SOUVIENS-TOI.

CHAPITRE 1.

Après onze années, d'attente, d'espoir et de souvenirs, il l'avait, cette adresse où habitaient Ella et sa mère. Les deux enfants ne s'étaient pas revus depuis que la petite fille avait quitté Dedham. Hayden avait atteint sa majorité depuis une dizaine de jours ce qui lui avait permis d'entreprendre seul, cette escapade à Londres.

Le jeune homme, presque adulte maintenant, sortait de la bouche de métro, ses cheveux bouclés volumineux, balayés en arrière par le vent. Il avait horreur de ça et grognait à l'intérieur de lui-même, les retenant, en avant de sa main libre. De l'autre, il traînait sa valise, plutôt petite, qu'il n'avait aucun mal à glisser entre la foule. Cependant, ses épaules se frottaient à d'autres, les sacs à main des femmes aux alentours le frôlaient si bien qu'il s'éclipsa rapidement de cette masse de gens -allant et sortant de la station- et s'arrêta sur le trottoir face à lui. Le peu de bagage pouvait supposer que sa venue était de courte durée, mais le bouclé n'avait véritablement aucune idée précise de son séjour.

Les rues étaient encore mouillées et la chaussée était vernissée par la pluie, mais le ciel se dégageait, atténuant la grisaille de cette fin d'après-midi hivernale. Après avoir quitté la gare London Euston dans le centre de Londres, il avait rejoint la ligne de Victoria Line puis Piccadilly Circus, s'aventurant alors dans la périphérie. Le jeune homme tournait sur lui-même pour essayer de se repérer, la semelle de ses bottes noires grinçant sous le bitume trempé. Il n'était venu que quelques fois à la capitale, pour des vacances en famille. D'ailleurs, il avait souvent imaginé, croiser Ella, dans les rues Londoniennes, par hasard, mais, évidemment, cela n'était jamais arrivé.

Après un balayement rapide d'horizon, il aperçut le nom de « Hammersmith » inscrit sur un panneau, quelques mètres plus loin. Cette information le rassura puisqu'elle confirmait son itinéraire. Néanmoins, le quartier où il se trouvait, lui était encore inconnu. Une pharmacie avec sa devanture blanche se trouvait en face, ainsi qu'une banque et quelques magasins à sa gauche. A droite, il remarqua l'enfilade de maisons qui s'étiraient à perte de vue de la rue. Il fut surpris de la taille des propriétés, qui étaient égales à deux fois celles de sa ville d'origine. La mère d'Ella avait donc fait le bon choix d'aller vivre à Londres. Ici, la jeune femme avait pu offrir une vie nettement meilleure à sa fille. Néanmoins, Hayden avait toujours regretté leur vie d'enfants, dans la petite ville du Cheshire. Certes, Dedham, n'était pas grand et ne dépassait pas les dix mille habitants, sans doute tout le contraire d'où il se trouvait, mais ils étaient ensemble et pour Hayden c'était la chose la plus importante. Il se demandait alors comment Ella avait vécu ce changement radical.

Soudain, une pensée le perturba, telle une révélation. Ella devait préférer sa vie d'ici, à celle dans le nord de l'Angleterre. S'il faisait une erreur ? Sans réfléchir, il avait pris son billet de train pour la capitale sans se poser une seule question puisque, la retrouver, le hantait depuis onze ans. Pour la première fois de sa vie, il se demanda alors, si Ella ressentait le même manque que lui. Même après une dizaine d'années, souhaitait-elle le revoir ?

Le jeune homme s'assit sur le banc, près de lui, exténué de ce voyage, commençant à douter de lui-même et de ce qu'il était en train de faire. Il ne tarda pas à fouiller dans la poche de son manteau pour en dégoter son portefeuille où il préservait l'un des objets le plus précieux à ses yeux. Il glissa, la photo de la pochette et la contempla.

Chaque jour, depuis qu'elle était partie, il l'avait tenu entre ses mains pour la regarder. Selon lui, c'était un moyen de l'apaiser, dès qu'il se sentait mal ou perdu. Quand il regardait le visage de la petite fille, près de lui, âgée de six ans, ses yeux s'illuminaient de bonheur. Puis, il se rappelait les mots qu'elle lui avait dit « Je te promets que quoi qu'il arrive, je ne t'oublierai pas, jamais Hayden. » Chaque fois la voix mélodieuse d'Ella, prononçant cette promesse, revenait dans sa tête tel un refrain dont il ne se lassait jamais. Cette phrase lui avait porté soutien et espoir chaque journée passée loin d'elle. C'est comme si, Ella était encore près de lui. Alors, il retrouva instantanément sa vitalité qui le poussa à se relever et empoigner ses affaires. Il regarda sa montre ; presque seize heures. Hayden n'était plus très loin de son but. Il savait qu'il devait aller jusqu'à elle, c'était la seule chose qui l'avait motivé depuis toutes ces années.