Chapitre second :

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S'il croyait que j'allais lâcher l'affaire, il se trompait. Carnaval était pour moi une fête importante, lors d'une nuit je pouvais être qui je voulais, danser et m'inventer une vie, mais seulement pour une nuit. Je ne comprenais pas qu'Evangelo me refuse cela, ma mère m'aurait pourtant poussé à aller voir le défiler et à profiter de cette soirée, petite j'étais très rêveuse, elle me disait alors souvent que c'était une bonne chose d'avoir de l'imagination, cela poussait l'esprit à s'instruire pour préserver cette imagination. C'était tout vu, avec l'accord d'Evangelo ou sans je partirai au carnaval, il n'avait pas besoin de le savoir de toute manière. Depuis fort longtemps je m'étais entraîné à disparaître discrètement lorsqu'un de ses cours m'ennuyait terriblement, en grandissant cette faculté m'était restée et elle s'avérait très utile aujourd'hui. Je montais dans ma chambre et fonçais dans ma penderie pour récupérer mon costume,mon plan était de me faire passer pour malade au début du repas ainsi je remonterai dans ma chambre et pourrai filer en douce au carnaval. Un plan effectivement simple mais infaillible qui n'évoquerait aucuns soupçons.

Comme prévu la gouvernante vint me chercher pour le dîner et je descendis à la salle de réception :

- Bonsoir chère sœur! Me salua Evangelo.

- Ho, bonsoir Evangelo! Je suis désolée mais je ne pense pouvoir avaler quoi que ce soit, mon estomac est en vrac et je suis terriblement fatiguée...

- J'espère que tu n'as pas attrapé un grand mal, cela t'empêcherait d'étudier.

- Ne t'en fait pas, cela m'arrive quelques fois et le mal disparaît après une bonne nuit de repos.

- Soit ! Va te reposer et reviens moi en forme demain, ce serait dommage de ne pas profiter de ta présence après mon long voyage, tu m'as beaucoup manqué !

- Oui, tu as raison. Bonne nuit Evangelo...

Je remontais en vitesse et troquais mes vêtements pour une magnifique robe bleu sertie de perles et de broderies argentées, mes cheveux étaient relevés à l'aide d'une broche ayant appartenu à ma mère,celle-ci laissait quelques unes de mes anglaises retomber sur mes épaules. Et la touche finale, le masque : un simple loup dans les mêmes tons que ma robe garni de quelque diamants et plumes sur les extrémités. Le résultat était époustouflant.

Une fois que je fus prête, je pris mes draps et fis en sorte qu'ils se transforment pour me faire une corde improvisée. Je l'accrochais bien fermement à la rambarde de mon balcon et jeta le reste dans le vide. Je me retournais une dernière fois vers ma chambre et me rassurais en me disant que tout se passerai bien et qu'ils ne remarqueraient pas mon absence. J'oubliais mes remords et commençais ma descente vers la terre ferme. Une fois en bas je prismes jupons en mains et courus sur la rue pavée, je passais devant la San Cassiano, petite église, et arrivais vers les embarcadères de gondoles. Je sautais dans un des grands canots et attrapais la rame,la gondole naviguait aisément sur l'eau. J'étais seule : Evidemment puisque tout le monde était déjà à la fête ! Le feux d'artifice du carnaval était tiré sur les rives de l'Arsenal de Venise. Plus je me rapprochais du rassemblement, plus les embarcadères étaient complets et les rues encombrées de nombreuses personnes déguisées de milles couleurs pour l'occasion. Je trouvais finalement une place non loin de l'église de la Chiesa di San Giorgio dei Grec. Je ne sentais plus mes bras ! Après environ quarante minutes de trajet j'étais heureuse de pouvoir enfin profiter de la fête. Je posais mon pied sur le bord de l'embarcadère et me hissais avec un peu de mal car la foule se bousculait et n'avait plus d'yeux que pour les feux d'artifices qui venaient d'être lancés . Les détonations des magnifiques pétards colorés retentissaient avec ferveur dans le ciel, le bruit assourdissant me vrillait les tympans de même qu'à cet instant on me bouscula et je tombais dans les flots glacés du canal. Ma tête buta sur une embarcation et je perdis connaissance, emportée par mon costume imbibé d'eau, dans l'obscurité des profondeurs. Mes dernières pensées furent pour Evangelo, mon cher frère, et je regrettais de lui faire tant de peine. Mon âme sera infiniment puni pour ma bêtise.

L'enfer, c'est de Lire...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant