Avant

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  Il faisait froid

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  Il faisait froid. L'hiver s'était installé dans la région et la neige s'était répandue sur chaque parcelle de vie. J'avais beau être totalement emmitouflée dans mon écharpe de laine, mon corps devenait glacé et mes lèvres gercées. Le froid faisait couler des larmes sur mes joues, toutes rosées à présent.

  Je me promenais dans les quartiers, jetant des regards curieux vers les jardins décorés de guirlandes lumineuses représentant la plupart du temps le traîneau du père Noël. Également, les célèbres bonhommes de neige trônaient dans presque toutes les allées.

  Mes mains se frottaient l'une contre l'autre à travers les gants au tissu fin qui les recouvrait. J'apercevais aussi mon souffle dans l'air d'hiver. Personne ne passait sa soirée dans les rues froides et silencieuses de la ville. Tout le monde se réfugiait dans son foyer près d'une bûche enflammée avec sa famille.

  Tout le monde, hormis moi.

  Depuis mes dix ans je vivais seule avec mon chien, Friday. À peine âgée de huit ans, mes parents partirent en voyage à l'autre bout du monde mais n'en revinrent jamais. Ils moururent dans un accident d'avion ; une erreur de pilotage apparemment.

  Jusqu'à mes neuf ans, mon enfance se déroula dans une famille d'accueil où la compassion n'était jamais au rendez-vous. Je ne me sentais pas appréciée et c'était réciproque. J'avais donc décidé un beau matin de partir et de ne jamais revenir. Ainsi, j'avais changé de lieu de vie et m'étais réfugiée dans la magnifique ville du nom de Lyon. Mes seuls bagages furent mon sac à dos fourré de vêtements à présent trop petits pour ma taille ainsi que mon étui à guitare avec celle-ci soigneusement rangée à l'intérieur.

  Aujourd'hui me voici âgée de dix-huit ans et je vivais toujours seule dans un petit studio en plein centre-ville. Mon loyer était payé chaque mois grâce à l'argent gagné avec mon petit métier de serveuse dans un restaurant des plus normaux. Je ne travaillais seulement qu'aux heures du déjeuner ainsi que du dîner.

  Entre-temps, je jouais de la guitare dans les plus belles rues de la ville. Cela me permettait de payer ma nourriture et tout ce dont on avait besoin dans la vie quotidienne. Cela m'aidait également à m'évader de ma triste vie par la mélodie des cordes grattées au rythme de mon cœur.

  J'aurais toujours aimé avoir des amis et une famille mais jamais je ne réussis à obtenir l'un d'eux. La solitude m'accompagnait où que j'aille, sans cesse. Je m'adressais seulement à Friday, ainsi qu'aux clients que je servais toute la semaine. Ma personnalité se montrait bien trop timide et solitaire pour nouer avec mes collègues du restaurant ou avec qui que ce soit d'autre.

  Cependant, un jour il faudrait que je sorte définitivement de mon cocon et que je vive une véritable vie d'adulte. J'aimerais pouvoir fonder une famille, partager des moments de complicité avec ceux que je portais dans mon cœur, vivre pleinement ma vie avant qu'elle ne s'achève tristement.

  La vie que je suivais me mena maintes et maintes fois à des impasses dont la seule sortie fut de faire chemin arrière. Elle m'emmena dans des virages à cent quatre-vingt degrés qui vous retournaient l'estomac. Elle me conduisit dans un puits sans fond. Mais chaque fois, un miracle se produisait et me remontait la tête hors de l'eau, laissant l'air envahir à nouveau mes poumons.

  Mon logement ne se résumait qu'à une minuscule salle d'eau, une chambre ne pouvant contenir qu'un lit et une étagère, des cabinets ainsi qu'une cuisine faisant également office de salle à manger et de salon. Certes, je manquais d'espace mais je n'étais pas bordélique, ni claustrophobe.

  Cet appartement était vide, fade, sans vie. Aucune décoration ne faisait partie des lieux. Cela coûtait trop cher pour que je puisse m'en offrir. Pour me réconforter, je me remémorais toujours la citation de John Ruskin : « Rappelez-vous que les plus belles choses de ce monde sont les plus inutiles ».

  Chaque mois les factures d'eau, de gaz et d'électricité me laissaient à désirer. C'était toujours un moment fatidique où la dite question se posait toujours. Allais-je pouvoir payer mes factures ce mois-ci ?

  Tous ces éléments de ma vie la noircissaient un peu plus chaque jour. Une seule chose me permettait de demeurer encore un peu à la surface. La musique.

  Sans elle, mon esprit aurait plongé dès mon plus jeune âge dans la dépression. Elle me faisait voyager, découvrir, rêver. Elle me donnait des ailes et me faisait voler vers un paradis inaccessible à tous. Elle m'emportait loin, très loin. Loin de ce monde cruel et mesquin. Pour me mener vers un monde imaginaire où les rêves de tous se réalisaient, où le bonheur restait la seule raison de vivre. Il suffisait d'espérer pour voir un jour apparaître la raison du bonheur.

  Après avoir fait un énième tour dans l'un des plus beaux quartiers de la Ville des Lumières, j'appelais mon fidèle compagnon qui s'émoustillait devant l'épaisse couche de neige recouvrant le trottoir abandonné à la nuit.

  Nous rentrâmes dans l'appartement et dès lors que j'eus franchi le seuil de ma chambre, je m'écroulai sur mon lit. Malgré la fatigue, je parvins difficilement au monde des songes. J'eus un sommeil entrecoupé de cauchemars et de rêves inespérés.

L'Amour De La MusiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant