Du haut de mes 13 ans, je suis une personne débrouillarde et indépendante. Je suis l'aînée de la fratrie, enfin, je suis l'aînée de deux enfants. Ma maman nous élève seule, mon frère et moi. Mais élever est un bien grand mot pour elle. Depuis la mort de papa, il y a cinq ans, elle est partie en dépression, laissant ses enfants livrés à eux même. J'ai pris la place de la deuxième"maîtresse de maison". Nicholas n'a pas eu de papa, il n'a pas eu le temps de le connaître. Il est mort bien trop tôt, et les raisons de sa mort sont encore très floues pour moi. À l'intérieur de la maison, aucune phrase, aucun mot ne fait référence à cette mort bien que subite. Il n'y a plus aucune photo de lui, c'est comme si maman voulait qu'il disparaisse, l'enlever complètement de sa vie, de sa tête et des nôtres. Mais, elle ne l'enlèvera jamais de la mienne. Dans ma table de nuit, au fond d'un tiroir tout crasseux,je garde, très précieusement, une photo de lui et moi : je devais avoir 5-6 ans, je suis assise sur le sable dans le petit parc qui se situe derrière chez nous. Je suis en train de jouer armée d'une pelle et d'un seau dans chacune des mains, je me rappelle que je riais aux larmes. Et il est là, juste en face de moi, il me regarde.Il me sourit. Il ne me sourit pas qu'avec la force de ses lèvres,non, mais je perçois, je ressens tout son bonheur, toute sa légèreté dans ses yeux. Ils sont remplies d'étoiles, ils brillent, papa me regarde, il me fixe avec beaucoup d'entrain et d'amour. Nous sommes heureux. Nous étions heureux.
Quatre heure de l'après midi, maman dort encore. Elle ne se lève que pour aller au WC ou prendre un en-cas. Savoir si ses enfants vont bien n'a pas l'air de plus la préoccuper que ça. Nicholas est allongée au milieu du salon, il joue avec les trois vieilles voitures que j'ai trouvé, abandonnées au milieu de la grande rue. Elles sont toutes cabossées, l'une d'elles n'a plus qu'une seule roue et leurs couleurs, au départ vernis, ne sont plus que l'ombre d'un gris sales. Mais mon frère s'en fiche, pour lui un jouet, même cassé,reste un jouet. Le principal c'est d'avoir de l'imagination, et à 7 ans, on en déborde. Nicholas, lui, n'a que ça pour s'échapper de l'ambiance lourde et malsaine qui règne dans la maison. J'essaye de le divertir comme je peux, avec les moyens que j'ai, mais il reste renfermé sur lui-même, bloqué dans le monde qu'il s'est créé et qui n'arrête pas de s'agrandir. J'ai peur pour lui. Certes, il est encore petit mais quand il deviendra grand, comment va-t-il s'en sortir sans le soutien de sa mère ?
Maman se lève enfin de son lit. Contrairement à ce que je pensais, ce n'est pas pour se désaltérer ou se soulager mais elle se dirige vers le combiné du cellulaire qui se situe dans la petite pièce surnommé le cagibi. Elle voit que je l'observe. Elle me jette un regard noir qui me donne un frisson et claque la porte. Je me rapproche discrètement de la porte et y colle mon oreille. Elle parle tout doucement, je peine à comprendre ce qu'elle dit. Je n'analyse seulement que quelques morceaux de conversations comme"demain", "emmener" ou encore "32 rue de Poitiers", là où nous habitons. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. La poignée se tourne, elle a raccroché. D'une seconde à l'autre, elle sera sortie de la pièce. Je me dépêche de partir d'où je suis, je ne veux pas qu'elle sache que je l'espionnais. Son appel n'aura duré seulement cinq minutes, cinq minutes que j'ai trouvé éternelles mais bien trop courtes pour un simple appel.
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Cola
Teen FictionCola est l'histoire d'une jeune fille dont la vie est semée d'embûches. Cette histoire peut-être touchante et bouleversante à la fois. A vous de juger !