Tarvaris

Chapitre 3 - ... On l'écoute

Faisant confiance à ses chevaux, le rouquin décida de glisser les rênes à l'intérieur de la cabine pour pouvoir garder un œil sur Adam et Walter, encore endormis. Jacob, appuyé contre la fenêtre depuis leur départ, tenait honteusement le silence.

Durement bercé par le massage qu'il recevait de la banquette, le petit, toujours sans prononcer le moindre mot, tentait du mieux qu'il le pouvait de faire abstraction de son entourage comme il l'avait appris jadis. Ses mains le faisaient encore terriblement souffrir, mais la route bosselée qu'ils empruntaient à travers les forêts ne lui donnait aucun repos et le ramenait même parfois brusquement à la réalité, l'empêchant de poursuivre sa méditation.

Son aura, quant à elle, l'obligeait à prendre conscience de tous les insupportables bruits de la route qui les assaillaient à leur passage.

Daniel lui avait enseigné cet art dans l'unique but de contrôler ses émotions avant même qu'il ne perde le contrôle de son aura – c'était un exercice très connu des sorciers et des jeunes disciples souhaitant la détendre –, car une fois éveillée, elle prenait conscience et dominait son hôte par peur d'être à nouveau enfermée. Il fallait cependant beaucoup plus qu'une année pour l'utiliser aussi bien, mais il avait semble-t-il un talent pour cela également.

─ Qu'est-ce qui te tracasse, Jacob? Lui demanda Daniel en ressentant l'aura du jeune frétiller sans même avoir cherché à le ressentir.

─ Rien, répondit-il sèchement en fermant les yeux pour garder sa concentration.

Quelques goûtes de sueur perlaient sur son front et un teint malade maquillait son visage depuis qu'il était réveillé. Il dissimula discrètement ses mains dans la grosse couverture qui le couvrait pour essayer de les masser, mais un simple contact lui provoquait une douleur si aiguë qu'il n'allait réussir à l'estomper qu'en arrivant enfin à penser à autre chose. Il fit cependant grincer ses dents lorsque ses poignets se mirent eux aussi à se faire mordre parle ruisselant liquide brûlant et noir qui envahissait ses veines.

─ Il faudra tôt ou tard que tu me parles de ce qui vous est arrivée dans la forêt, poursuivit-il calmement. Le médecin voudra certainement avoir plus de détails... et moi aussi, pour être tout à fait honnête. Je veux t'aider Jacob, et tu sais que je prendrai toujours ta défense, mais tu dois me faire confiance pour que j'y puisse quelque chose.

Il abandonna sa méditation brusquement, incapable de se couper des liens qui l'unissaient à Daniel à ce moment même. Ses mots lui percutaient les tympans et résonnaient dans sa tête comme une voix intérieure. Il songea alors : « Je suis allé trop loin, cette fois... la méditation ne m'aidera pas », constata-t-il en s'affaissant dans son siège, les larmes aux yeux.

─ Je te sens perdu... apeuré... Insista-t-il. Parle-moi, je t'en supplie...

Une étrange sensation s'empara du grand sorcier, semblable à la froideur d'une brise qui vint lui caresser la nuque délicatement avant que son souffle chaud ne le brûle.

Tout en gardant les yeux rivés sur la route étroite, il se mit à sonder plus attentivement les alentours de la caravane pour en découvrir la provenance. D'expérience, il savait que c'était une manifestation surnaturelle – une aura, pensait-il, mais d'une forme agressive.

Il commença par l'extérieur, mais outre quelques traces sensorielles perceptibles par peu de sorciers, rien ne l'alertait visiblement. Pas de doute : quelqu'un ou quelque chose était toutefois passé par-là, il le sentait, mais les vibrations négatives ne provenaient pas de ces marques. Il passa ensuite rapidement à la cabine.

Adam rêvait encore et sa sorcellerie sommeillait avec lui, cela ne semblait pas provenir de son corps. Quant à Walter, un bref contact avec la sienne lui permit de comprendre qu'elle était autant, sinon plus, épuisée que lui.