Chapitre 1

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Chapitre I

Côte Ouest de l'Irlande, IIe siècle après J.-C

En cette nuit brumeuse et froide, quelques jours après Samain, le bruit des armes des guerriers s'affairant au-dehors laissait supposer qu'un combat se produirait prochainement. Cathal, un immense Celte aux longs cheveux de jais et aux yeux gris acier, les mènerait bientôt à l'assaut de leurs ennemis. Les lents mouvements de va-et-vient, pendant qu'il aiguisait son épée, faisaient saillir sa puissante musculature. Il suspendit son geste et fixa son regard sur son fils aîné. Aodh avait à peine dix-sept ans, cette bataille allait être sa première épreuve du sang et cela le rendait nerveux. Son père posa sa main aux longs doigts sur son épaule.

— Aodh, mon fils, fais honneur à ton père et à notre clan.

Aodh lança un coup d'œil bref vers Morrigan, son épouse. Elle lui adressa un sourire timide et vint lui offrir une amulette. Cathal grimaça au souvenir de son premier raid. Il avait alors le même âge que son aîné. Il avait brandi fièrement devant son géniteur la tête de sa première victime. C'était au cours de cette victoire initiatique qu'il avait ramené cette fine cicatrice sur la joue droite.

L'épouse du chef de guerre s'avança vers lui et déposa une lourde pelisse de loup sur ses épaules. Il pivota vers elle et la prit par la taille, la plaqua contre lui et l'embrassa sauvagement avant d'esquisser un geste tendre vers le ventre commençant à s'arrondir.

— Femme, porte-toi bien jusqu'à mon retour.

Sur ces mots, il tourna les talons, saisit son arme et entraîna son fils derrière lui sans un coup d'œil pour celles qui restaient là à les attendre pendant qu'ils allaient livrer bataille. Une clameur tonitruante les accueillit lorsqu'ils sortirent de la hutte de pierres sèches1. Les guerriers frappaient le plat de la lame sur leur bouclier. Le bruit métallique était assourdissant. Cathal jaugea ses hommes du regard, il était fier de les mener au combat, espérant que les dieux le conduiraient à la victoire. (La saison des moissons avait été mauvaise. Cathal savait que cette attaque était une question de survie s'il voulait que les siens aient à manger durant tout l'hiver). Chacun d'entre eux l'aurait suivi jusqu'en enfer. Il avait toujours eu ce pouvoir sur les gens, il émanait du Celte un puissant charisme. Sa haute stature amplifiait cette impression de force.

Le groupe quitta le village par la porte nord et se dirigea vers la plaine. Le bruit du ressac se faisait entendre au loin. Un vent froid amenait des embruns les glaçant jusqu'aux os. Il faisait encore nuit quand ils s'engagèrent sur le chemin de leur destination. Après une longue chevauchée, telles des ombres, ils se glissèrent avant l'aurore vers l'entrée de la petite cité et éliminèrent les sentinelles. Alors qu'ils passaient à proximité d'une cage, une voix appela.

— Psss vous, aidez-moi, guerriers...

Cathal tourna la tête, il lui sembla distinguer dans la pénombre la silhouette d'une femme enchaînée. Il s'approcha prudemment et entendit un chuchotement :

— Libère-moi...

Il fit signe à deux de ses hommes de le rejoindre, et pendant qu'ils faisaient le gué, Cathal réussit à ouvrir la geôle de bois et à briser les entraves de la prisonnière. Elle s'enfuit sans demander son reste après lui avoir touché le bras.

— Je te revaudrai ça guerrier, je ne me trouverai jamais bien loin, dit-elle à quelques mètres de lui.

Il la vit s'enfoncer dans la nuit et retourna se battre. Ses hommes mirent le feu aux cahutes, espérant déstabiliser leurs victimes et les faire sortir. Mais les choses ne se déroulèrent pas comme il l'avait espéré. Les forces adverses étaient plus nombreuses. Ils furent bientôt submergés par leurs opposants et durent s'enfuir. Les combattants les poursuivirent et les rejoignirent dans les collines. Cathal constata que ses hommes mouraient un à un. Son épée tranchait, tailladait, embrochait. Il était couvert du sang de ses ennemis, autour de lui les corps s'amoncelaient. Il ne put malgré tout sauver son fils et aperçut la tête d'Aodh rouler à ses pieds. Il sut à cet instant qu'il ne reverrait jamais ni ses enfants ni sa femme laissés au village. Il allait rejoindre le Sidh2 près des autres guerriers morts vaillamment au combat. Un puissant coup en pleine poitrine le faucha, il s'écroula, pensa brièvement au bébé qui devait naître bientôt et perdit conscience.

Dark-Side, le Chevalier VampireWhere stories live. Discover now