As Salem Ahleykûm

973 84 1
                                    

Reproche de Dieu à un ami

Un saint personnage, qui trouvait son bonheur en Dieu, s'était livré pendant quarante ans à l'adoration. Dieu était intimement uni à lui et cela lui suffisait; il aurait cessé d'exister, que c'eût été indifférent pour lui, puisque Dieu n'aurait pas cesser d'exister. Il possédait un enclos au milieu duquel il y avait un arbre. Or un oiseau avait fait son nid sur cet arbre. Le chant de cet oiseau était doux, ses accents étaient agréables; il y avait cent secrets dans chacune de ses notes. Ce serviteur trouva du charme dans le chant suave de cet oiseau, mais Dieu fît à ce sujet une révélation au prophète de ce temps-là en ces termes : " Dis à ce serviteur qu'il est étonnant qu'après avoir fait jours et nuits toutes ses pratiques de piété, qu'après avoir tant d'années brûlé d'amour pour moi, il ait fini par me vendre pour un oiseau. Il est vrai que cet oiseau est admirable de perfection, mais enfin c'est le chant d'un oiseau qui t'as dans son filet. Moi, au contraire, je t'ai acheté et je 'tai enseigné et toi tu m'as indignement vendu. T'ai-je donc vendu l'achat ? Ai-je donc appris de toi la fidélité ? Ne te vends pas gratuitement pour si peu de chose; je suis ton ami ne cesse pas d'être le mien.

Le cheikh et le chien

Un chien impur reposait sur la poitrine d'un cheikh qui ne retira pas le pan de sa robe. Quelqu'un luit dit :" Ô toi qui es recommandable par ta dévotion ! pourquoi ne te gares-tu pas de ce chien ?" - " Ce chien répondit le cheikh, a un extérieur impur; mais en réalité, cette impureté n'est pas évidente à mon intérieur. Ce qui à l'extérieur est manifeste à son égard m'est caché à l'intérieur. Puisque mon intérieur est comme l'extérieur du chien, comment aurais-je de l'aversion pour lui, puisqu'il me ressemble ? Lorsque la moindre chose obstrue ton chemin, qu'importe que tu sois arrêté par une montagne ou par une paille.

Bon mot d'un sage sur un palais

Un roi fit élever un château orné de dorures pour la construction duquel il dépensa cent mille dinars. Lorsque ce château fut semblable au paradis, on l'embellit encore par des tapis. De tous les pays il vint des gens présenter au roi leur hommage, et ils lui offrirent des présents sur des plateaux. Le roi appela alors, avec ces hôtes, les notables de son royaume; il les fit venir auprès de lui, les fit asseoir sur des sièges, et leur dit : « Comment trouvez-vous ce palais ? Y reste-t-il quelque chose à désirer pour la beauté et la perfection ? » Tous dirent alors : « Personne ne vit jamais ni ne verra jamais sur la face de la terre un palais pareil. » Toutefois un homme voué à la dévotion se leva et dit : « Sire, il y a une fente, et c'est un grand défaut. Si ce palais n'avait pas ce défaut, le paradis luimême devrait lui apporter un présent du monde invisible (pour reconnaître sa supériorité). » « Je ne vois pas la fente dont tu parles, répliqua le roi; tu es un ignorant et tu veux exciter du trouble. » Le soufi dit : « Ô toi qui es fier de ta royauté ! sache que la fente dont il s'agit est celle par laquelle doit passer l'ange de la mort. Plût à Dieu que tu pusses boucher ce trou ! car autrement qu'est ce palais, que sont cette couronne et ce trône ? Quoique ce palais soit agréable comme le paradis, la mort le rendra désagréable à tes yeux. Rien n'est stable, et c'est ce qui enlaidit l'endroit où nous vivons. Aucun art ne peut rendre stable ce qui ne l'est pas. Ah ! ne te complais pas tant dans ton palais et dans ton château; ne fais pas tant caracoler le coursier de ton orgueil. Si, à cause de ta position et de ta dignité, personne ne te fait connaître tes fautes, malheur à toi ! »

L'amant et la maîtresse

Un homme brave et impétueux comme un lion fut pendant cinq ans amoureux d'une femme. Cependant on distinguait une petite taie à l'oeil de cette belle; mais cet homme ne s'en apercevait pas, quoiqu'il contemplât fréquemment sa maîtresse. Comment en effet cet homme, plongé dans un amour si violent, aurait-il pu s'apercevoir de ce défaut ? Toutefois son amour finit par diminuer; une médecine guérit cette maladie. Lorsque l'amour pour cette femme eut été altéré dans le coeur de celui qui l'aimait, il reprit facilement son pouvoir sur lui-même. Il vit alors la difformité de l'œil de son amie, et lui demanda comment s'était produite cette tache blanche. « Dès l'instant, répondit-elle, que ton amour a été moindre, mon oeil a laissé voir son défaut. Lorsque ton amour a été défectueux, mon oeil l'est aussi devenu pour toi. Tu as rempli ton coeur de trouble par l'aversion que tu éprouves actuellement; mais regarde, ô aveugle de coeur ! tes propres défauts. Jusques à quand rechercheras-tu les défauts d'autrui ? Tâche plutôt de t'occuper de ceux que tu caches soigneusement. Lorsque tes fautes seront lourdes pour toi, tu ne feras pas attention à celles d'autrui. »

Attar Farid ud-Dîn,
A

 Histoires Islamique Où les histoires vivent. Découvrez maintenant