Les voisins

III

Le lendemain, après être sorti faire quelques courses, l'esprit encore brumeux de mon insomnie, je décidais d'appliquer mes résolutions de la nuit précédente et ne rentrais pas directement chez moi. D'après les récents événements, j'étais incapable de résister à cette fille, mais je refusais aussi catégoriquement de me comporter de nouveau en voyeur. La seule solution qu'il me restait était donc de faire officiellement sa connaissance, et croiser les doigts, voir des étoiles filantes, passer sous des trains, prier les dieux, (et plus encore s'il le fallait) pour que mon attirance soit réciproque. En bref, c'était très mal parti.
Pour me donner du courage autant que pour commencer quelque part cette entreprise hasardeuse, je m'étais persuadé d'aller lire son nom à l'entrée de son l'immeuble.
Et si je n'apprenais rien, eh bien ... Tant pis, j'aurais au moins essayé, il y avait probablement d'autres moyens.
Peu convaincu, je m'approchais avec anxiété de l'interphone et cherchais la septième ligne de nom. Je crus m'être trompée lorsque j'y lu Romuald & Saskia, mais après vérification, ça ne pouvait être que ça, les autres étant des appartements inoccupés, des locaux d'entreprise, ou des colocations.
Non, il n'y avait pas de doute possible, c'était bien celui-là.
Mais pourtant ... Depuis presque un an que j'habitais ici, jamais je n'avais quelqu'un d'autre qu'elle dans l'appartement. Même si, d'accord, je ne l'avait remarqué que très récemment, savoir Saskia partageant ce lieu m'était inconcevable.
Cette nouvelle me perturba tant et si bien que je ne vis pas l'homme qui arrivait derrière moi et manquais de le renverser en m'en retournant.

- Oh toutes mes excuses, je ne vous avais pas vu, m'empressai-je de m'excuser, balbutiant de ma maladresse.

- Pas de soucis, répondit-il avec un sourire sympathique.

- Vous cherchiez quelqu'un ? Je peux vous ouvrir en attendant, ajouta-t-il ensuite en voyant que je m'en allais l'air déçu.

À ce moment là, je dus avouer que la tentation fut grande. Immense, même.
Mais je n'y cédais pas, trop chamboulé par l'existence du compagnon mystère de Saskia pour conserver cette audace.

Je le remerciais d'un signe de tête et m'en retournais sous la pluie battante, ramenant mes courses dans un état évaporé qui m'était inhabituel.

Saskia avait donc quelqu'un dans sa vie.

Pas un instant ne me traversa l'idée qu'il aurait pu s'agir d'un frère ou d'un ami.