Last alone

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Il paraît que, parfois, il ne faut pas chercher à savoir à tout prix le passé de certains personnages, leur futur, la raison d'un monde dystopique. Il vaut mieux rester dans son ignorance, laisser à son imagination le soin de faire le travail. Il existerait des choses qui ne se disent pas.

Et puis parfois, tout simplement, on ne cherche pas à savoir, parce qu'on s'en moque. Parce que l'ignorance a un goût doux et réconfortant.

Il ne savait plus où il avait entendu cela. Il s'en fichait, en un sens.

Lui. Un enfant blottit contre une porte sombre, le regard perdu sur les murs blancs trop grands de sa chambre. Aveugles, vides, lisses, ils étaient comme cet enfant et l'image qu'il renvoyait. Fausse. Sinistre.

Un gamin dégingandé que cet être placide. Un peu petit pour son âge, le regard fantôme ne renvoyant que le reflet des autres. Regard à la couleur indéfinissable, voguant vers le marron, peut-être, tirant sur le clair. Peau trop pâle de ne pas voir assez le soleil. Vêtu d'un jean déchiré aux genoux, d'une chemise froissée.

Sa chambre ne contenait que peu de choses. Un lit en bois, recouvert de draps colorés rappelant vaguement qu'un enfant y dort, une commode en contreplaqué, un bureau aux affaires d'écoles soigneusement rangées. Un tapis rond recouvrait une partie du plancher.

Pièce vide, carré, sobre. Pas de jouets. Pas de dessins, pas de bazar, pas d'insouciance peinte sur les murs, pas de soleil s'égarant sur le sol à travers la fenêtre aux volets clos. Etait-ce vraiment le lieu de repos et de jeu d'un gamin ?

Aurait-on demandé son avis à l'enfant au visage buté, rien n'était moins sûr qu'une réponse claire. Contre lui, il serrait un sac d'école usé. Des chaussures boueuses tenaient ses pieds, une veste s'était échouée près de son corps recroquevillé.

Drôle d'enfant. N'est-ce pas censé rire, un gamin ? Pourquoi en mettre un au monde, sinon pour entendre ses éclats de joie à travers la maison ?

Violemment, la porte s'ébranla sous des coups de poings. Alors, sur le visage morne du gamin, se peignit une fugitive expression de peur, profonde, viscérale, une peur que peu d'adultes ont jamais connu et connaîtront jamais.

- Viktor ! hurla une voix. C'est l'heure d'aller à l'école. C'est ta mère qui t'emmène.

Lentement, le gamin déplia son corps, la peur disparue pour laisser place à du désintérêt. Il saisit sa veste, son sac, et entrouvrit la porte. Face à lui, se dressa la haute stature d'un homme adulte. Altier, élégamment vêtu d'un costume sombre, ses cheveux châtain coupés ras commençaient à grisonner, une légère barbe ornait son menton et ses joues et un embonpoint commençait à tirer sur sa chemise. Dans le regard clair, il capta une esquisse du sien.

L'enfant contempla son père, se rappelant encore une fois des mots insidieux des amis de la famille. « Comme tu ressembles à ton papa ! Sûr, tu seras comme lui, plus tard ! ». Jamais, songeait-il de son côté. Jamais.

Plutôt tout détruire.

En silence, il se glissa hors de sa chambre, s'éloigna à grands-pas de son géniteur pour aller vers sa mère et son frère aîné, qui, impatiemment, fin prêts, l'attendaient près de la porte d'entrée.

Les deux derniers membres de sa famille se ressemblaient tout autant que lui-même semblait être la copie conforme de son père. La matriarche possédait d'épais cheveux noirs tombant en boucles sur ses épaules, une peau hâlée, un corps solide et une certaine prestance dans l'hautaineté de son visage.

Le fils, tirant vers la dizaine d'années, affichait les mêmes mèches floues et emmêlées, le même teint captant la lumière, le même sourire, les mêmes traits du visage et les mêmes yeux sombres trahissant une parfaite assurance.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 04, 2016 ⏰

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Je suis ce que l'on m'a dit d'êtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant