Chapitre 1

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Une pièce vide, ou presque, une pièce noire. Sans rien, rien d'important en tout cas. Une table, une chaise. Sur la table, une assiette, une fourchette et un couteau. Le couteau est étrange, on dirait presque qu'il sourit, qu'il est vivant et qu'il prépare un mauvais coup. On aurait presque envie de lui demander : Qu'est-ce-qui te fait rire comme ça, petit coutelas ?

Et puis on se ravise, on se dit qu'un couteau n'est pas vivant, qu'on se fait des idées, on se demande même si on n'est pas un peu fou.

Sous la table, quelqu'un, recroquevillé. Tout ce qu'on distingue de lui, ce sont ses yeux à la fois bleu océan et rouge sang. Un regard de raison et un regard de folie, des larmes bleues et des cris rouges. Et à côté de lui une lettre, un petit papier de rien du tout, marqué à l'encre rouge de ces six mots :C'est toi qui l'as fait, Caleb.

***

Les gouttes de pluie tapaient aux vitres de la maison, le garçon aux yeux bleus et rouges venait de sortir sur le pas de la porte. Il avait rabattu la capuche de son sweat sur sa tête et allait sous la pluie. Il marchait dans la rue sans vraiment savoir où il allait, il déambulait. Personne ne le voyait, on aurait dit un fantôme ou un malade prêt à s'écrouler d'un moment à l'autre. Seulement le malade on peut essayer de le soigner, de faire quelque chose pour lui alors que pour le garçon au regard de folie et de raison, personne ne risquait de vouloir l'aider. La pluie s'intensifiait et fouettait le visage des inconscients qui osaient sortir, le garcon ne semblait pas se préoccuper de la pluie ; plus elle lui fouettait le visage, plus la quantité de petites larmes bleues qui lui coulait sur les joues grossissait. Il rabattit sa capuche jusqu'à ses yeux pour qu'on ne voit pas ses pleurs et pressa le pas. Il arriva à un pont et s'arrêta devant ce dernier. C'est seulement à ce moment qu'il se rendit compte qu'il avait marché beaucoup plus loin qu'il ne pensait.

Il mit sa main dans la poche de son sweat et serra le petit papier aux caractères rouges, puis le sortit à l'air libre et s'avança sur le pont. Il se pencha au-dessus du vide et jeta la lettre incrustée des six mots rouges.Quand elle atterit dans l'eau, il eut une drôle de sensation comme si on avait effaçé quelque chose de mauvais mais qui, finalement, avait fini par devenir indispensable. Il suffoqua et s'agrippa au parapet. Quand il se pencha au-dessus du vide pour reprendre son souffle, il eut l'impression de voir les six mots rouges flotter à la surface.

Il s'éloigna du bord en titubant et courut vers l'endroit d'où il était venu. Ses yeux devenaient de plus en plus rouge, le rouge de la folie et des cris. Ces six mots chantaient dans sa tête.

C'est toi qui l'as fait, Caleb.

                                                                                                        C'est toi qui l'as fait, Caleb.

                                              C'est toi qui l'as fait, Caleb.

              C'est toi qui l'as fait, Caleb.

                                                                                    C'est toi qui l'as fait, Caleb.

***

De l'autre côté du pont, deux garcons commencèrent à traverser au moment où le garcon aux mots rouges s'enfuyait. L'un aux yeux bleu saphir, l'autre aux yeux rouge rubis, quelqu'un de peu observateur aurait pu dire que ces deux paires d'yeux ressemblaient aux pupilles du garcon enfui, mais ce n'était pas le cas car ce dernier avait un regard perçant, tranchant, qui semblait n'évoquer que douleur et ressentiment alors que ceux des deux jeunes garçons brillaient d'une lueur semblable à celle des scintillements d'une pierre précieuse. Le garçon aux yeux saphir se nommait David et celui aux yeux rubis, Jude.

-Tiens, fit remarquer David, ce n'était pas Caleb à l'instant ?

-Où ?

-Là-bas, à l'autre bout du pont.

-Ça, ce serait bizarre, je ne savais pas qu'il habitait dans ce quartier !

-Et je peux t'assurer que tu n'étais pas le seul non-informé.

-Il faut dire que Caleb n'est pas tellement du genre à raconter sa vie...

-Non, je crois que je n'en ai jamais su aussi peu d'une personne que je côtoie tous les jours.

-On lui demandera demain à la Teikoku Academy.

-En espérant qu'il nous réponde, ha, ha !

Et c'est un rigolant légèrement que ces deux personnes aux yeux de pierres précieuses franchirent l'autre bord du pont et partirent chacun de leur côté.

Le secret de CalebOù les histoires vivent. Découvrez maintenant