Chapitre 2

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Chapitre II

Normandie en l'an 1056

Quelques décennies auparavant, les premières exhortations publiques à l'encontre des vampires avaient commencé sous la houlette de Constantin de Bavière. On prétendait que l'on pouvait devenir une de ces créatures maléfiques de bien des manières, toutes plus ou moins farfelues. Cependant, les graines de la peur et de la haine étaient plantées et allaient s'épanouir au cours des siècles suivants.

Même si l'on avait déjà diabolisé les buveurs de sang depuis longtemps, cette période avait marqué le commencement de la réelle chasse aux vampires.

C'est ainsi que durant la seconde moitié du XIe siècle, Cathal et Eldrid furent capturés par une horde de paysans menée par un homme d'Église vêtu d'une houppelande noire, le visage dissimulé par une ample capuche. On ne parlait pas encore d'inquisiteur, mais celui-ci arborait l'emblème de l'Ordre de la Miséricorde sur ses vêtements sombres. À plusieurs reprises, le Chevalier-Vampire les avait croisés, à chaque fois, il les avait combattus, mais la plupart du temps, il s'agissait de petits groupes de quelques éléments à peine voire parfois d'un fanatique isolé.

Jamais Cathal ne put deviner à quoi ressemblait cet individu capuchonné, seuls son menton et sa bouche demeuraient visibles. Le guerrier et sa compagne avaient beau être des combattants aguerris, ils ne purent lutter contre leurs agresseurs. Ils les avaient débusqués dans la chambre d'une taverne normande du Pays d'Auge, où ils étaient de passage. Le couple, venant d'Angleterre, se rendait à Paris pour y retrouver Edern.

Leurs assaillants les droguèrent avant de les emmener, et leur bandèrent les yeux jusqu'à leur geôle. Là, les vampires furent jetés chacun dans une cellule différente. Cathal et Eldrid reprirent conscience chacun dans une pièce froide et humide, ne pouvant rien voir puisque leurs yeux étaient demeurés voilés par un tissu serré. Les poignets et les chevilles enchainés à la paroi. Les deux ichoriens ne pouvaient faire confiance qu'à leur ouïe et leur audition, déformées par les drogues que les gardes leur forçaient à engloutir. Ils ignoraient depuis combien de temps ils étaient là, des heures, un jour, plusieurs ? Les narcotiques les plongeaient dans un sommeil comateux, leur enlevant ainsi toute possibilité d'utiliser leurs capacités. La faim et la soif les tenaillaient, les geôliers leur apportaient juste la quantité d'eau nécessaire, mais pas de nourriture et encore moins de sang. Leur dernière ingestion de liquide vital n'était pas assez ancienne, le besoin ne se faisait pas encore ressentir. Les prisonniers demeurèrent ainsi plusieurs jours. Puis un matin ou peut être une nuit, deux gardes vinrent chercher Eldrid. Ils la détachèrent et la traînèrent jusqu'à une grande salle, éclairée par des torches et le feu d'un foyer, où se trouvaient divers instruments de torture ainsi que des chaînes pendant du plafond voûté. Ils l'attachèrent à une croix de frêne, le bois en était cisaillé par les lourds liens que les suppliciés avaient tenté de tirer, aux cours de décennies de supplices. Des taches brunes laissées par le sang des victimes avaient fini par s'incruster sur le sol dallé aux pieds du poteau. L'homme d'église, que Cathal nommerait l'Ombre Noire, s'avança en psalmodiant vers la vampire :

— Exsurgat Deus et dissipentur inimici ejus ; et fugiant qui oderunt eum a facie ejus.6

Arrivé devant la suppliciée, il s'adressa à elle :

— Vile créature, pécheresse, fille de Lilith, tu vas expier tes fautes pour tous les innocents que tu as tués. Le démon doit sortir de ton corps. Confesse tes péchés !

À ces mots, la sombre silhouette appliqua sur son sein gauche une croix de métal. Une légère pression sur la pierre carmin ornant l'objet déclencha un mécanisme que personne ne pouvait deviner, hormis son utilisateur. Un aiguillon jaillit et s'enfonça dans la poitrine d'Eldrid. Sous le choc et la douleur, elle hurla.

Dark-Side, le Chevalier VampireWhere stories live. Discover now