3) Impatience

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Le soir venu, je me sens anxieuse. Je n'ai jamais autant appréhendé une situation depuis longtemps. J'ai participé à la mort du président Snow. Cela ne peut pas être une si mauvaise nouvelle pour moi, mais ce n'en est pas une bonne pour autant. Dans ma famille et dans mon entourage, on tente de rester neutre sur ses opinions. Même si personne ne consent réellement au concept des Jeux, aucun d'entre nous ne s'est rangé du côté des rebelles. Surtout que cela semblait impossible, à la vue de notre situation. Au Capitole, on peut nettement diviser la société en différentes classes : les coûts, bien sûr, sont les plus riches habitants de la ville. Ils vivent un peu comme les courtisans d'un roi ici représenté par le président de la dite "République" de Panem. Ils vivent comme des rois, c'est à peine s'ils travaillent vraiment. Ils gèrent l'administration des Hunger Games et la Galée, autrement dit les impôts que payent les Districts, destinés principalement à financer les Jeux. Tous ces noms sont si étranges, on se croirait comme au Moyen-Âge. Puis viennent les classes bourgeoises, les riches de Panem, qui passent généralement leur temps au salon de tatouage, de piercing, de coiffure ou à faire les boutiques. Chacun d'entre eux possède un indénombrable compte de modifications esthétiques. Pour ma part, je n'ai rien contre ce genre de choses. J'apprécie même. Je désapprouve seulement l'usage qu'ils en font. Puis viennent les classes moyennes, parmi lesquelles se trouve ma propre famille.
Au Capitole, tout le monde passe son temps à se montrer puéril, mettant en avant la neutralité, l'esthétique et les bonnes manières. Il n'y a pas la moindre trace de sincérité, de franchise là dedans... Je dis ça car, aux vues de mon obsession pour les anciens temps, temps où régnaient l'égalité et la liberté, sous la démocratie, je ne peux m'empêcher de comparer notre monde à celui des siècles précédents. J'ai envie d'y revenir, de mener ma propre révolution au sein du pays pour y faire valoir d'autres mœurs. Pour que chacun y vive heureux.
Mais c'est impossible.
Quand j'ai ce genre de pensées qui me rendent nostalgique, je pense à Douce, ma nièce de dix ans. Je repense à elle et je me dis que peut-être, en me raccrochant à son image, j'aurais une chance d'aboutir à mes buts. Même si ç'en sont d'autres que celui de changer le monde.
Douce et son visage angélique vivent chez moi avec ma famille depuis bientôt un an, depuis la mort de sa mère à l'hôpital, qui a eu lieu le jour de la victoire des tributs du District Douze. Jour où ont débuté d'inquiétants actes de soulèvements, engendrés par une simple poignée de baies sortie d'une poche. Ce jour là, l'espoir qui naissait en moi grâce à la situation dans les Districts a été coupé à la racine par la nouvelle du décès de ma tante. C'était comme un rappel pour me dire que, je pourrais toujours soutenir la révolte, jamais ils ne l'accepteront de leur côté. Dire que tous ces Jeux, cette rébellion, ce renversement et ces morts n'auraient peut-être pas eu lieu si Primrose Everdeen n'avait pas été pigée. Si sa courageuse grande sœur ne s'était pas portée volontaire pour la sauver.
Si son nom n'était pas inscrit sur ce morceau de papier.
Un simple morceau de papier. Voilà ce qui a permit à l'embrasement de prendre vie.
À ce moment là, je me vois me porter volontaire pour Douce le jour de ses douze ans. Peut-être que cela aura lieu...
Mon impatience ne cesse de grandir au fur et à mesure que le soleil descend, alors que je me demande ce qui m'attend demain. Des Hunger Games colossaux, voilà ce qui m'attend. Sous quelque forme qu'ils soient.

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À mon réveil, je suis de retour sur ma branche. La veille, j'ai rebroussé chemin en direction de la banlieue où se situe une villa abandonnée, faisant partie des seuls lieux épargnés par les rebelles. Depuis le début de la "guerre", je m'y suis bien plus souvent rendue qu'à l'accoutumée. J'y ai retrouvé mon petit ami, Budge, et y ai pioché des vêtements, de la nourriture, des outils... Pour les rapporter à la maison. Enfin, ce qu'il reste de la "maison". Et ce que j'ai encore du mal à nommer de cette façon. Jamais je ne me suis sentie chez moi nulle part, hormis dans les yeux de Douce ou dans les bras de Budge. Ils représentent les seules choses que je ne peux pas me permettre de perdre.
Arrivée devant la porte de la villa, je me demande si Budge m'y attend déjà où s'il avait d'autres projets. Je reste plantée un court instant qui me semble s'écouler pendant une éternité, à me questionner encore et encore que ce que je risque de trouver. Puis j'entre. L'atmosphère ici est douce et apaisante. Je me l'approprie comme si je la retenais, que je la rendait prisonnière pour ne pas qu'elle m'échappe. Il y flotte une odeur de Monoï apportée par des bougies parfumées. Puis je réalise que, si je sens cette effluve familière, c'est justement parce que des bougies doivent être allumées. Ce qui veut dire que quelqu'un est arrivé ici avant moi. Je me raidis sur place.
Me préparant à toute situation, j'ouvre discrètement ma besace et en sors un couteau large et dentelé sur les bords. Je ne dois pas m'attendre à ce que ce soit Budge, car ça pourrait être n'importe qui.
Je m'aventure d'un pas prudent sur le seuil, le couteau à la main. Silencieusement, mes jambes me mènent machinalement en direction du salon du rez-de-chaussée, première pièce à laquelle on a accès depuis l'entrée. Je resserre ma prise sur le couteau lorsqu'un grincement se fait entendre au dessus de ma tête. Je tourne automatiquement le regard vers les escaliers en face de moi et, à peine quelques instants après, surgit la silouhette de Budge. Il descend quasiment sans bruit. Je soupire et relâche un peu mes doigts qui se sont presque disloqués sur mon arme tant je la serrais.
-Salut, lance-t-il comme si de rien était.
-Tu m'as fait si peur ! rétorqué-je.
   Ses yeux glissent vers la pointe aiguisée dont je tiens encore le manche dans la main. Il paraît étonné un instant, mais il refoule ce sentiment malvenu et s'avance vers moi pour me prendre dans ses bras et me soulever un peu du sol. Il a toujours été trip grand pour moi. Je laisse tomber le couteau sans plus me soucier de lui et encercle la taille de Budge avec mes bras. Son étreinte me tient chaud, et son souffle contre mes épaules me réconforte. Je le sens même à travers mon manteau épais. Puis il me relâche, et une pointe d'amertume monte en moi lorsque je reviens à la réalité que représentent l'air froid et un vague sentiment de solitude. Je me penche pour ramasser mon couteau en évitant de croiser le regard de Budge.
La nuit vient insensiblement. Les bras large et chauds de mon petit ami m'en lavent la taille sous les couverture. J'hésite à m'endormir. Je me demande comment il fait, lui, pour dormir si profondément. Puis je cesse de réfléchir, j'abandonne ma lutte. Je me sens sombrer dans le monde de Morphée.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 03, 2017 ⏰

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Huntress - Hunger Games [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant