2) Revanche

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À mon réveil, le soleil perce le feuillage depuis haut dans le ciel. Il doit être autour de midi. Parfait. J'ai prévu de me rendre au Grand cirque autour de quatorze heures, ce qui me laisse une marge d'avance pour me trouver de la nourriture, un campement définitif, ou n'importe quoi qui pourrait m'être utile.
Une fois émergée du sommeil dans lequel j'étais plongée, je fourre mon pull en boule dans mon sac et entreprend une descente prudente de mon arbre. J'en saute avec légèreté, plus facilement que je ne m'y attendais. Je me prévois un petit-déjeuner simple, et je fais de mon mieux pour économiser mes réserves tout en marchant, même s'il est difficile de résister à la faim. La marche est longue. Le soleil frappe fort, et il n'y a pas encore de signe de nourriture probable en vue. Je passe tout de même devant une sorte de super-marché quasiment vide mais où il reste tout de même des outils utiles: je me saisis d'une gourde complémentaire à celle que je possède déjà, d'une paire de ciseaux, d'un sac plastique, d'une paire de lunettes de soleil et de gants noirs. Me voilà repartie quand je passe devant une boucherie. Je doute qu'il reste grand chose mais, qui ne tente rien n'a rien ! Je décide de chercher dans la chambre froide, là où la viande aurait pu se conserver. J'ai de la chance. Je prends tout ce que je trouve: un saucisson entamé et un steak de bœuf. Ce sont les seules choses encore mangeables. Je m'autorise un morceau de saucisson pour calmer ma faim et range soigneusement la viande avec les reste de ma nourriture. Rien d'intéressant ne se présente plus sur mon passage, hormis l'ancienne fromagerie d'un des amis de ma mère, Joshua, un homme d'une cinquantaine d'années que j'ai rencontré plusieurs fois. Il ne reste rien évidemment, mais je m'arrête quand même devant le temps de me remémorer son visage. Il était gentil et attentif, il m'inspirait de la confiance. Mais je n'ai pas eu l'occasion de le connaître mieux.
   En arrivant au bout de l'avenue qui mène à la résidence du président Snow, un grondement sonore, comme une foule rassemblée non loin, se fait entendre. Je décide d'aller voir, afin de m'assurer de la situation. Je prends donc la direction du Grand Cirque et, au bout de quelques minutes, j'aperçois la foule et j'y distingue principalement des jeunes. Que peut-il bien se passer ?
Prise de soupçons, je me dirige vers le centre du rassemblement et me retrouve au premier rang, entre deux jeunes d'environs 15 et 20 ans.
-Qu'est-ce qu'il se passe ? demandé-je à mon voisin de gauche, celui qui doit avoir le même âge que moi.
-Regarde, répond-il.
Il me désigne du menton le pied de l'immeuble du Grand Cirque. Je ne comprends pas tout de suite. Puis, après un instant, les grandes portes s'ouvrent sur deux pacificateurs en blanc qui tiennent entre leurs bras un homme, habillé d'un beau costume de la même couleur éblouissante que leur uniforme, le menton marqué par une raie de sang qui s'écoule sur sa barbe blanche. Puis je suis parcourue d'un frisson, à la fois de peur, de dégoût et d'excitation. Je reconnais très vite cet homme: c'est le président Snow.
Son escorte le traîne jusqu'à un poteau autour duquel ils lui ligotent les mains et le placent face à la foule. Je suis prise de stupeur en l'observant.
Soudain, mon voisin m'interpelle:
-Tu viens d'où ?
   Je suis surprise de sa question, mais je n'ai pas le temps d'y réfléchir: je suis obligée de lui mentir.
-Du district sept.
-District cinq. Je m'appelle Flard.
   Il me sourit.
-Auranne.
   Je suis prise par un rire nerveux. Puis j'en reviens à mon observation macabre de la scène: les deux pacificateurs se placent de part et d'autre du poteau, à la droite et à la gauche de Snow. Je n'ai pas eu le temps de me demander ce qui pourrait suivre lorsque je vois les portes s'ouvrir à nouveau. Mais cette fois, par sur deux inconnus portant un criminel chacun par un bras. Sur mon héroïne. Katniss Everdeen. Brillante, redoutable, à couper le souffle dans son costume de rebelle symbolisant le geai moqueur qui a embrasé Panem. Un arc à la main, un carquois sur le dos et une flèche déjà bandée, tout ça noir comme le jais, de la même couleur que tout son costume. Une natte brune pendant dans le dos, comme toujours. Elle s'approche lentement du poteau, une expression indéchiffrable sur le visage, ne prêtant pas le moindre regard à la foule. Elle s'approche encore, jusqu'à le dépasser, et tout le monde recule, hormis les pacificateurs, qui restent impassibles, alors qu'elle se tourne pour faire face à l'ennemi qu'elle a tant détesté. À présent en position, elle le vise. Ils se toisent l'un l'autre, inlassablement, puis un sourire se trace sur le visage de Snow. Alors, le geai moqueur change instantanément son dessein de tir pour le poser sur un balcon, loin au dessus de son visage. La flèche part, elle fend l'air, et le temps semble ralentir quand elle atteint la poitrine d'une femme aux cheveux grisonnant, portant un costume masculin, la faisant basculer en avant, et tomber, comme en volant, par dessus la rampe du balcon. La foule s'écarte. Puis, soudainement, je suis prise de stupeur lorsqu'à mon oreille bourdonne le son grave qui accompagne une voix que je connais bien. Une voix que je déteste. Que je déteste plus que tout. Alors que d'autres pacificateurs, que je ne dénombre pas, arrivent en renfort de toute part et se ruent sur Katniss, le rassemblement s'enflamme et les rebelles fondent sur les hommes en uniforme blanc, qui tentent malgré tout d'immobiliser le geai moqueur. Sans réfléchir, je fonce tête baissée dans la mêlée. Malgré le fu de l'action, je viens d'identifier ce timbre de voix: le rire du Président Snow. Une fois que j'ai atteint le poteau, je m'arrête net. Je dois lutter contre la foule pour rester debout. Je fixe ses yeux un instant avant que son regard glacé ne croise le mien. Puis, d'un coup, mon bras se cabre en arrière et assène un coup de poing spectaculaire dans les ventre de Snow. Puis je me mets à courir et, prise par un élan de rage, me jette sur un des pacificateurs un peu plus loin. Je tente de l'arracher à sa cible, de l'écarter d'elle. Quand je suis projetée en arrière par un bras inconnu. Je me fracasse contre le sol presque un mètre plus loin, devant deux autres rebelles qui m'aident à me relever. Je tente de retrouver mon souffle, alors que la chute me l'a coupé. J'éprouve une vive satisfaction lorsque j'aperçois boiter le pacificateur sur lequel je me suis ruée. Mais je suis trop secouée pour me mêler de nouveau à la bagarre. Je remercie d'un signe de la tête les rebelles qui m'ont accompagnées puis prends la direction de la rue d'où je suis venue. En passant devant le poteau où était ligoté le président, une vision affreuse m'envahit. Je l'aperçois, toujours attaché, écroulé à genoux, la tête basse, une flaque de sang au sol, sous la bouche, sans un souffle. Raide mort.

Huntress - Hunger Games [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant