Journal de bord d'une fille invisible

~ Page n° 13 ~

Samedi 05/11/15   POINT DE VUE LUKE MILLER

Je déambule dans les rues du quartier les mains dans les poches. Il doit être vers les trois heures du matin mais je ne suis toujours pas décidé à rentrer à la maison. Pas après ce que papa et maman ont décidé de nous affliger. J'ai souvent l'impression qu'ils ne pensent jamais à nous. Vous devez sûrement vous demander pourquoi je suis parti. En fait, j'ai simplement besoin de prendre un peu l'air. De respirer autre chose que l'odeur de la trahison de mes parents. Bande de salopards. Mais je ne suis pas fou. Un ado de quatorze ans qui marche dans les rues d'une ville déserte et qui n'a nulle part où aller retournera bien évidemment chez lui. Je veux juste montrer à mes parents, vus qu'ils ne sont pas forcément des personnes très à l'écoute, qu'en prenant cette décision ils prennent le risque de me perdre. Pas que j'ai l'air de forcément les intéresser mais au moins je leur aurais foutu une petite frousse.

Les lumière des lampadaires me permettent de me sentir un peu moins seul que je ne le suis déjà. Peut-être que faire une mini fugue n'était pas ma meilleure idée. Mais je ne peux pas me dégonfler et rentrer à la maison maintenant comme si toute cette histoire est ma faute. Comme si c'est à moi de m'excuser auprès de ces monstres qui me servent de parents. Bon. Peut-être que ma réaction est légèrement exagérée. Cependant, j'en ai assez que mes parents controlent toute ma vie. Ils décident quand on part, on reste. Quand on déménage...

Un troisième déménagement en une année! Papa a battu le record. Et perdu mon respect.

La sonnerie de mon téléphone me sort de mes pensées. Je soupire et le prends, m'apprêtant déjà à ignorer l'énième appel de maman. Pourtant, ce n'est pas ma mère qui m'appelle mais Felicity. Et merde! Comment j'ai pu oublier que mes parents contacteraient les siens? Quel imbécile. Je parie que maman et papa lui ont demandé de m'appeler pour me convaincre de rentrer. Alors pourquoi je ne peux me résigner à appuyer sur le bouton "ignorer"? Je finis par prendre l'appel. Après tout, ce n'est pas elle qui a décidé que ma famille et moi-même déménageront à Londres dans moins de trois semaines.

" Felicity, je ne suis pas d'humeur à parler. S'il te plait je veux juste être seul...

- Et moi je me fais du soucis pour toi. Dis-moi au moins où tu es.

- Pour que mes parents viennent me chercher? La dernière chose dont j'ai besoin c'est de les voir.

- Luke, s'il te plait, c'est dangereux ce que tu fais. Ils sont morts de trouille. JE suis morte de trouille...

- Devant la bibliothèque municipale. "

Et je raccroche en soupirant. Mes parents sont assez malins pour avoir utilisé Felicity afin qu'elle puisse me convaincre de rentrer. Quelle bande de salopards. Dites-moi s'il vout plait que j'ai été adopté. Mais il faut avouer qu'elle est la seule personne à qui j'ai envie de parler. Après tout, elle est la raison pour laquelle je ne veux pas partir. Je ne pourrai pas supporter d'être loin d'elle. Je ne pourrai pas vivre en sachant que j'ai une fois de plus perdu une autre des personnes à qui je me suis attaché lors des nombreux déménagements infligés par le travail et l'égoisme de mon père. Je ne peux pas perdre la fille dont je suis amoureux. Complètement et follement amoureux.

************

" Luke? "

Je lève les yeux vers Felicity. Il fait noir mais j'arrive pourtant à la voir sourire. Elle s'assoit à ma doite sur une des marches de la bibliothèque et ramène ses genoux contre sa poitrine.

- Tes parents t'attendent à l'entrée, dit-elle d'une petite voix.

En effet, j'aperçois deux silhouettes à une vingtaine de mètres de nous. Une colère indescriptible me sert la gorge et je sers des poings.