Partie IV

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Lorsque l'on repartait sur les restants de route après plusieurs jours d'infime repos, on ne pouvait qu'admirer la terrifiante et grandissante emprise de la guerre sur ce qu'on ne pouvait même plus appeler "l'environnement". Les quelques pans de murs qui s'élevaient encore quelques jours plus tôt n'étaient plus. Comme le reste du pays, ils avaient abandonné, et, comme nous, pauvres petits êtres humains, victimes de choix, ils auraient besoin d'énormément de temps et d'aide pour se relever, si toutefois ils se relevaient un jour. Les seules choses qui ne s'étaient pas dégradées étaient les cratères, éternels remplaçant d'une ancienne végétation. Nous, nous zigzaguions entre ces cratères, priant à chaque seconde pour ne pas marcher sur une mine. La parfaite errance que l'on s'efforçait d'exercer était l'un des reflets de notre pâle absence de but. Après avoir perdu un ami, et le seul toit que l'on avait pu trouver, on ne savait plus quoi faire. Se battre ne se résumait qu'à perdre l'un des seuls amis encore en vie et l'infime particule d'humanité qu'il nous restait. Marcher pour trouver un énième refuge, véritable piège mental, n'était pas une bien meilleure idée. C'était pourtant ce que nous avions décidé de faire, Antoine et moi. Imbéciles, nous pensions pouvoir traverser le pays, siège d'une guerre qui semblait sans fin, comme on se baladait, étant gamins, dans nos si lointains et si paisibles villages natals. Je suis sûre que, même si nous avions été des plus prudents, nous n'aurions pas pu empêcher ce qu'il nous est arrivé. Nous n'aurions jamais pu empêcher ces gens, infiniment coupables de toutes ces abominations, de nous capturer comme on capturait, à l'époque, les animaux sauvages.  

Souvenirs morbidesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant