Je me demande si je n'aurais pas dû choisir l'un des Tolman à la place. L'homme et la femme sont tous les deux charmants.

"Et moi alors ? Oh là là, en tant que partisan, les gens vont me détester aussi.. Moi qui comptait fonder mon parti.. Mr Gall, est ce que vous m'écoutez ?"

Oh. Donc c'est pour ça qu'il s'inquiète tant pour moi. En même temps ça sonnait mal venant de lui. Au fond, que j'ai choisi Reynolds, Tolman ou même Caillet, n'est ce pas juste pour leur propre bonheur ? Au fond qu'est ce que j'en sais ?.. C'est pour cela que j'ai vraiment besoin de mes petits parcs à... Non, c'est très péjoratif. Mes écoles psychologiques. Voilà. Ca sonne bien. Mais comme mon cher premier ministre le dit, on ne va absolument pas me réélire. Et je compte bien m'en aller à la fin de mon mandat, laisser la place à un gentil petit président que tout le monde aimera et qui restera dans les livres d'histoires des collégiens. Il fera fermer mes écoles et je partirai au large, on ne retrouvera jamais mon corps, à moins que je me fasse tuer avant.. Espérons que j'aurais le temps de réaliser mon avancée scientifique d'abord.

"Laisse tomber, Reynolds. Et appelles-moi Edvard. Sans oublier le tutoiement."

Il soupire. Il s'apprête à sortir. Je le rappelle.

"Reynolds ?

- Oui Mr... Edvard ?

- Hum.. Fais en sorte que je ne meures pas avant la fin de mon mandat.

-... D'accord ... Edvard...

- Je ne changerai pas mon testament avant ce moment là. Et dedans, il est écrit que j'étais votre pantin. Si je suis assassiné, on pensera que toutes mes actions viennent de vous. Je vous fait confiance, Reynolds."

Je finis avec un rictus que j'ai pratiqué des heures devant le miroir. Il fronce les sourcils. Il n'est probablement pas commun de croiser un homme de 30 ans ayant déjà rédigé son testament, mais je l'ai écrit hier soir. J'en ai fait des copies, il y en a, plastifiées, dans tous les tiroirs, et une copie sur chaque ordinateur de la maison présidentielles. Je vérifie dès que je peux qu'elles sont à leur place. Il s'en va encore. Sa paume grasse contre la poignée.

"Reynolds ?"

Il se retourne. Il se demande probablement ce que je vais encore lui demander. Il remonte ses lunettes carrées.

"Oui Edvard ?

- Trouve moi des ouvriers, sérieux, pointilleux, avec de l'expérience, sors les de leurs travails et fais les construire mes écoles psychologiques. Paye-les de façon à ce que ce soit prêt pour Florus. Ne sois pas radin. N'oublie pas de les assurances.

- Très bien Edvard. Autre chose ?"

Bien vu, Reynolds. Non cette fois-ci je ne te demanderai pas de revenir prêt de moi une fois que tu es presque sorti. J'essaie de m'empêcher de rire. Je ne peux pas m'empêcher un sourire malgré tout.

"Non, Reynolds. Vous pouvez disposer. Bonne journée.

- Bonne journée Monsieur."

Il ouvre la porte.

"Reynolds ?

- Oui Mons... Edvard ?

- Ne m'appelez que Edvard. C'est mon prénom. Au revoir Reynolds.

- Au revoir Edvard."

Il passe la porte. Il se coince un bout de la chemise dedans. Il n'est pas très agile, le gros Reynolds. Les gens seraient bluffés d'apprendre qu'un lourdeau comme celui-là était le cerveau des opérations, et ça ne rendrait l'histoire que plus vraisemblable si je venais à me faire tuer. Ils penseraient probablement qu'il se faisait passer pour un incapable alors qu'en fait c'était un génie, que j'étais attiré par le pouvoir, l'argent, que tout avait été prévu par Reynolds pour fonder son propre parti et que je l'avais suivi, mais que malheureusement le pot aux roses fut découvert à ma mort. Le seul élément qui pourrait les faire se poser des questions est la raison pour laquelle un trentenaire a écrit un testament. Mais je laisse les journaux inventer des histoires farfelues pour ce côté sombre de mon histoire. A ma mort, les gens auront un visage à haïr, que ce soit le mien ou celui de Reynolds. J'espère que ce sera le mien, ce pauvre couard n'a rien demandé, et aurait même pu devenir le visage du sauveur, s'il n'avait pas été mon premier ministre. Peu importe. Les gens me détesteront sans savoir tout ce que j'ai fait pour eux. 

Je devrais vraiment apprendre à devenir modeste.

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