L'Amour De La Musique

La Rencontre

  Un jour, je remarquai la présence d'un personnage plutôt étrange lorsque je jouais de la guitare.

  Chaque fois que je sortais pour jouer, mon regard rencontrait le sien dans la rue. Il était toujours présent pendant que ma musique et moi ne faisions qu'un. Il m'observait chaque jour, ne restait jamais bien loin.

  Cette situation était intrigante. Il avait bien vu que j'avais remarqué qu'il me fixait tous les jours de ses iris noisette. Pourtant, jamais il ne m'adressa la parole.

  Cela faisait à présent deux semaines qu'il demeurait présent et ma conscience se fatiguait déjà de ce petit jeu auquel il avait l'air de tant s'amuser. Soit il se décidait à venir me parler, soit j'allais le voir directement. Je n'appréciais pas que l'on se moque de moi d'une telle manière. Et puisque ma patience avait des limites, si aujourd'hui je ne savais toujours pas qui était ce jeune homme, alors j'irais lui parler.

  Ce matin-là, je promenais Friday dans l'un des plus sublimes parcs de la ville.

  Après quinze minutes de marche, nous trouvâmes enfin le banc que nous occupions chaque matin. Je posai délicatement l'étui sur le banc saupoudré de neige et en sortis mon instrument.

  Quelques volatiles entonnaient leur chant habituel, perchés sur les arbres dénudés de feuilles. J'aurais voulu présenter ce lieu si magique à mes parents, ils l'auraient trouvé magnifique.

  Friday s'assit sagement à côté de mon corps encore endormi se tenant debout devant ce merveilleux paysage, guitare en main.

  J'entamais le premier morceau de la journée, Sunday Bloody Sunday de U2, quand je l'aperçus au loin, ses cheveux bruns soulevés par la brise matinale. Son regard s'ancra dans le mien et nous nous défiâmes tels des rivaux de longue date jusqu'à la fin de la chanson. Je remarquai alors les nombreux spectateurs positionnés devant moi.

  Pendant que je remerciais chaque personne de m'avoir écoutée et offert un peu d'argent, je n'eus à peine le temps de vérifier s'il se trouvait toujours là que Friday se mit à aboyer. Il était rare que mon husky aboie ; cela arrivait seulement quand il était d'humeur joueuse ou joviale.

  Les pupilles de mon chien se dirigeaient vers une personne plantée en face de moi. C'était lui.

  Ses fines lèvres esquissaient un sourire timide et ses joues s'empourpraient légèrement. Notre proximité créa une gêne chez les deux jeunes adultes que nous étions. Lorsqu'il releva la tête après avoir pris une grande inspiration, il se décida à ouvrir la bouche.

  - Bonjour, je suis désolé de t'observer ainsi tous les jours mais je ne pouvais m'en empêcher, s'excusa-t-il en souriant faiblement. Je n'osais pas venir te voir mais j'ai réussi à prendre mon courage à deux mains et me voici. Oh !s'écria-t-il, je suis vraiment désolé, je ne me suis pas présenté. Je m'appelle Ethan et je serais ravi d'apprendre ton prénom.

  Je ne savais pas pour quelle raison mais il m'inspirait confiance. Cependant, ce fut la première fois qu'un garçon vint me voir pour apprendre à me connaître. La situation paraissait embarrassante. Comment fallait-il réagir ? Que devais-je lui répondre ?

  La panique me gagnait petit à petit mais au dernier moment, Friday me lança un regard rassurant. Ce chien était mon meilleur ami et il m'avait toujours aidé dans les situations étranges auxquelles j'avais été confrontée dans ma vie. Je le remerciai d'une caresse sur la tête et inspirai à mon tour.

  - Bonjour, je suis Laura. Pourquoi m'observes-tu tous les jours ? On dirait quelqu'un de pas net, répliquai-je avec amusement néanmoins avec tout de même une pointe de sérieux.

  Ma question le surprit et ses joues rosirent un peu plus. Sa main gratta l'arrière de son crâne, signe de gêne. Il semblait vraiment embarrassé et ne savait que répondre. Ses paupières recouvrirent ses yeux brillants à la fois d'embarras et d'admiration pendant d'infimes secondes puis il plongea son regard déterminé sur mes iris attaqués par la fraîcheur de l'hiver.

  - Eh bien, je te propose de répondre à toutes tes questions et d'apprendre à se connaître un peu autour d'un café ou un chocolat chaud. Je comprendrais tout à fait si tu refusais, ce ne serait pas la première fois qu'une fille refuse un simple café avec moi...murmura-t-il tout bas.

  Ce bel inconnu me proposait un rencard... Je devais probablement rêver mais son regard restait bel et bien fixé sur moi, guettant une réaction.

  - Ce serait avec plaisir, acceptai-je timidement.

  - Vraiment ? Super !s'exclama-t-il, heureux. Cela ne te dérange pas si je t'emmène dans mon café préféré ? Tu as peut-être envie d'aller quelque part en particulier ?

  - Non, cela ne me dérange pas. Allons-y.

  Sur ce, je rangeai ma guitare dans son étui et appelai Friday pour qu'il nous rejoigne.

  Ethan paraissait tout excité et lorsque ses yeux se posèrent sur le corps robuste de mon animal, son regard s'illumina de plus bel. Cependant, il n'osait pas l'approcher. Attendait-il mon accord pour toucher Friday ?

  - Je t'autorise à caresser mon chien si c'est cela que tu veux savoir, le rassurai-je.

  - C'est vrai ? Merci. Je suis désolé, j'aurais dû te demander directement.

  - Non, c'est bon, ce n'est pas grave.

  Ethan joua un peu avec mon meilleur ami qui semblait heureux que quelqu'un veuille s'amuser avec lui, puis il se releva et nous nous mîmes en route.

  Aux premiers abords, on pourrait penser que ce jeune homme était mystérieux et avait quelque chose à cacher. Néanmoins, le peu que je connaisse de lui semblait vraiment formidable. Je ne pensais pas qu'un personnage aussi proche de la perfection puisse exister en ce bas-monde. Mon cœur ne demandait qu'à connaître cet être sublime à l'intérieur comme à l'extérieur.