Chapitre 6

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« J'ai toujours pensé qu'il fallait cultiver sa différence » Marie-Claude Pietragalla

« Pourquoi tant vouloir ressembler aux autres ? Est-ce vraiment indispensable ? »

Voici ce qu'écrit Natasha sur le petit tableau noir. Voici notre question du jour, sur laquelle nous allons débattre.

Un élève s'apprêtait à parler lorsque la porte s'ouvre à la volée. Noah, le mystérieux chanteur à la voix angélique entre et se dirige vers une chaise.

-Vous êtes en retard, Parker. Encore.

Il s'arrête net et fixe notre professeure de débat.

-Bonjour, Natasha. Vous allez bien ?

-Taisez-vous Parker et allez vous asseoir. Tentez de vous concentrer et de participer.

Noah esquisse une révérence légèrement pantelante et croise mon regard. Encore. L'ombre d'un sourire en coin se dessine sur son visage et laisse entrevoir de belles dents blanches. Maintenant que j'y pense, je n'avais pas remarqué son beau sourire samedi, tellement j'étais troublée par sa voix. Elle était vraiment envoûtante.

-Bien. Nous allons commencer le vrai cours de débat. La semaine dernière n'était qu'un petit échauffement. Noah, je te sens prêt pour une petite démonstration avec... (Elle regarde mes camarades de classe) Andrew ! Allez, Noah, tu as la parole.

Ce dernier regarde le tableau rapidement, inspire profondément et se lance :

-Je pense que si les gens aiment tant ou veulent ressembler aux autres, c'est qu'ils ont peur d'être rejetés par leurs « amis » (il mime les guillemets) ou la société. Je les comprends, je ne voudrai pas ressembler à un looser.

Honnêtement, je n'aurai pas pu être plus choquée par ses paroles. Il a l'air tellement sérieux en disant ça ! Mais je ne comprends vraiment pas pourquoi il dénigre autant les gens, c'est un manque de respect et je déteste ça. Est-ce qu'il est si haineux avec tout le monde ? J'allais répliquer quelque chose qui le remettrait bien à sa place même si ce n'est pas mon tour, mais Andrew me devance.

-Je pense que ce serait déjà mieux que de te ressembler, dit-il calmement.

Je n'aurai pas pu dire mieux. En l'occurrence, je sens qu'il se tend à côté de moi. Quand je le regarde, je vois qu'il serre les mâchoires, comme s'il se retenait de ne pas sauter sur Noah. Personne ne réagit dans la classe. Est-ce qu'ils ont peur ? Ecoutent-ils un minimum ? Apparemment oui, puisque tous les regards sont tournés vers les garçons.

-En parlant de loosers, ils finissent tous comme ton taré de frère, ajoute Noah avec un regard de défi.

Mon premier réflexe est de poser ma main sur l'avant-bras d'Andrew. Natasha, qui jusque-là, plongée dans des copies et écoutant à moitié, n'avait pas réagi, se lève d'un coup et fusille les garçons du regard. Personne n'a jamais pensé -je pense- ou même imaginé Natasha énervée, elle qui a toujours l'air de bonne humeur, douce et gentille. Ça nous fait vraiment étrange, bien que ça ne fasse qu'une semaine que les cours ont commencé. Tout aussi étrange que le mouvement de recul d'Andrew.

Les élèves sont choqués, les yeux grands ouverts, les lèvres entrouvertes. Qui aurait pu croire qu'un garçon au visage si angélique, soit capable de dire une chose si odieux ?

Andrew respire difficilement, ses mains tremblent. Son regard est vide. Il se lève en raclant sa chaise contre le sol et regarde avec insistance Natasha. Celle-ci hoche la tête imperceptiblement. Puis mon camarade sort de la salle en heurtant sa table dans un grand fracas.

Noah retient un rire. Je reporte mon attention sur notre professeure qui, debout, observe tour à tour la porte et Noah.

Sans attendre son approbation, je débloque mon fauteuil et me dirige vers la sortie. J'entends quelques chuchotements et Natasha qui m'appelle alors que je suis déjà dans le couloir. Puisque je ne réponds pas, elle retourne son attention sur Noah et l'envoie dans le bureau du proviseur en hurlant.

Comme avantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant