Partie 40

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18:36. Nos regards entremêlés, je laisse Qassim me parler toujours au téléphone sans lui répondre. Je suis sous le choc de ce qu'elle vient de m'annoncer. Elle porte toujours son fameux manteau long qui lui va jusqu'aux mollets et son foulard. Cette fois-ci il est d'une autre couleur. Elle est fatiguée mais déterminée en même temps. Elle respire un peu fort mais sans le montrer. Je le remarque grâce à sa poitrine qui se gonfle derrière son manteau. Elle a l'air sûre d'elle et est prête à enfin révéler une vérité longtemps cachée ! 

- Yasmine ! 

- ... 

- Yasmine c'est qui je vais pas le répéter je vais m'énerver bêtement ! 

- Qa... Qassim désolée ! 

- C'est qui ? 

Je ne sais pas quoi répondre. Je ne peux pas lui dire qu'une femme du quartier est venue chez moi il va se poser des questions et essayer de savoir pourquoi. Je réfléchis en quelques secondes à une excuse qui peut passer et qui ne pourrait jamais élucidée. Je referme la porte légèrement pour lui faire entendre le bruit de la porte qui se ferme. Je parle tout bas pour donner un effet de discrétion vis à vis de la personne devant la porte pour qu'il croie en mon histoire. 

- Tu te rappelles de la fille là enfin mon ancienne amie avec qui je parlais plus ? 

- Ouais ? 

- Bah elle est là ! Je suis choquée Qassim je fais quoi ? 

- Laisse la rentrer wesh vous vous parlez plus pour n'importe quoi en plus ! 

- Je dois te rappeler que c'est elle qui me parle plus ? C'est elle elle fait la gamine ! 

- Je sais c'est bon mais vas y laisse là rentrer ! 

- Ouais mais si elle me dit un truc qui m'énerve direct je la jette je te préviens ! 

- Si elle est ici c'est forcément pour arranger les choses et pas aggraver les problèmes déjà présents entre vous réfléchis un peu ! 

- Mmh ! Ouais je vais la laisser rentrer c'est bon ! 

- Écoute qu'est-ce qu'elle a à te dire wakha (d'accord) ? 

- Mmh ! 

- Jure ! 

- Je te jure ! 

- Hahahaha je m'appelle pas Bertrand tu me l'as fait à l'envers comme ça ! Dis wallah ! 

Je pense fort au visage de cette femme. 

- Wallah je vais l'écouter ! 

- Vas y rappelle moi quand vous avez fini et raconte moi ! 

- D'accord ! 

- Vas y Salam ! 

- Aleykoum Salam omriiii ! 

Je raccroche le visage fermé. Mon enthousiasme n'était que téléphonique. Je rallume mon téléphone et cherche mon application qui me sert à enregistrer des sons vocaux etc. Je commence à enregistrer et tiens mon téléphone dans la main. Je veux que cette conversation reste dans mon téléphone et je veux que tout soit enregistré pour que je puisse me rappeler de chaque phrase dite et pour que je puisse le réécouter. J'ouvre la porte et la fixe. Elle relève ses yeux vers moi et d'un ton sec et froid je lui dis : 

- Rentre ! 

18:57. 

Elle joue avec ses doigts. Elle regarde autour d'elle peut-être surprise par la décoration et le grand séjour qui s'ouvre à elle. Je continue de la fixer toujours sèchement sans aucuns sentiments. Elle ne mérite rien du tout de ma part c'est moi qui mérite quelque chose de sa part et ce quelque chose est une explication assidue de l'histoire c cernant la mort de mes parents. Elle arrête d'un coup de jouer avec ses mains et ouvre le premier bouton de son manteau. Elle a l'air oppressée et aimerait un peu d'air pour pouvoir mieux respirer. J'hésite longuement avant d'ouvrir la fenêtre. Je ne veux pas la mettre à l'aise je veux qu'elle souffre comme nous avons souffert. Je décide tout compte fait de me lever et de lui ouvrir la vitre de la baie-vitrée. Je l'entends souffler légèrement, elle se sent beaucoup mieux. Je m'installe de nouveau à ma place et la fixe une dernière fois. Elle me regarde elle aussi et sort 2 papiers qui ont l'air vieillis et un peu sales. 

- En 2000 lors de votre naissance à Younes et toi, tes parents étaient très heureux. Ton père était toujours à tes côtés son rêve était d'avoir une fille et il l'a eue. Sa joie était immense qu'il en a décidé de bâtir une nouvelle vie avec ta mère et ton frère et toi. Quand les gens lui demandaient comment tu allais il souriait de toutes ses dents et en perdait limite la respiration tellement il ne faisait que de parler de vous deux. Ta mère était pareille mais avec certaines limite. Elle était heureuse elle aussi mais ton père était bien pire qu'elle. Toute la cité était heureuse pour eux et tout le monde faisait des allers-retours chez tes parents lors de votre naissance. À ce moment là malheureusement un bonheur est toujours accompagné d'un malheur. Zeineb, la tante de Qassim, était mariée à un homme qui la battait et qui avait 3 jours avant votre naissance, tué les enfants qu'elle avait dans le ventre. Elle était enceinte de 4 mois. Il a été directement envoyé en prison et Zeineb était seule. À ce moment là elle n'avait aucune famille à qui parler ou avec qui rester. Elle était solitaire et personne n'était là pour elle. La mère de Qassim s'occupait de son mari qui à ce moment là était malade, qui commençait à tomber gravement malade. Tout le monde de la cité était parti chez elle pour la soutenir même ta mère ! Mais les gens sont bêtes comme le dit si bien une expression. Ils l'ont très vite oublié pour vous ! Votre naissance était très attendue puisque c'etait la première fois que des jumeaux allaient voir le jour dans le quartier et surtout des jumeaux mixtes. Toute l'attention était portée sur vous laissant la tante de Qassim sur le côté alors qu'elle demandait de l'aide à tout le monde. Je connaissais tes parents et lors de ta naissance j'étais venue à l'hôpital et chez vous. Ton petit frère avait même souri lorsque je l'avais pris dans les bras alors que vous n'aviez que quelques jours. Tout le monde avait oublié la tante de Qassim sauf moi et une autre femme du quartier qui aujourd'hui est enterrée sous terre et son âme chez Dieu le Tout Puissant ! On l'avait aidée à se relever et à faire face à toutes les misères de la vie. Quelques mois après elle s'était relevée et avait réussi à reprendre le cours de sa vie normalement. Malheureusement cette femme, il y a 24 ans, était atteinte d'un malheur tellement énorme que nous ne l'avions jamais vu heureuse même pas une seule seconde ! Elle avait réussi à reprendre pieds et avait décidé de changer de vie en tentant un nouveau travail en tant que secrétaire dans un cabinet médical. Elle avait suivi un stage qui lui permettait d'apprendre plus facilement. Plusieurs femmes du quartier avaient suivi ce stage dont ta mère... Personne n'avait trouvé un travail sauf ta mère. Tout le monde la jalousait et je me souviens que presque la moitié du quartier lui avait tourné le dos. Au bout de quelques semaines les femmes commençaient à prier et à s'intéresser à l'islam malgré qu'elles soient déjà musulmanes, tu nous connais nous les femmes venant du bled nous sommes musulmanes mais avec beaucoup de traditions hors islam. Une mosquée venait d'ouvrir ses portes au quartier et nous partions toutes ensemble. À ce moment là nous nous étions remises en questions et nous avions trouvé déplacé de notre part de ne plus lui parler. Nous nous étions excuser sauf Zeineb. Je me rappelle qu'elle la détestait. Ta mère n'était pas aimée de Zeineb et même pire c'était 'ma pire ennemie' me disait-elle. Quelques mois plus tard vous aviez eu vos 2 ans et ton père avait trouvé un meilleur travail et commençait à gagner plus d'argent. La tante de Qassim avait trouvé un travail mais moins bien que celui de ta mère. Elle cotisait pour acheter une voiture je me rappelle encore très bien elle voulait une Renault. Mais ton père l'avait achetée avant elle. Le soir où il l'avait ramenée, Zeineb avait crié et se tirait les cheveux. J'étais dans son salon avec elle et l'autre femme maintenant morte. Nous l'avions calmée et elle n'arrêtait pas de répéter 'tout ce que je veux ils l'ont toujours et moi je ne peux plus l'avoir après je ne comprends je ne comprends pas'. Si tu savais comment était grande sa haine tu serais toi même choquée de son changement de comportement qu'elle a à l'heure actuelle. 2 ans après, le jour de vos 4 ans, votre père avait dit à toute la cité que vous alliez partir et déménagé vers les nouvelles maisons que la ville venait de construire. À cette époque ces maisons coûtaient chères mais tes parents en avaient les moyens. Zeineb aussi comptait en acheter une avec moi et la femme morte. Nous n'étions pas mariées et nous voulions vivre ensemble et donc nous devions cotiser pour nous l'acheter. Je m'en rappelle de la colère de Zeineb. Elle en avait pleuré et tout cassé. Tout son salon était retourné de la tête aux pieds. Zeineb était jalouse mais d'une jalousie tellement profonde qu'elle m'avait dit ce jour là avec un regard noir et en fixant le mur et avec une respiration forte 'Ils ont eu des jumeaux je devais en avoir, ils ont eu un bon poste je devais l'avoir, ils ont une voiture je devais aussi l'avoir, ils ont une maison nous devions l'avoir ! Pour la peine ils auront encore quelque chose que nous n'aurons pas' ! La femme morte s'était approchée d'elle pour lui demander de quoi elle parlait et d'un rire vraiment terrifiant et en posant sa main sur sa poitrine comme pour essayer de se calmer elle nous répondit 'la mort' ! 


Le Demandeur et La CourageuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant