Folie ou génie

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Je montais sur la potence, sans me presser, la tête droite. Il ne me restait plus qu'à espérer que mon plan de folie allait marcher. Quand j'ai dit que je n'avait pas d'opinion sur le changement du roi Talian, c'était faux. J'en ait une et maintenant je pris pour qu'elle soit vrai. Je pense que le roi  Talian est possédé. J'ai forgé cette opinion sur un tas de rumeur : le roi Talian aurait brusquement changé un jour, il s'enfermerait d'en sa chambre d'où on entendrait des cris le soir, on entendrait des pleurs... Il existe, sur le continent au sud du notre, une société assez secrète de mage. Personne ne sait vraiment quelque chose d'eux, mais on prétend qu'ils seraient capable d'effacer la mémoire, de faire apparaître du feu ou de l'eau et que les plus doués pourraient voler. En bref, on ne sait rien d'eux, à part des légendes. Si on ne sait rien de ce qui est sur notre continent voisin, que sait-on du reste ?

Les marins parlent d'une île à l'est de la notre, perdue dans les brumes, où roderait des pirates. Que pourrait-il y avoir d'autre dessus ?

J'essayais vainement de me convaincre que ma théorie n'était pas aussi folle qu'elle ne pouvait le paraître. Sans réelle réussite. Mon plan, si on pouvait appeler un espoir aussi vague un plan, était de toucher l'âme, la vraie âme du roi Talian. En espérant déjà qu'il soit là.

Je cessais de regarder le vide en songeant à mes vagues espoirs, et l'aperçut rapidement dans de nobles habits, assis sur une place surélevée. J'essayais sans réel succès de planter mon regard dans le sien. Il paraissait ennuyé du nombre de gens qu'il y avait à pendre. La voix du "juge" me surprit :

- Solia Millavenir, ici présente est condamnée pour avoir chanter dans une auberge, et réciter des poésie.

 Finalement j'étais condamnée pour les deux, chant et poésie. La voix du juge était lasse, encore quelqu'un de surchargé. Je ne sait pas pourquoi j'ai du mal à éprouver de la pitié pour celui qui allait sans doute annoncer ma mort. Je le regardais dans les yeux.

- Selon les lois en vigueur, un tel crime doit être punis par la mort. Quel est l'avis du peuple ? reprit le juge, d'une voix un peu tremblante.

Les quelques personnes payés pour être là crièrent sans aucune conviction à mort. Le juge tourna la tête vers le roi qui dit à mort en étouffant un bâillement. Les yeux du juge se posèrent sur moi :

- Quelle est votre dernière volonté, mademoiselle ?

Voilà la dernière partie de mon espoir. Cette question. Je ne sais pas pourquoi le roi avait gardé la dernière volonté des condamnés à mort. Je balançais entre le sadisme et le semblant de vérité. En penchant beaucoup plus vers le sadisme. Je gardais la tête droite et regardais le roi.

- Laissez-moi parler une minute, murmurais-je.

- Accordé! dit le juge en s'asseyant.

J'inspirais beaucoup d'air, faisais le vide dans mon esprit et me lançais :


- Par une nuit sans lune et sans nuages

   Où l'on ne distingue pas son ombre

   Une sombre âme vole dans les airs

   Vers un château dans les ténèbres


   Nuit sans lune, nuit des mages,

   Des formes floues dans les décombres

   Nuit où les morts quittent notre terre

   Parfaite pour des pompes funèbres


   Cette sombre âme trouve le roi

Les mondes oubliés : la poète de la luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant