Les voisins

IV

Le soir même, alors j'étais accoudé contre ma baie vitrée à regarder le soleil couchant avec mélancolie, ce que je faisais bien avant de rencontrer ... pardon, de connaître ... de découvrir Saskia, je fus témoin d'une scène que je n'aurais jamais crue possible.
Techniquement, il faisait encore jour, mais la rue était sombre car la lumière ne filtrait plus entre les immeubles agglutinés du quartier.
C'est ce qui a attiré mon attention. La lumière dans la chambre de Saskia. Elle ne s'y trouvait jamais avant que la nuit soit bien avancée, or nous étions en fin d'après-midi, et même les samedi comme aujourd'hui, elle passait sa journée dans les autres pièces.
Ce soir là, j'ai vu l'homme de ce matin ouvrir la porte de sa chambre à la volée, Saskia sur l'épaule avant de la balancer sur le lit et de fermer violemment le rideau. Le contre-jour m'a fait deviner leurs corps entremêlés s'agitant de plus en plus vite, et les ombres déchaînées la sauvagerie de leurs ébats.
J'étais tout simplement sous le choc, écœuré de ce spectacle.
Elle qui paraissait si délicate, si douce ... La voir ainsi secouée par ce type me retournais les boyaux. Bouillonnant de rage, je me relevais en un bond et frappais d'un énorme coup dans le verre. La douleur résonna dans mes doigts et j'y trouvais un peu de soulagement, distraction éphémère permettant d'écarter l'autre, plus aiguë, plus vicieuse, qui me rongeait les tripes et le cerveau.
Puis je retombais à genoux au sol, dégouté. Les poings dans le plancher, je tremblais de frustration, la mâchoire grinçant et la vue brouillée par l'eau accumulée entre mes paupières.
C'était dégueulasse, putain !

Dans l'état où j'étais, je ne vis pas bondir Saskia pour écarter le rideau et tendre des doigts suppliant dans ma direction, pas plus que je ne vis le type derrière elle, la ramener à lui par les cheveux. Le rideau retomba, ma tête se redressa et je quittais la maison, emplis d'autant de fureur que de désespoir.