Chapitre V

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Nous ne pouvons rien prévoir et nous ne pouvons certainement pas prédire les aléas de la vie.


Je me demande ce que j'aurais bien pu faire si j'avais su prédire les agissements de Mikita.

Aurais-je fui ?

Je sais simplement que le sommeil pourtant si proche s'éloigna de moi et qu'effectuer le moindre mouvement fut longtemps impossible.

Mikita s'était endormi peu après, resserrant sa prise dans ses songes.


Lorsque je me réveillais finalement à la sonnerie de mon téléphone, après une courte nuit, il avait déjà déserté la chambre.

Et je me retrouvais là, bouffi par le manque de sommeil, sachant déjà qu'il me faudrait longtemps pour aligner devant lui plus de deux mots sans bafouiller.


Avant de me préparer, j'ouvris l'armoire et fourrais mes affaires dans mon sac pour ensuite le déposer dans la chambre qui serait désormais la mienne.

Puis je pris la direction des douches, me promettant de tenter d'aborder le sujet avec Mikita durant la pause après le service du midi.

Je me faisais très probablement des films sur beaucoup trop de choses improbables mais je ressentais le besoin d'en parler quand même.

Ce qui, somme toute, était tout nouveau pour moi.


Après une toilette rapide, je pris la direction de notre salle de pause et m'installais aux côtés de Mathieu pour déjeuner.


- Dis le gosse, tu dors ? Tu sembles muter de blanc comme un cul à zombie.

- Je...Ouais. Enfin un peu.


Je relevais mes yeux de mon verre de jus d'orange alors qu'un bâillement m'échappais et tombais sur le sourire de narquois de Mikita.

Ce qui eu pour effet de me faire rebaisser la tête en frissonnant, presque aussitôt pour fixer le contenu de mon bol.

Je n'étais clairement pas prêt pour une confrontation.


Selon Mathieu, ses sourires sont sa manière d'attirer l'attention.

Ils ne sont pas méchants et sont censés avoir toujours la même signification, même si j'en viens à douter.

Mais une chose est certaine, il ne sait vraiment pas s'y prendre.

Pas que je sois le mieux placé pour le juger, cependant.


Le reste de ma matinée se découpa entre le nettoyage et l'installation de ma nouvelle chambre ainsi que la préparation du repas de midi.

C'était pourtant la première fois que je me retrouvais entièrement en cuisine, mais je pouvais déjà affirmer que c'était le travail qui me plaisait le plus.


Malgré l'occupation dont j'avais tenté de faire preuve, je n'avais pas arrêté de réfléchir et j'en étais arrivé à une conclusion des plus basiques, à savoir que la seule question censée que je pouvais lui poser était : Pourquoi ?

J'aurai pu faire plus long mais c'était prendre le risque de bafouiller.

Et de m'attirer à nouveau un de ses sourires moqueurs.


Mais avant que je ne me décide à lui faire face, il était venu à moi alors que je terminais de placer mes vêtements dans ma nouvelle armoire.

Il toqua brièvement contre ma porte entrouverte avant de faire un pas dans la pièce.


- Tu n'as rien oublié ?


Je suspendis mon geste avant de secouer négativement la tête, troublé.

J'aurai pu m'attendre à tout sauf à ça.


- Tu as besoin d'aide ? ajouta-t-il alors que ses yeux se baladaient autour de lui, comme si cet endroit pouvait être différent de sa chambre.

- Je viens de finir, il faut que je retourne en cuisine pour la préparation du repas de ce soir.

- Je suis surpris.

- Pourquoi ça ?

- Je ne pensais pas recevoir une aussi longue réponse de ta part. C'est inhabituel.

- Tout comme venant de toi, répondis-je en refermant la porte de l'armoire.


Nous nous toisâmes du regard quelques instants avant qu'il ne détourne le sien pour fixer le mur.


- Tu ne me demande pas pourquoi ?

- Je m'étais décidé à le faire. Mais je doute que tu répondes à ma question.


Ses pupilles s'écarquillèrent alors qu'il se laissait choir contre le mur derrière lui.

Il semblait véritablement surpris que j'aie pu le cerner ainsi.

Embarrassé, il frotta le dessous de son nez avec l'un de ses doigts.

Et s'en était tellement mignon, qu'un sourire apparu sur mes lèvres.

Mikita toussota légèrement avant de tourner à nouveau son visage dans ma direction, sans pour autant me regarder.


- A vrai dire...Je ne sais pas vraiment pourquoi je l'ai fait. Donc, si tu m'avais posé la question, je n'aurai pas su quoi te répondre.

- Tu ne t'en sors pas si mal pourtant.


Un sourire crispé me répondit alors qu'il passait sa main sur sa nuque.


- Vas-y. Moque toi.

- Ça ne fait pas partie de mes traits de caractère mais plutôt des tiens il me semble.

- Je...

- Je sais. C'est une façade, je te charrie juste.


Je me surprenais à répondre ainsi et surtout aussi facilement, mais j'en venais à me demander pourquoi il agissait ainsi.

J'avais appris avec le temps que ce genre de comportement cachait la plupart du temps de grandes faiblesses, mais laquelle était la sienne ?


Mikita n'ajouta rien de plus et quitta la pièce après m'avoir accord un léger sourire.

Sourire qui me semblait timide mais surtout affreusement sincère et dénué d'arrière-pensées.

Et c'était le premier que je recevais depuis longtemps.

Peut-être bien le tout premier de ma vie d'ailleurs.

Exil [BoyxBoy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant