Chapitre 30.

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2h30

Assise sur ce fauteuil, complètement torchée, éclatée, bourrée, elle écrivait sur son portable ses pensées malsaines, ses idées noires, ses peurs, ses angoisses : sa vie.

Elle ne cessait d'écrire, des lettres s'assemblaient, des mots se formaient, des phrases se créaient. Un bordel. Elle mettait tout, sans y penser.

Des mots, des lettres, des larmes.

Elle écrivit ces quelques mots :

" Tu te souviens de nos nuits à la belle étoile Kian? Tu sais lorsque l'on dessinait nos vies avec les étoiles, qu'on respirait le silence de la nuit et qu'on inspirait les nuits fauves. Entre shots de vodka, spiffs et verres de vins. On hurlait, on vivait, on riait, on dansait. On inspirait l'air puis on le recrachait en hurlant, en brisant ces nuits taciturnes. Dis tu t'en souviens?
Mais maintenant il ne reste plus rien. Juste des éclats de nous qui resonnent encore bien trop fort dans ma tête. Il ne reste plus que les rires qui se sont envolés au loin, que des coeurs essoufflés qui ne sont plus sur nos mains. Un haut-le-coeur et une envie de mourir me traversent quand je te vois dans ce lit.
Je crois que je vis un Enfer. Les mots m'écorchent, m'arrachent, me lacèrent la peau. Je suis déglinguée, complètement éclatée, éventrée, calcinée et vidée sans toi. Je hurle sans le faire. Je sais plus quoi faire pour calmer ce vide assourdissant qui gronde en moi. J'étouffe.
Je respire et mes poumons éclatent. Je hurle. Je pleure. Mais personne ne m'écoute, même pas toi. Ton prénom résonne en moi. Le mien s'oublie dans le néant.
Mon âme n'est plus qu'une pâle tâche dans ce tableau qu'est ma vie. Je suis presque comme toi, étendue sur ce lit, pâle et endormie, sans aucune vie.
Je t'en prie. Réveille toi. "

Elle écrivait ses tripes, elle écrivait son coeur. C'était juste elle et ses mots.

3h43

Elle lâcha son portable et abandonna son corps dans ce fauteil. Elle commença à pleurer. À réellement pleurer.

Des souvenirs étouffants, brisants, refirent surface. Elle trembla, suffoca, ses poumons la brûlait. Elle convulsait presque.

Puis ce fut le silence. Un silence assourdissant, qui lui vrillait les tempes, lui donnait envie de vomir.

Tout s'était arrêté. Même les machines.

Son coeur loupa un battement, elle eut de plus en plus de mal à respirer.

Tout en elle semblait vouloir hurler.

Elle tomba au sol et cria de toutes ses forces, le peu qu'il lui restait.

Les médecins accoururent et l'écartèrent dans un silence religieux.

4h00

Un choc. Rien.

Le coeur de Naya semblait ralentir lui aussi.

Deuxième choc. Rien.

Elle ne le sentait même plus battre dans sa cage toracique.

Troisième choc.

Le coeur de Naya s'arrêta lorsqu'elle entendit le bruit du cardiogramme retentir de nouveau.

4h02

Soupir de soulagement collectif.

4h05

Les médecins reculent légèrement du lit.

4h07

Naya prend la main de Kian.

4h10

Kian ouvre les yeux.

Everybody's Changing.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant