Chapitre 1 : confrontation avec les souvenirs

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La pièce était sombre, silencieuse, il m'observait comme fasciné par mon audace. Il fronça les sourcils et baissa sa fine paire de lunettes sur son nez. Seule une douce lumière divine, comme sortie de nulle part éclaira mon visage et raviva ce doux éclat dans mes yeux. Cet éclat qui s'était jadis égaré. Je remarquai alors qu'il était surpris de me voir ici malgré son manque d'information en ce qui me concernait. Je n'avais rien mentionné d'autre à part mon nom, mon âge et les banales informations indiquant la raison de ma présence. J'étais allongée sur le divan en cuire usé, comme dans ces films clichés dans lesquels les psy n'ouvrent jamais la bouche et ne font que hocher la tête au moindre son émit par le patient.

Le patient... pourquoi l'appelait-t-on ainsi ? Ce terme ne convenait-il pas mieux pour un rendez-vous médical ? Ou pour une personne internée dans un hôpital psychiatrique ? Avais-je réellement besoin que l'on me nomme ainsi dans les circonstances actuelles ? Tout ce dont j'avais besoin, c'était de me confier, de parler de ce secret qui me tiraillait le cœur, qui m'étouffait, qui m'engloutissait. J'avais la désagréable impression d'être partagée entre la tristesse et la culpabilité, et pourtant, j'étais bien incapable de m'exprimer là-dessus. Je me trouvais là, dans cette pièce oppressante dont l'étrange odeur me nouait la gorge. Vous connaissez ce moment dans lequel vous ne vous concentrez que sur de petits détails, tout en faisant abstraction des mauvaises pensées : une odeur, un objet, une personne, et c'est à cet instant que vous vous demandez qui a bien pu passer dans cette pièce avant vous, vous vous demandez s'il a ressenti le même effet que vous. Puis vous reprenez conscience après tous ces moments de silence et vous vous trouvez absurde : tout devient illogique et désagréable.

-Je vous écoute Mademoiselle Dalton. Dites moi ce que vous avez sur le cœur, peu importe ce que vous avez fait. Je ne vous jugerai en aucun cas.

Qu'attendait-il de moi ? Par où fallait-il que je commence ? L'histoire était longue et incompréhensible. Même moi qui l'avait vécu, qui y avait réfléchi en long et en large, je n'arrivais pas à en saisir toute la subtilité. Ce qu'il m'en restait aujourd'hui était une vision moins optimiste et beaucoup plus critique. C'était sûrement cela la vision poétique.

-Vous avez perdu une amie chère n'est-ce pas ? Repris Mr. Lake, dites m'en plus là-dessus, que ressentez-vous ?

Heureusement comme malheureusement, j'avais anticipé cette question avant de me rendre dans le cabinet. Je l'avais passée et repassée dans ma tête afin d'en définir une réponse banale qui n'en dirait pas trop, car je n'avais en vérité aucune réponse personnelle à apporter.

-Et bien... Je suis perdue. Complètement perdue, Monsieur. Si j'étais une personne normalement constituée, que devrais-je ressentir exactement ?

Un petit rictus amusé se dessina sur le visage du psychologue et il pencha légèrement sa tête sur le côté.

-Tout dépend de la relation que vous entreteniez avec la dénommée Madisson . En principe si elle était une amie poche pour vous, une personne pour laquelle vous aviez beaucoup d'affection, peut-être devriez-vous ressentir un soupçon de tristesse ou de regret. Est-ce le cas ?

Non, ce n'était pas le cas, et c'était la raison pour laquelle je me sentais perdue. Ce que je ressentais, c'était en partie de la culpabilité. De la culpabilité concernant des pensées que j'avais eu à l'égard de Mad', des pensées que nous avions toutes partagées. Comment pouvais-je expliquer ce qu'il s'était passé sans que Mr. Lake ne me prenne pour une personne instable, pour une adolescente atteinte de folie ? Madisson était une fille étrange, elle avait le don de vous mener par le bout du nez et ainsi de vous faire croire ce qu'elle voulait que vous croyiez. Il était difficile de connaître ses intentions, tout comme il était difficile encore aujourd'hui de la décrire sans se contredire. Elle avait de bons côtés comme de mauvais, comme toute personne banale me direz-vous, mais pour elle, c'était différent : ses mauvais côtés étaient si obscures et si incompréhensibles qu'ils allaient jusqu'à obstruer le peu de lumière qu'il y avait en elle.

We blew out the candleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant