Mensonges.

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Je regardais, par la fenêtre du véhicule, défiler le paysage. J'étais appuyée contre l'accoudoir de la portière, le menton dans la main, désespérément silencieuse. Le chauffeur avait bien tenté d'engager la conversation, mais en vain. Il n'avait réussi qu'à me faire dire "oui" et "non", ainsi que mon adresse. Je sais, ce n'est vraiment pas agréable de ma part de m'enfermer dans le mutisme. Mais je ne suis pas d'humeur a faire la conversation. Vraiment pas. Dans ma tête se passaient et se repassaient en boucle les images de ces trois derniers jours. J'avais beau tenter par tous les moyens de les faire taire, rien n'y faisait. Alors, plutôt que de lutter, ce qui me donnait mal à la tête, je les laissais défiler. 

-Vous êtes arrivée, mademoiselle, m'annonça le chauffeur, me tirant de mes rêveries. 

Je lui souris faiblement. 

-Merci beaucoup. 

-Ça fera 25 livres, ajouta-t-il. 

Je hochai la tête et cherchai l'argent dans mon sac. Je n'avais qu'un billet de 50, que je lui tendis, afin de régler ma course. Il voulut prendre la différence dans sa caisse mais je posai gentiment une main sur son bras pour l'arrêter. 

-Ne vous en faites pas, gardez la monnaie. Considérez que c'est mon dédommagement pour ce trajet que, j'en ai bien conscience, je ne vous ai pas rendu très agréable. 

Il haussa les épaules en souriant d'un air bienveillant. 

-Bah. J'en ai vu de bien pires que vous, vous savez. Vous n'êtes simplement pas très bavarde, mais certains de mes clients sont, quant à eux, absolument odieux, et d'autres vomissent dans la voiture... Croyez-moi, j'en ai connu d'autres. Et puis... Les chagrins d'amour laissent toujours amer et triste. Dans ces cas-là, on n'a pas trop envie de discuter. 

Je le regardai, surprise. 

-Qu'est-ce qui vous laisse croire que c'est un chagrin d'amour? m'enquis-je. 

Il leva les yeux au ciel. 

-Allez, vous ne croyez tout de même pas que je n'ai pas vu votre regard? Les filles amoureuses et blessées ont toutes le même. 

Je frissonnai, et secouai négativement la tête, soudain nerveuse. 

-Non, vous vous trompez. Tout ça n'a rien à voir avec... Ce que vous dites. Je ne suis pas amoureuse. Attristée du traitement que l'on m'a infligé, mais pas amoureuse. 

Il acquiesça, d'un air de dire "oui, oui, c'est ça ma petite, à moi, on ne me la fait pas". J'ouvris la portière et me dépêchai de récupérer mes affaires, pressée de congédier le bonhomme. Il allait me mettre martel en tête avec ses affirmations idiotes. Non je n'étais pas amoureuse de Casay, certainement pas. D'ailleurs, rien que l'idée me paressait saugrenue. Lui et moi? Ha ha, la blague. On s'entre-tuerait si ça arrivait. De toute manière, il y avait Arthur. Et puis il m'avait mise à la porte, sans doute avec la ferme intention de ne plus jamais me revoir. Sa dernière phrase me revint en mémoire. "Crois-moi, je ne le fais pas parce que j'en ai envie. Je le fais car c'est mieux pour tout le monde". Un sourire amer naquit sur mes lèvres. Oui bien sûr. Ils disent tous ça, lorsqu'ils décident de se séparer de quelqu'un. "C'est pas toi, c'est moi, je suis trop compliqué, pas assez bien pour toi, tu es une fille magnifique, tu mérites mieux que moi" etc, etc. On a toutes entendu ce discours au moins un jour dans notre vie. Je soupirai d'un air de dédain, et, sur ses considérations, je sonnais à la porte. Landon, notre majordome, vint immédiatement m'ouvrir, et m'accueillit avec un grand sourire réjoui. 

-Vous me voyez ravi de vous revoir, Milady, me salua-t-il. A vrai dire, nous nous inquiétions un peu. 

Je lui souris.

Vivre ou exister...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant