Chapitre 6

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"Bien, fit Marguerite en s'asseyant sur un siège. Laissons notre nouvelle compagne se présenter.
_ Je m'appelle Victoria des Alyzées et je suis la cousine de Gabriel, commençai-je intimidée. Je viens de la Bretagne.
_ Etes-vous chrétienne ?" demanda une des suivantes.

Devant mon hésitation, Marie-Alice siffla :

"C'est peut-être une huguenote !"

Les suivantes crièrent d'effroi, avant que Marguerite ne les gronda :

"Qu'avez-vous contre les protestants ? J'en étais une aussi."

Les dames se turent aussitôt et Marguerite me fit signe de reprendre.

"Oui. J'étais une protestante, mentis-je avec aplomb. Mais comme le christianisme était la religion de notre Roi, j'ai choisi de me convertir.
_ C'est une sage décision, opina Marguerite en hochant la tête. Moi aussi j'étais huguenote, mais ma tante m'a fait découvrir la beauté de la messe, et j'ai accepté de me convertir."

Elle me sourit, et je regrettai de lui avoir menti. Elle était pleine de joie de vivre et mon cœur se serra. Mais elle ne me laissa pas le temps de me morfondre.

Elle se leva et me proposa :

"'Que diriez-vous de visiter le château ?"

J'acceptai avec joie, et nous sortîmes de la pièce, les suivantes sur les talons. Nous nous retrouvâmes bientôt devant le jardin. Nous entrâmes dans un labyrinthe de haies et Marguerite s'arrêta devant une fontaine.

"Voilà la fontaine de Latone ! présenta Marguerite avant d'expliquer. Latone était la mère des dieux Artémis et Apollon. Elle a été exilée sur terre, et a demandé aux habitants d'un village de l'héberger. Mais comme ceux-ci ont refusé, elle les a transformés en crapauds."

J'observai attentivement la fontaine. Elle représentait une femme qui tenait un enfant dans ses bras, pendant qu'un autre était assis à ses pieds. Des grenouilles en or bordaient la fontaine et crachaient des jets d'eau.

"Très joli, commentai-je.
_ Et ce n'est pas fini, s'amusa Marguerite. Allons voir l'orangerie !"

Elle me fit traverser une grande partie du parc en diagonale pour arriver à l'orangerie. Il y avait ici des orangers et des citronniers, plantés dans des caisses en argent massifs.

Dire qu'on pourrait nourrir des centaines de familles avec un seul pot, songeai-je avec tristesse. Mais Marguerite coupa court à mon dégoût en saluant une petite fille.

"Bonjour, Mlle de Blois !
_ Oh ! s'exclama la petite fille. Bonjour Marguerite. Comment allez-vous ?"

Elles parlèrent un petit moment avant que la fillette ne s'éloigne.

"Qui est-elle ? demandai-je à Marguerite.
_ Mlle de Blois ! répondit-elle comme s'il s'agissait d'une évidence. Elle est la fille du Roi et de Mme de Montespan.
_ Ah. Quel âge a-t-elle ?
_ Onze ans.
_ Elle est mignonne, remarquai-je. Belle comme un ange."

C'était tellement bizarre. Toute la Cour était au courant des liaisons du Roi, et pourtant, elle faisait comme si de rien n'était. Je ne comprenais rien.

Je soufflai un bon coup et Marguerite s'amusa :

"Cela doit être étrange pour vous, non ?
_ Ce château est magnifique, confiai-je à la marquise. C'est la plus belle chose que j'ai vu de toute ma vie.
_ Je suis contente de l'apprendre," rigola Marguerite.         

Elle me fit découvrir tout le jardin, en s'arrêtant devant chaque statut et chaque fontaine. Elle en avait complètement oublié ses suivantes, et une d'elle finit par prévenir :

Les Ailes du Temps ~ Complot à la Cour du Roi SoleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant