Prologue, Emma

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La voiture détalait le long de la route bétonnée. Mes yeux suivaient les nombreux paysages qui s'offraient à moi depuis presque trois jours maintenant. J'observais ces plaines, ces forêts, ces villes et toutes ces routes qui défilaient devant ma vitre. Et je me perdais devant ces images, cherchant à me perdre tout court, à m'égarer dans un autre monde, un monde moins douloureux. Devant moi, maman et papa demeuraient silencieux, il restaient enfermés dans leur mutisme, tout comme moi. Nous ne voulions pas parler, nous ne pouvions pas parler, nous n'osions pas parler.

Car si elle avait été là, c'est elle qui aurait brisé la glace. Si elle avait été là, c'est elle qui aurait chanté à tue-tête. Si elle avait été là, c'est elle qui nous aurait reproché notre peu d'énergie... Seulement elle n'était pas là, et elle ne serait plus jamais là. Il me suffisait de glisser la main sur le siège vide à côté de moi pour m'en souvenir, il me suffisait de caresser la toile rigide du sac à ma gauche pour revoir ses cendres, s'envolant au gré du vent tandis que pour la dernière fois j'étais réellement à côté d'elle, tandis que pour la dernière fois nous étions littéralement ensemble. Et je me souvenais alors du déchirement intense qui me tiraillait l'âme depuis ces derniers jours. Je me souvenais alors de son absence dévastatrice qui ne cessait de m'étouffer. Mon coeur était brisé et ses morceaux s'étaient enfui le même jour que ces minuscules grains de poussière gris. J'avais presque pu les voir, se mêlant à ses restes.

Je serrais violemment les poings pour lutter contre les larmes qui menaçaient de poindre, cependant j'avais à présent assez d'expérience pour savoir que cela ne servirait à rien : je ne pouvais m'empêcher de pleurer. Et j'avais d'ailleurs fini par m'habituer à cette sensation, celle des ces perles translucides et salées qui dévalaient mes joues pour se loger au coins de mes lèvres, j'avais fini par m'accoutumer à ce goût amer qui faisait alors surface au creux de ma langue.

Je levais la tête vers le paysage, de nouveau, cherchant une échappatoire à toute cette douleur qui m'accablait, c'était trop. Je brandis mon téléphone portable devant moi, les écritures lumineuses troublées par l'eau qui embrouillait mes orbites. Je clignais des yeux et deux gouttes roulèrent le longs de mes cils et des mes pommettes, suivant le chemin de leurs aïeuls.

Le mobil resta allumé devant mon visage éteint et je ne pus me décider à le déverrouiller. Je savais que sur le menu, figurerait mes nombreux appels à son numéro. Je savais que je ne pourrais me retenir de rappeler, et je savais que de nouveau je serais confrontée à ce : " Nous sommes désolés mais le numéro que vous avez composé n'est plus attribué. ".

Et cette voix féminine et dénuée de sentiments me rappèlerait à quel point le monde est injuste, à quel point elle aurait dû vivre plus longtemps. Je me mordis la langue pour faire passer cette émotion noire qui me traversait brutalement. Je me redressais et observais mes parents, à la recherche d'une quelconque attention envers moi, leur fille qui souffrait tant. Néanmoins j'avais l'impression de ne plus exister à leurs yeux, ils étaient tous deux concentrés sur la routes, les traits zébrés de ridules dessinées par l'épreuve effroyable que venait de nous faire traverser la vie. Et les voir aussi malheureux ne faisait qu'amplifier la douleur lancinante qui me vrillait le coeur.

Rien n'y faisait, nous nous étions égarés, sans sa présence, nous ne pouvions plus avancer ni reculer, seulement rester sur pause, comme si nous attendions qu'elle revienne, ce qui ne se produirait jamais. Et les secondes, et les minutes, et les heures s'écoulaient, sans que personne ne dise un mot, sans que personne n'émette un son, sans que personne ne forme une phrase, sans que personne ne fasse résonner sa voix.

Et j'apprenais à vivre comme ça, à vivre dans le silence, dans le gris, dans le terne. J'apprenais à vivre dans la tristesse et le chagrin, avec cette saveur fade sur les papilles, m'empêchant de sentir le moindre goût de la nourriture qui entrait dans ma bouche. Plus rien n'avait de couleur, plus rien n'avait d'odeur, plus rien n'avait de matière. La seule chose qu'il était encore possible de percevoir pour moi, c'était cet étaux froid qui enserrait ma gorge continuellement. Et d'une certaine façon cela me plaisait, comme si j'associais cette sensation à sa présence. C'était pathétique.

Soudain, le véhicule s'arrêta et j'osais jeter un regard à l'extérieur. Une petite maison en meulière me fit face, ses fenêtres surmontées de mosaïques bleues, et sa cours décorée d'un jolie banc en bois blanc et d'une pelouse émeraude. Sans même essayer de demander si nous étions arrivés, j'ouvrais la portière, ayant trop peur qu'en parlant je dérangerais ce silence cérémonieux. De toute façon, je n'avais pas besoin de les interroger, je connaissais déjà la réponse. Mes pieds touchèrent le sol dans un bruit sec - causé par le gravier blanc parsemant la terre. J'attrapai mon sac puis m'avançais vers cette nouvelle demeure, m'éloignant encore un peu plus d'elle, créant une plus grande distance entre nous, effaçant notre lien.

J'ouvris la petite barrière en bois bleu pâle qui ne put retenir un gémissement rouillé, puis j'entrais dans ce petit jardin que j'allais nommer mien. Des dalles en pierre gris foncé me montraient le chemin à suivre jusqu'à la porte d'entrée de la maison. Je sentis la présence de mes parents à mes côtés, même s'ils s'entêtaient à établir ce mutisme entre nous. Nous suivîmes alors ensemble le trajet, avançant vers notre nouvelle maison, notre nouveau chez nous, notre nouvelle vie. Et je ne pouvais m'empêcher de me demander comment j'allais survivre sans elle, sans ma soeur.


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Donc voici le prologue, qu'en pensez-vous ?
Ça vous plait ? L'histoire est entraînante ?

Je prendrais plus de temps à poster des chapitres pour cette fiction ( deux semaines environ ) mais ils seront plus longs, beaucoup plus long que dans AVRIL !

Voilà, j'espère que vous aimerez ! :)

Baci, Ellecey ❤️

Un regard vaut mille motsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant