Chapitre 2 - Quand Destin parle...

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Walter avait été déposé sur le lit de l'infirmerie – dans un des quartiers du grand manoir où vivait le professeur – reposant au milieu des regards absents de ses amis. On avait changé les draps maintes et maintes fois, mais la blessure n'avait pas fini de les souiller. Le pauvre petit se vidait devant l'auditoire impuissant.

Jacob n'était pas dans la pièce à leurs côtés. Il était encore une fois seul, puisque aussitôt que Walter franchit la porte dans les bras d'Oshö, le rejeton ne devint alors qu'une sculpture encombrante qui ne demandait pour une fois qu'un peu d'entretien. Il finit par lourdement traîner son corps atrophié jusqu'aux bains extérieurs sans que personne ne daigne se préoccuper de lui et se soigna longuement en grimaçant de douleur. Avant de ne plus avoir assez d'énergie pour se tirer hors de l'eau, il se sécha brièvement et alla tristement s'affaisser sur son lit dans un autre bâtiment. Il sentait déjà ses doigts engourdis le quitter et sa vue se troubler. Tandis qu'il regardait ses mains, ressassant la dure soirée qu'il venait de vivre et ce qu'il avait fait avec elles, Jacob éclata en sanglots. La gorge serrée, il laissa les chaudes larmes coulées sur son visage en regardant douloureusement les veines noires de ses paumes prendre de l'expansion.

Le local étant assez étroit, Daniel préféra renvoyer les disciples dans le salon. Il n'avait malheureusement pas d'autres choix que de l'opérer lui-même pour qu'il survive au transport jusqu'à Waverlock une fois son état stabilisé.

Pour un homme de trente-sept ans, il avait un éventail de compétences très large et fort heureusement, l'application de soins provisoire en faisait partie. Il put ainsi nettoyer et s'occuper partiellement des plaies encore suintantes en attendant qu'un vrai médecin lui vienne en aide au village. L'inquiétante profondeur des entailles lui posa cependant problème lorsque vînt le temps d'essayer de les recoudre. Cela l'occupa une bonne partie de la nuit, le nez fourré dans ses vieux livres pour s'assurer qu'il n'aggraverait pas son état.

Pendant ce temps, les autres attendaient des nouvelles avec très peu de patience.

Le mobilier de bois antique, les candélabres et les tapis rouges qui frayaient un passage tortueux à travers les pièces leur semblaient plus sinistres que d'habitude. Malgré la faible lueur du foyer qui réchauffait le manoir, l'ambiance accueillante et chaleureuse n'arrivait pas à chasser leurs traits chagrinés.

Oshö avait servi un thé aux herbes pour les détendre et les invita tous à dormir ici ensemble pour l'occasion. Ils préparèrent ainsi quelques lits improvisés qu'ils installèrent près de la cheminée. Épuisés par les événements, ils ne tardèrent pas à s'endormir.

Garcia s'infiltra dans la pièce en prenant soin de ne pas faire le moindre bruit et s'assit sur le sofa auprès du maître d'armes. Celui-ci lui servit une tasse de thé qu'elle accepta pour se réconforter.

─ J'ai trouvé Jacob, il dort paisiblement dans sa chambre. C'est à croire qu'il ne se soucie pas de l'état de Walter... souffla-t-elle désespérément.

─ Il fait bien de prendre un peu de repos, ajouta simplement le moine, une longue journée l'attend demain. Daniel ira confier Walter au médecin du village, et il compte amener Jacob avec lui pendant le long voyage.

─ J'ignore pourquoi le professeur s'obstine tant à garder cet enfant sous sa tutelle... ce n'est qu'un trouble-fête! Chuchota la corpulente servante en serrant les dents. Je n'ai aucun bon souvenir venant de lui.

─ Faites-lui confiance, Garcia, cet homme est si sage qu'il voit plus loin que les apparences et réfléchit avec plus d'objection que n'importe lequel d'entre nous. Ce garçon n'est pas ici par hasard, soyez-en sûre.

─ Vous croyez?

─ C'est toutefois ce qui me permet de supporter son arrogance, lui avoua-t-il en souriant. J'ai confiance en notre professeur, j'ai donc confiance en chacun de ces enfants. Même si... j'ai du mal à comprendre ce qu'il s'est passé dans la forêt. Pour être honnête, je préfère éviter de penser au pire.

TarvarisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant