N° 1.

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L'U.
L'Université de Recherche Supérieure.
Vraiment beau, comme bâtiment. On dirait un vieux château converti en musée.
Une partie est en construction, ou plutôt en réaménagement, vû le cadre vétuste du reste de la bâtisse.
La première chose qui m'a frappée en entrant ici, c'est le stress. On pourrait presque l'effleurer des doigts, tellement il était palpable. Il se matérialisait en visages angoissés d'étudiants toujours pressés, en transition entre un cours et un autre, de professeurs, anxieux de ne pas rater telle ou telle réunion, de médecins, affairés dans leurs labos, à grommeler mentalement des notes de formules qui pourraient éventuellement servir à changer le monde, et aussi leur vie, accessoirement.
Tous ces personnages étaient des peintures mouvantes, illustrant parfaitement l'image de l'angoisse dans ses plus beaux détails.
Bientôt, je ferais partie de ce remue-ménage d'énergumènes, n'en suis-je pas un moi aussi ?

Je me dirige vers la première salle que je vois, me faufilant entre des masses de blouses blanches et de chemises en perpétuel mouvement.

La porte est entrouverte, je tapote dessus doucement, du revers de l'articulation de la deuxième phalange de mon majeur, par politesse, et aussi pour annoncer mon arrivée, au cas où.

Une femme brune, aux cheveux en afro lève ses yeux vers moi, elle a vraiment du charme, malgré ses rondeurs.
Je me trouve toujours fade, par rapport aux autres spécimens de la gente féminine. Je suis trop mince, trop grande, mes cheveux sont trop durs et mes yeux pas assez clairs ou pas assez foncés. J'ai le défaut d'être trop ordinaire,sans pouvoir y changer grand chose.

Elle me sourit, discrètement.

-"Hi."

Elle parle anglais, sûrement parce que c'est une université internationale, et que la langue courante ici est l'anglais, pour éviter les quiproquos.

-"Hello.", entonnais-je avec un sourire.
-"Oh, hum, vous seriez plus apte à parler français ?"

Comment...?

-"Euh...Oui, si cela ne vous dérange pas.
-"Vous avez l'accent.", dit-elle avec un sourire qui dévoilait ses dents blanches.
-"Oh."

Je comprends mieux.

-"Vous cherchez...?"
-"Monsieur Sært."
-"Il est en congé de maladie."
-"Rien de grave, j'espère." Entonnais-je en fronçant les sourcils. Papa, tu as mal choisi ton moment pour tomber malade.
-"Oh, juste une petite fracture. Il s'en remettra dans quelques jours, sûrement."
-"Ah d'accord, au revoir."dis-je, souriante.

Ok. Tout est ok.

Je retourne chez moi, énervée. J'attache mes longs cheveux qui m'énervent eux aussi, à me martyriser le visage à chaque coup de vent.

Mon trou de cul de géniteur n'avait qu'à faire attention. Je parie qu'il aurait aimé se réconcilier avec sa fille chérie. Loupé, je crois au destin moi.

Je retourne à mon studio. Mon "chez-moi". La senteur de cigarette me frappe les narines. J'aime tellement cette odeur. Elle a l'air vivante.

Je pose lourdement mon sac noir quelque part par terre, le rangement n'a jamais été mon affaire. Je me débarrasse de mon imperméable rose clair et du reste de mes habits, me retrouvant en sous-vêtements dans le petit appartement surchauffé. J'aime ça.

Je m'empare d'un paquet de gâteaux avec culpabilité. Je les déguste devant mon film d'action préféré, qui me plaît toujours autant que la première fois que je l'ai visionné. Après le générique de fin, je rentre dans ma salle de bains.

Je m'empare de ma brosse à dents fluorescente, me courbe au-dessus de mes sanitaires et me l'enfonce jusqu'au cou, provoquant des spasmes dans mon ventre. Les petits gâteaux ne tardent pas à se faire la malle, une partie de mon frigide déjeuner aussi. Une larme d'effort coule. Je n'ai pas succombé. Je suis satisfaite. Je nettoie le tout avec fainéantise, c'est la partie que je hais le plus. Après avoir lavé le tout à l'eau javellisée, j'attache mes cheveux noirs en chignon, avale un somnifère, et dors jusqu'au lendemain. En priant toujours qu'il soit meilleur qu'aujourd'hui.

Là où s'abat la foudre.Where stories live. Discover now