Prologue

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Dimanche 4 décembre.

La pluie s'abattait sur la belle ville de New York, faisant fondre la fine couche de neige déposée quelques heures auparavant. Les new-yorkais avaient sorti leurs parapluies, pour la plupart. Les autres étaient confinés dans leurs salons, à regarder des téléfilms sur Noël.

En ce 4 décembre, les décorations de Noël étaient déjà toutes installées. Peu importait leur âge, tous les gens qui les voyaient étaient émerveillés. Il fallait dire que chaque année, la ville mettait tous ses moyens en ordre pour avoir les plus belles décorations de tous les États-Unis.

Ivy avait emmené Tom dans la ville pour lui montrer ce merveilleux spectacle. Le petit garçon avait passé l'une des meilleures soirées de sa vie. La jeune femme lui avait commandé un chocolat chaud dans l'une des cabanes du marché de Noël. Elle n'avait rien pris, comme à son habitude.

Tom avait aussi adoré monter dans cette grande roue : c'était la première fois. Une fois descendus, Ivy et Tom avaient eu la bonne idée de faire un bonhomme de neige. Le petit garçon avait des gants, mais pas Ivy. Et pourtant, elle avait prit la neige à grandes poignées et avait aidé Tom à réaliser son œuvre. Même avec les mains gelées, elle voulait lui faire plaisir. C'était Ivy. Elle avait toujours voulu faire plaisir aux autres, même si elle avait très peu d'argent et très peu de temps à elle, elle pensait d'abord aux autres. Même si Tom était seulement le fils de sa patronne qui lui demandait de le garder lorsqu'elle partait en voyage d'affaires, Ivy le traitait comme son fils.

Tom appréciait énormément Ivy. Elle était un peu comme la mère qu'il avait toujours voulu avoir. Sa mère n'était jamais là, et, lorsqu'elle l'était, c'était pour le réprimander sur ses résultats scolaires laborieux ou sur ses devoirs non rendus. Cathy avait eu à choisir entre sa vie familiale (ou du moins ce qu'il en restait) et sa carrière. Son choix a été fait. Quant au père de Tom ? Il ne le connaissait pas. Il était partit bien avant sa naissance et n'était jamais revenu. Ivy était sa dernière chance.

« Dit, Ave, appela le petit garçon. On en a encore pour longtemps ? Mes cheveux sont tout mouillés et mes mains sont aussi froides que la neige. »

Cela faisait quelques dizaines de minutes que les deux jeunes personnes marchaient dans les rues de New York les pieds dans la neige, sous la pluie. Les passants avaient tous des parapluies, mais eux, n'avait seulement leurs cheveux pour se couvrir de la pluie.

« Encore quelques minutes, fit Ivy d'une voix faible. »

Tom n'était pas le seul à avoir froid. Ivy était congelée : en plus d'avoir mis des fines baskets, elle avait les mains recouvertes de neige depuis l'épisode du bonhomme de neige.

" Pourrait-on acheter un parapluie, s'il te plaît ? Demanda Tom."

Ivy ne voulait pas que le petit garçon sache à quel point elle était ruinée. À l'âge qu'il avait, la seule chose dont Tom devait s'inquiéter était de savoir si il avait bien mis deux chaussettes de la même couleur. Mais elle avait déjà dépensé beaucoup trop d'argent pour ce soir.

« Je suis vraiment désolée, Tom, je sais que tu as froid, mais nous devrions bientôt arriver à l'arrêt de bus. »

Ivy regrettait tellement de ne pas pouvoir donner une protection à cet enfant, même si il ne s'agissait que d'un parapluie. Elle culpabilisait.

Si elle avait su à quel point le choix qu'elle venait de prendre allait changer sa vie.

Ils continuèrent à avancer, au milieu de la foule, dans la nuit. Il y avait littéralement toutes sortes de personne : des enfants, des adolescents, des jeunes adultes, des personnes âgées, des couples. Ivy ne savait pas réellement ce que le mot "couple" pouvait bien signifier. Elle n'avait jamais aimer ou été aimée par quelqu'un. Sa mère buvait, et parfois, elle criait tellement fort sur elle qu'Ivy explosait en larmes. Son père n'avait rien fait jusqu'à ce qu'il commence à prendre de la drogue pour oublier ce qu'était devenu son mariage. Un soir, il était rentré ivre, et avait commencé à frapper sa mère. Lorsque la jeune femme avait essayé de le retenir, elle avait elle-même finit par prendre un coup. Et puis un jour, quelqu'un l'avait découvert.

Aujourd'hui, ses deux "parents", si on peut les appeler ainsi, étaient morts ou en prison. Avec toutes les dettes qu'ils avaient laissé à leur fille, Ivy n'avait jamais pu vivre normalement. Même aujourd'hui, elle s'en sortait à peine.

Alors oui, "aimer" n'était pas tout à fait dans son vocabulaire.

Lorsque Tom vit enfin le toit de l'arrêt de bus, il se mit à courir. Ivy rit doucement, puis rejoignit le petit garçon. Elle contourna l'arrêt, et vit alors le monde qu'il y avait. Tom se retourna vers elle, déçu. Il n'y avait pas de place pour eux sous l'abri. Ivy demanda à un homme qui tapait sur le clavier de son Blackberry :

« Excusez-moi, est-ce que vous pourriez nous faire un peu de place, s'il vous plaît ? »

Elle avait fait son plus beau sourire, essayant d'être agréable. L'homme leva son regard de son cellulaire, et lança un regard froid à Ivy. "D'accord...", pensa-t-elle. Mais malgré tout, elle se montra compréhensive. Elle supposait que l'homme était sûrement fatigué de sa journée. Cette fille était un vrai ange.

Elle regardait tous les gens qui passaient, le petit garçon entouré autour de ses jambes, cherchant un moyen de se réchauffer. Son regard balayait la foule, lorsque ses yeux tombèrent sur un homme. Un homme absolument magnifique. Ou peut-être était-ce un dieu ? Ivy se demanda si son imagination lui jouait des tours. Peut-être qu'elle avait tellement froid que son cerveau était atteint. Ce dieu était la plus belle personne qu'Ivy n'avait jamais vue. Ses boucles brunes étaient relevées sur le haut de sa tête, et chaque trait de son visage semblait avoir été créé après de longues heures de réflexion, comme lorsque vous cherchez à faire quelque chose de parfait.

Le regard d'Ivy n'était plus qu'attiré par lui, ce garçon troublant. Et c'est lorsque ce garçon se retourna vers elle, que son regard quitta cet être qui semblait extraordinaire.

Le garçon, lui, était sûr d'avoir senti le regard de la belle jeune fille sur lui. Il se retourna, mais elle tourna la tête. Il sourit, et se mit à marcher dans la direction de cette brune. Il tenait un parapluie noir dans sa main droite, et avait pitié de voir cette fille aussi belle avoir si froid. De plus, il semblait qu'un enfant était accroché à elle, sûrement gelé. Le beau brun avançait entre les new-yorkais et arriva rapidement aux côtés de la jeune fille. Il tapota son épaule, écrasant quelques mèches de ses cheveux bruns. La jeune fille, étonnée, se retourna vers le beau brun. Lorsqu'elle le vit, un sentiment étrange de nervosité s'empara d'elle. Le bouclé lui sourit, dévoilant ses magnifiques fossettes, et lui tendit son parapluie.

« Je...Je ne peux pas accepter, fit-elle, timide.

- J'insiste, affirma le jeune homme de sa voix rauque. »

La belle brune hésita quelques minutes, puis accepta enfin le parapluie. Le petit garçon leva la tête et sourit au bouclé, content d'avoir enfin quelque chose pour se couvrir de la pluie.

« Merci, merci beaucoup, sourit Ivy.

- Ce n'est rien. »

Le beau brun sourit une dernière fois, puis mit sa capuche, et repartit en sens inverse, laissant Ivy derrière lui.

Si seulement ils avaient su.

~•~

UmbrellaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant