7. Souvenirs douloureux

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"A peine ouverte au jour, ma rose s'est fanée"
André de Chénier

✨✨✨✨

Éloïse

Je me sens dans l'incapacité de retourner travailler tout de suite après ce rendez-vous désastreux. Enfin, cette fin de rendez-vous désastreuse. Si je m'écoutais, je rentrerais chez moi sur le champ, j'enfilerais mon bas de jogging gris qui est aussi confortable qu'hideux, et je me mettrais au lit avec un bon roman dramatique, juste histoire de trouver une raison valable pour pleurer toutes les larmes de mon corps. Mais je ne peux pas faire ça. Je suis aujourd'hui une adulte et il semblerait qu'en vieillissant, les humains deviennent plus sages et plus responsables. Plus déprimés aussi je rajouterai si j'en suis mon expérience.

Étant donné qu'Alexandra est au courant de mon retour tardif, je décide de m'arrêter une petite heure à la salle pour me vider un peu la tête. Je me rends au sport très souvent sur le temps de ma pause déjeuner, j'ai ainsi toujours dans ma voiture mon sac de change. Et ce midi plus que jamais, je sais que je serai plus disposée à m'occuper de ses deux devis de malheur après quelques millilitres de sueur et une dizaine de bornes sur tapis.

Je m'installe sur la machine, glisse les écouteurs dans mes oreilles et pousse le volume de mon Iphone à fond. J'ai besoin d'évacuer un peu de tous ces sentiments qui ont resurgit en force depuis trois jours et qui me dépassent totalement. Et surtout, je veux vider cette colère que je ressens envers moi-même d'avoir été bête au point de laisser un seul petit espace à Grégoire, suffisant pour qu'il me blesse de nouveau.

Pourquoi y arrive-t-il toujours si facilement ?

Je suis amenée à le revoir c'est certain, je ne vais pas démissionner juste pour le fuir tout de même. Mais il faut absolument que je me préserve plus que ça. Je ne dois plus le laisser entrer dans ma vie. C'est fini.

Pourtant j'aimerais tellement comprendre pourquoi a-t-il agi comme ça ? Et pourquoi avec moi alors qu'il avait à sa disposition toutes les filles qu'il désirait ? Sait-il au moins que cette seule nuit a détruit tout mon univers ? Forcément.

Je revois cette pimbêche d'Amanda, la starlette du lycée, venir me narguer si souvent après son départ, en me balançant de nouvelles saloperies à chaque fois : « Tu ne crois quand même pas qu'il avait des sentiments pour toi ? Tu n'es pas assez bête pour ça, toi l'intello de service ? Oh, si, tu le croyais. Ma pauvre Éloïse ! Franchement, Grégoire tomber amoureux d'une grosse...? Mais tu n'étais qu'un jeu pour lui. Un simple pari, comme il en faisait tous les mois. Il devait te dépuceler pour empocher le pactole. Pourquoi crois-tu qu'il est parti juste après ? Avec toutes celles qu'il a défleurées, il a gagné assez de fric pour se tirer loin d'ici...».

Je sens l'émotion me serrer la gorge et j'avale douloureusement la boule qui est en train de s'y former. Je dois me ressaisir. Je me suis jurée de ne plus jamais laisser ces personnes me détruire comme elles l'ont fait si longtemps. Tout ça, c'est du passé. Ce n'est pas parce que Monsieur Legrand a refait d'un coup surface dans ma vie que toute cette merde va de nouveau m'exploser à la tronche. Je suis aujourd'hui une femme forte. Et je dois lui prouver que ce qu'il a engendré ne m'a pas anéantie !

Je relève la tête sur l'écran du tapis de course. Neuf bornes en quarante cinq minutes ! Un record. Au moins quelque chose de positif aujourd'hui. Ça booste d'avoir les nerfs... J'éteins l'appareil, retire mes écouteurs que j'enroule autour de mon téléphone et me dirige vers la douche des vestiaires. Je me sens désormais prête à attaquer le restant de la journée.

Quand plus tard, 18h00 apparaît sur l'horloge du bureau, je suis assez fière d'éteindre mon ordinateur en me disant que j'ai réussi à envoyer dans l'après-midi le premier devis pour Grégoire, dans un e-mail courtois et très classique. J'ai également bien entamé le second concernant son Domaine. Tant pis pour les autres tâches, elles attendront un peu, j'ai besoin de clôturer rapidement l'épisode Grégoire Legrand et de reprendre tranquillement le cours de ma vie.

Sur le chemin du retour jusqu'à la maison, je me dis d'ailleurs qu'Alexandra a bien raison. Ma vie me parait peut-être ennuyeuse mais au moins Maxime ne m'a jamais fait souffrir, lui. Non, il m'aime et me respecte. Il ne me ferait jamais de mal intentionnellement. Nous étions il y a encore peu un couple soudé et je suis persuadée que nous pouvons le redevenir. Alors pourquoi tout compliquer ? Je décide ainsi de taire pour le moment le retour de Grégoire Legrand, mon esprit me convainc que c'est ce qu'il y a de plus raisonnable.

Et après un rapide dîner, je le rejoins dans notre chambre, bien déterminée à lui prouver que nous pouvons encore se rendre heureux même si je suis incapable de lui donner ce qu'il désire vraiment.

Et même quand je te hais, je t'aime encore chez Black Ink Édition Où les histoires vivent. Découvrez maintenant