" On cause du passé, couleur de deuil, de l'avenir, couleur de rose "
Alphonse Daudet✨✨✨✨
Grégoire
Lundi 10 octobre 2011
— Au revoir Grégoire, je l'entends me répondre froidement alors que je referme la porte de cette menuiserie choisie au hasard. Comme quoi, le hasard n'existe pas...
Je ne me retourne pas et regagne mon pick-up, un sourire aussi irrépressible que niais sur les lèvres. Je m'installe sur mon siège, laisse aller mon crâne sur l'appuie-tête et prends quelques secondes pour réfléchir à tout ça.
Éloïse Chrétien ....
Cette ravissante blonde aux yeux si troublants qui après tout ce temps me fait encore un effet de dingue. C'est incroyable !
Je viens de faire un retour en arrière d'une quinzaine d'années et pourtant, la seule pensée qui me vienne maintenant est que si j'avais su que je tomberais sur Elle dès les premiers jours de mon retour ici, je serais à n'en pas douter revenu bien plus tôt! Et moi qui me demandais encore ce matin ce que je fichais là !
En tout cas, cette rencontre inattendue a au moins eu le mérite d'atténuer mes doutes un instant.Dérouté, je passe mes mains sur mon visage pour me reprendre, avant de mettre le moteur en route et d'actionner la marche arrière, me promettant de revenir taquiner ma blonde préférée, certainement plus par hasard et très rapidement.
Je pousse le volume de mon autoradio un peu plus haut, U2 joue son « I'm still haven't found what i'm looking for ». Et tandis que ma voix vient se superposer à celle de Bono, le trajet qui m'amène jusqu'au Domaine aux Roses continue de me replonger dans mes années de lycéen, quand tout ici me répugnait. Tout, mise à part elle. Et si je la trouvais déjà jolie à l'époque, je dois bien avouer qu'elle est devenue une femme magnifique, vraiment.
Le jour de notre première rencontre me revient en mémoire notamment et je pourrais dire qu'elle est restée la même depuis. Elle possède toujours ses longs cheveux dorés, légèrement bouclés, qui entourent si parfaitement son visage, ses yeux marron en forme d'amande, ses lèvres si roses, si délicates, et si délicieuses dans mes souvenirs. Et que dire de ses fossettes quand elle sourit? Ces deux petits creux ont toujours eu le don d'atteindre directement mon entrejambe.Oui, je pourrais presque affirmer qu'Éloïse est restée la même mais elle m'est pourtant apparue différente aujourd'hui. A commencer par son corps, qui est manifestement devenu celui d'une femme qui sait désormais le mettre en valeur. Non pas qu'elle n'était pas féminine à l'époque mais elle se cachait trop facilement derrière son look typique d'ado : pull difforme-jean délavé-tennis usées. Ce matin, elle portait des talons aiguilles noir, une jupe grise et un haut en dentelle noire, le tout épousant subtilement les courbes de son corps. Un vrai fantasme ambulant.
— Eh meeeerde ..... Je freine brusquement, faisant crisser mes pneus sur l'asphalte. Désolé ! je lâche en grimaçant à la conductrice de la citadine bleu à qui je viens de griller la priorité.
Elle est furax et m'envoie gentiment me faire voir par le biais de son plus beau majeur dressé en ma direction. Quelle élégance !
Mais je la comprends, je n'aurais pas réagi autrement. Encore moins quand je réalise que j'ai failli causé un accident juste au souvenir d'une tenue. Enfin, des formes se cachant sous cette tenue.Je la laisse passer, j'enclenche la première et poursuis mon chemin.
Cette péripétie a au moins l'avantage de me faire revenir à la réalité, et à ce que j'ai un peu moins apprécié en revanche, l'anneau de diamants qui brillait à son doigt. Éloïse est donc une femme mariée. Les cinq petites minutes de conversation que nous avons échangées aujourd'hui suffissent à me faire comprendre pourquoi l'homme qui a réussi à la séduire ait voulu la faire sienne. On ne laisse pas une femme comme elle.
Si seulement j'avais compris tout cela il y a quinze ans ...J'ai vite remarqué que je lui plaisais à l'époque. En fait, nous nous étions rentrés dedans au croisement de deux couloirs au lycée. Elle faisait sa rentrée et cherchait partout où se trouvait la salle de classe pour son prochain cours. Elle était en train d'essayer de se relever quand je lui ai tendu la main pour l'y aider et que nos regards se sont croisés. Elle a rougi instantanément et s'est mise à bafouiller en me demandant le bâtiment qu'elle devait rejoindre. Le petit prétentieux que j'étais alors n'avait cessé de l'imaginer dénudée en lui donnant les indications, et je me souviens encore m'être promis de l'avoir dans mon lit avant la fin de l'année scolaire. Sauf que plus les jours passaient, plus j'éprouvais le besoin de la connaître et de la protéger. De moi, en particulier. Je couchais avec les plus belles filles du lycée, mais ces relations n'allaient pas au-delà de la nuit, uniquement des aventures sans lendemain. Je n'entretenais jamais de relations amoureuses, je n'avais ni le temps, ni l'envie pour ça. Les filles savaient à quoi s'attendre avec moi et venaient elles-mêmes me trouver, pensant toutes pouvoir me changer.
Mais une seule y est arrivée.
La seule qui m'attirait vraiment mais que, pour une raison obscure, je me refusais d'utiliser juste pour une nuit.Même si c'est ce que j'ai pitoyablement fait....
Et près de quinze ans plus tard, je tombe de nouveau sur Elle et les mêmes sentiments m'envahissent inexplicablement.
Je laisse échapper un rire réprobateur, je n'ai jamais cru au hasard ou au destin. La vie a toujours été bien top cruelle avec moi pour ça. Serait-ce là une nouvelle provocation? Une énième façon de me rappeler ce que je n'aurai jamais? Hypothèse à ne pas écarter quand je me souviens de la froideur de ses réponses.
Mais qui pourrait lui en tenir rigueur ? J'ai pris ce que tout homme croit être en droit de recevoir d'une femme puis je suis parti au petit matin, comme tous les autres, sans jamais lui donner de nouvelles. Ni à personne d'autre d'ailleurs.
"Pas de retour en arrière", telle était ma devise pour me défausser de ma culpabilité.
Et je débarque aujourd'hui, des années après, pensant mériter une quelconque sympathie de sa part. A croire qu'au final, je n'ai rien appris pendant tout ce temps. Pourtant, je refuse de m'avouer déjà vaincu et de la laisser me détester comme ça, c'est trop insupportable pour moi. Alors, même si elle est mariée, je compte bien la revoir dès que possible, je dois au moins lui expliquer ce qu'il s'est passé ce soir-là. Elle doit connaitre la vérité, savoir que je n'ai rien pu changer.
C'est boosté par cette volonté toute nouvelle que j'arrive sur le chantier plus motivé que jamais pour ma première journée de travail.
✨✨✨✨
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Et même quand je te hais, je t'aime encore chez Black Ink Édition
Roman d'amourÉloïse s'est construit une vie idéale avec Maxime après le traumatisme qui l'a brisée au lycée . Son existence fade mais sécurisante a restauré tout ce que Grégoire, son premier amour, a impitoyablement détruit. Éloïse rêve de délicatesse et de stab...