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On se souvient tous d'un élément en particulier à propos d'une personne que l'on a rencontré. Souvent,les gens vous diront qu'untel ou untel avait un beau sourire, qu'il était aimable ou même qu'il portait une chemise de couleur. C'est ce détail en question qui vous rappelle cette personne. J'ai rencontré Alix dans le métro, sur la Northern Line pour être plus précis. Et tout ce dont je veux me remémorer, ce n'est pas ses grands yeux bleus, ni sa jupe de couleur rouge, ni même la façon qu'elle avait de prononcer mon prénom, mais belle et bien sa vision du monde.

*

Je ne suis pas réellement le genre de gars qui mérite qu'on écrive quelque chose à son sujet. Je n'ai jamais sauvé personne, je n'ai jamais obtenu le prix Pulitzer car je n'ai jamais rien à dire de concret. Je ne suis pas non plus une référence, juste une personne lambda.

Lambda parmi les 8,5 millions d'habitants à Londres. Mais, je crois que ça me suffisait amplement. Il y avait pas mal de choses dont je me contentais en réalité. Je me contentais du job que j'avais même si je savais qu'un jour où l'autre il faudrait sincèrement que je me tire.Question d'égo (et de paie aussi).

Je me contentais des tacos et des pintes de bières blanches entre copains le samedi soir. Sur le plan social et humain, je me contentais là aussi de rester en surface, et profitais des nuits sans lendemain. D'ailleurs, je n'ai jamais réellement compris pourquoi on appelait ça « des nuits sans lendemain », puisque quoi qu'il arrive, le monde continuera de tourner, avec ou sans moi.

J'appréciais ma liberté, enfin, c'est ce que j'aimais dire.

- Louis, je me tire, n'oublie pas de fermer à clef. M'interpella Joe

Joe, était lui aussi une personne lambda. Lambda dans son genre quand même. Maintenant grisonnant, il avait ouvert ce bar où je travaille en 1996 en pensant que vingt ans plus tard ça deviendrait l'endroit à la mode où tous les bobos se réuniront.

J'avais déjà fait part de mon avis à Joe concernant la tapisserie capitonnée rouge sang sur les murs et les meubles datant d'un autre siècle, mais il disait que ça faisait vintage. Le plus hilarant mis à part le nom du bar (The Lucky Pig) était que l'endroit dégueulait de monde chaque samedi soir malgré son apparence vétuste et glauque.

Je lui adressais un signe de main pour lui indiquer que je l'avais bien entendu. Il poussa la porte et disparu dans l'ombre. Les aiguilles de la grosse horloge métallique suspendue au dessus du bar avoisinaient presque 1h00 du matin. C'était un jeudi soir typique.

J'essuyais à l'aide de mon torchon fétiche les derniers verres avant de soupirer. L'ambiance tamisée et feutrée avait toujours rendu ce bar particulier. Le plancher fait de bois était ancien et datait de sa construction. Joe avait investi dans des canapés et des banquettes de couleurs beiges pour casser avec les couleurs des tapisseries sombres.

Je n'étais pas le seul employé (et heureusement). Liam travaillait également ici, mais nous avions des horaires décalés, nos seuls troncs communs se résumaient aux samedi et parfois aux vendredi soirs pour assumer les rushs. Je connaissais ce bar comme ma poche, c'était un peu comme une seconde maison. J'appréciais les rares moments quand il n'y avait plus personne, entendre craquer le bois sous mes baskets et ces moments où le jukebox jouait dans le vide. Quand Joe a le dos tourné, j'aimais aussi me servir quelques shots à la violette, on a tous nos petits secrets.

Après avoir rangé proprement la vaisselle, j'enfilais mon blouson en jean tout en cherchant intuitivement du bout des doigts mon paquet de cigarette dans ma poche. En manque de nicotine, je plaçais l'extrémité de ma clope sur la ligne de mes lèvres sans l'allumer, tout en continuant d'inspecter le bar. Je n'étais pas du genre perfectionniste, mais j'aimais que les choses soient bien faîtes.

UNDERGROUND - L.T (SLOW UPDATE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant