Jugement

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J'attendais mon jugement, la tête haute. Je savais bien que ce n'était pas vraiment un jugement, mais juste une mascarade montée par le roi pour garder un semblant de justice, mais comment appeler cela ? Depuis qu'il avait été couronné, le roi Talian qu'autrefois on appelait le clair ou l'éclairé, c'était transformé en tyran. Selon les rumeurs, c'était arrivé progressivement, selon d'autres le centième jour de son règne, d'autres encore disaient que le vrai roi était mort et que celui là était un usurpateur.

J'avais entendu au moins des centaines de version de son changement. Personnellement, je ne me savais pas et ne cherchais pas à savoir. Quoi qu'il en soit, depuis  le début de son règne maintenant deux ans , il avait fait interdire les fêtes, les chansons, les rassemblements, les poésies... C'est ce pour quoi j'avais été incriminé. Avoir réciter une poésie. Ou peut-être chanter. Ou les deux. Je ne sais plus, de tout manière quelle importance ? Ce n'était même pas un jugement. D'ailleurs, les pseudo-jugements des condamnés à mort se tenaient autour de la potence. C'est vrai, il ne faudrait pas perdre de temps à se déplacer.

J'étais dans une geôle minuscule où il y avait juste un banc, sur lequel j'étais assise. Je regardais mon médaillon, un des seuls objets que l'on m'avais laissé garder. Ou que l'on avait pas vu. A vrai dire, les prisons étaient surchargés, les gardes n'avaient pas de temps à perdre, et ils ne m'avaient même pas fouillé. Juste demander si j'avais quelque chose à leur donner, où si je préférais laisser ça au bourreau . J'avais décliné l'offre, espérant qu'ils soient trop occupé pour trouver ça louche. C'était le cas.

J'avais sur moi deux couteaux dans mes bottes légèrement montante, un dans chaque botte, une bourse accrochée à ma ceinture et que les gardes n'avaient même pas pris la peine de récupérer. De toute manière, elle était presque vide. Dans le résidu où j'habitais habituellement, à l'arrière d'une auberge, il y avais mon arc, et d'autres couteaux. J'avais dis à l'aubergiste de  les récupérer si je ne revenais pas dans deux jours. Certaines personnes ne comprenaient pas qu'on pouvait être une fille armée, poète et prudente. Et j'avais mon médaillon.

Mon médaillon, seul souvenir de mes parents que je n'ai jamais connu. Autant que je sache, je l'avais toujours eu. Il était en forme de soleil, avec une lune superposée par dessus. A l'intérieur, il y avait seulement écrit ceci :

                                                     Soleil

                                              d'   Or

                                                    Lune                                   Solia, ma poète d'infini                       

                                                    Inspirée

                                             d'   Argent

Voilà. C'est tout. La seule trace de mes parents. J'ai passé mon enfance dans les rues, à traîner, aidant les gens pour une pièce, vendant des poèmes d'amour. J'ai eu une enfance vagabonde mais heureuse. Quand j'avais environ 4 ans, l'aubergiste chez qui je loge m'a recueilli, m'a nourri, m'a élevé. Vers mes 7 ans, j'ai pris mon indépendance et il n'avait plus besoin de nourrir. Vers mes 14 ans, je passais une partie de mes soirées dans son auberge, à chanter ou vendre des poèmes pour une pièce, rapportant un peu de client.

Pour trouver le vocabulaire nécessaire à la poésie, j'étais obligé d'aller à la pendaison des criminels pour entendre des mots savants. J'écoutais les plaidoiries de l'accusé, les accusations, les dernières paroles, puis m'enfuyais à toute jambe pour ne pas voir le condamné mourir. Je n'avais pas eu d'autre choix pour apprendre du vocabulaire. Et quand des chevaliers passaient à l'auberge, ce qui été rare, je les suppliés de me parler.

J'entendais des pas, des voix, qui venaient vers moi. Ça devais être l'heure de mon pseudo-jugement. Je me levais, et allais à la porte, en à peine un demi-pas. Le garde que j'avais déjà emmener des personnes qui ne revenaient pas s'approchait de moi :

-  Viens c'est ton heure. Tu es accusé de quoi toi ?

- Poésie ou chanson, je ne sais plus, dis-je d'un ton détendu.

Il eut un bref regard étonné vers moi.

- Tu t'appelles comment ? demanda-t-il en même temps qu'il ouvrait la porte de ma cellule.

- Solia, es-toi ? répondis-je, en même temps que je sortais en étirant mes jambes.
Environ 6 heures que j'étais dans ma geôle et j'étais ankylosée.

- Rahim, et tu es ma dix-neuvième  condamnée de la journée, soupira-t-il.

- Vous avez eu une augmentation au moins ? ironisais-je.

- Même pas, sourit-il. Par contre, tu es ma première condamnée humoriste, et ça fait du bien.

- Je n'ai plus rien à perdre, et tout à gagner.

Il acquiesça silencieusement en sortant de la prison. Ce que ça fait du bien de revoir le soleil, même après seulement une demi-journée d'emprisonnement. Il était environ 7 heure du soir, les pendaisons se terminait à 7h30, je devais être la dernière de la journée. Nous marchions depuis seulement 2 ou 3 minutes, quand je vis la potence, accompagnée d'un tas de chaussures, sans leurs propriétaires.

Je faillis demandé à Rahim si ils avaient rapproché la potence, pour que nous les condamnés à mort aient moins à marcher, mais il avait pris un air martial. Je me contentais de relever la tête et de marcher vers ma mort. A part si mon plan marchait...








Les mondes oubliés : la poète de la luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant