La porte était ouverte. L'appartement remplit de cadavres de bouteilles. Le lit défait. Un désordre sans nom. J'en étais à me demander comment on pouvait vivre dans une porcherie pareille lorsqu'il émergea du bout du couloir.
"-Oh, c'est toi? Je suppose que ça me fait plaisir de te voir.
Il n'était pas en meilleur état que son salon. Lui aussi devait être remplit d'ordures qui pourrissaient lentement à l'intérieur de son corps, et le faisait pourrir avec elles. Contrairement à lui, j'étais certain de n'éprouver aucun plaisir à devoir le rencontrer de nouveau.
-J'aimerai que l'on fasse vite si cela ne te gêne pas.
-Même pas bonjour?
-Tu ne l'as pas dit non plus.
Il haussa les épaules et traina les pieds jusqu'à son fauteuil. Je supposais que je devais m'asseoir en fasse de lui. Il ne fit aucun effort pour dégager un tant soit peu le sofa, dont le tissu était couvert de tâches suspectes, lorsque l'on pouvait distinguer le tissu sous les vêtements sales et les restes de repas qui le couvraient. Lui était peut être dans son environnement naturel, mais pas moi. Je m'assis comme je pus là où une chemise minimiserait les dégâts et bien entendu, ça le fit sourire: il n'aimait rien de plus que d'entrainer quelqu'un avec lui dans sa propre fange.
-Tu veux quoi?
-Je crois qu'on sais tous les deux ce que je veux. Ce qui m'intrigue c'est ce que tu veux toi. Ca ne te gène pas de te servir d'un cadavre comme tu le fais? Tu arrive à dormir la nuit?
-Si tu veux que cette conversation aboutisse à autre chose qu'à mon poing sur ta gueule, t'a intérêt à changer de ton.
Il avança une main tremblante vers un tas de bouteilles de bières à moitié pleines. Le liquide devait être tiède à force de stagner: ça ne l'empêcha pas d'en boire. Il voulait me dégoûter.
-T'en veux?
-Non merci, c'est bien aimable. Bon, reprenons: maman est morte. Tu n'étais pas là à l'enterrement, pas là à l'hommage, pas là même quand le notaire nous a parlé de l'héritage. Pas un appel pour nous consoler, pas une lettre, même pas un putain de bouquet de fleur avec un petit mot pour elle, rien.
-T'as bien conscience que je m'en fout et que t'arrivera pas à me faire culpabiliser?
-Je ne cherche pas à le faire tu sais. J'imagine que lorsqu'on tabasse tellement sa femme que l'on fini par être séparé d'elle et de ses enfants, et qu'on survit à ça sans le moindre signe de regret et sans jamais payer la pension, on peut aisément se foutre de tout. Sauf que là, tu as dépassé les bornes.
-Ce que je fais est parfaitement légal.
-Et parfaitement dégueulasse.
Tandis que mon regard plongeait dans le sien, je sentais de nouveau monter la même haine mêlée de crainte que je ressentais déjà pour lui à huit ans. Lui par contre, semblait penaud, conforté dans son statut de mâle dominant par le fait qu'il nous tenait par les couilles et qu'il le savait. Deux pieds sales vinrent bousculer les bouteilles pour se poser sur la table.
-Fiston -tu permet que je t'appelle fiston?-, je crois que tu n'as pas bien comprit la situation. Que tu le veuille ou non, ta mère n'a jamais divorcée. Même morte, elle reste ma femme. Quant à toi et à ta soeur -inutile de me donner des nouvelles, je m'en branle- vous êtes toujours mes enfants. Conséquemment, comme dirait mon avocat, ce que votre mère a gagné me revient d'abord, sauf à découvrir un testament qui va dans le sens contraire. Alors à moins que tu n'ai ce papelard et que tu sois venu me le montrer, ce dont je doute un peu, va te faire fiston.
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Ce que l'aube ne promet pas
Short StoryA l'attention des lecteurs: Cette œuvre est un recueil de nouvelles, et il n'y a donc pas de lien entre les différents chapitres. Certes, j'ai bien essayé de donner un semblant de cohérence avec le fil rouge, Gauthier Sans-Avoir, mais il est plus u...