Où l'on comprends que le sujet d'une phrase, c'est important. En fait.

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Nb: Ceci est une republication de mon RantBook. Oui, je sais, c'est honteux. Mais réflexion faite, ça a bien plus sa place ici que là bas :)

Voici deux passages, quasiment similaires :

Elle baissa les yeux vers sa blessure. La plaie n'avait pas bougé, en revanche son réseau de vaisseaux sanguins se nervurait de vert à travers sa peau.

Et :

Elle baissa les yeux vers sa blessure. La plaie n'avait pas bougé, en revanche le réseau de ses vaisseaux sanguins se nervurait de vert à travers sa peau.

Ce sont deux phrases qui veulent dire précisément la même chose, seuls deux mots changent :
- son réseau de vaisseaux
- le réseau de ses vaisseaux

Pourtant, la seconde phrase, intuitivement, me parait beaucoup plus élégante. À la relecture, quand ces deux hypothèses se sont présentées, j'ai naturellement écarté la première et retenu la seconde. Et puis je me suis demandé : "pourquoi ?"

Et, ce qui est intéressant c'est le pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'intuitivement, je préfère la seconde phrase ?

1 - La musicalité ( oye ! Ce terme aurait sans doute sa place dans ton précis de critique ? non ?)
La plaie n'avait pas bougé, en revanche son réseau de vaisseaux sanguins se nervurait de vert à travers sa peau.
Il pourrait y avoir une alitération en "s", mais elle est interrompue par le "de", qui vient casser le rythme...
Dans la seconde phrase :
La plaie n'avait pas bougé, en revanche le réseau de ses vaisseaux sanguins se nervurait de vert à travers sa peau.
Pas d'interruption entre les sons "ss". Ça se lit mieux et, à l'oreille, c'est plus agréable.

2 - Le sujet. Et l'image qu'il dégage.
Dans la première phrase le sujet c'est le personnage. Sa blessure, son réseau, ses vaisseaux... on décrit bien une personne. C'est elle qu'on voit (qui soit-elle), sa blessure, à la rigueur, puis, peut être, le réseau vert. Le point de vue est complètement extérieur à la scène : c'est description, c'est fonctionnel. Mais ça manque de... je ne sais pas... d'émotions ?

Dans la seconde, le sujet, c'est le réseau. On se déconnecte de la personne pour focaliser l'attention sur le nouveau sujet : un réseau sanguin nervuré de vert. L'image est beaucoup plus cadrée sur ça que sur la fille. Et ça tombe bien, car ce passage est écrit du point de vue de la fille... Donc elle, la seule chose qu'elle observe à ce moment-là, c'est le réseau. Comme un élément qui est extérieur à elle, mais dangereusement en elle.
Du coup, l'émotion est là.

3- La grammaire (le plus obvious, à mon avis) :
Elle baissa les yeux vers sa blessure. La plaie n'avait pas bougé, en revanche son réseau de vaisseaux sanguins se nervurait de vert à travers sa peau.
À votre avis, l'appartenance déterminée par "son", dans "son réseau", a quoi fait-elle référence ?
La logique voudrait que "son" fasse référence à "Elle" (c'est son réseau de vaisseau sanguin, à elle)...
Sauf que non. La plaie est le sujet de cette phrase. Alors ça n'est pas incohérent en soi, on peut très bien imaginer une plaie entourée d'un réseau de vaisseau sanguin... D'ailleurs, sans la phrase de contexte, la seconde phrase parait moins bancale.
Mais dans ce cas, le cerveau ne se pose pas la question. Il ne met pas dans la balance les deux hypothèses suivantes à la question qui est le sujet de cette phrase :
- Est-ce que c'est la plaie (ce qui est grammaticalement correct) ?
- Est-ce que c'est "Elle" (ce qui semble plus logique) ?
Et le temps de se poser cette question... On se retrouve gêné par la lecture :)
A la rigueur ceci fonctionnerait mieux :
Elle baissa les yeux vers sa blessure. La plaie n'avait pas bougé. En revanche son réseau de vaisseaux sanguins se nervurait de vert à travers sa peau.
Ainsi, "son" est libéré du sujet de la phrase, grâce au point. "La plaie" perds une partie de son poids grammatical, "Elle" conserve son poids logique, le cerveau fait le choix plus vite.

Mais la meilleur tournure reste la 2nd phrase ;)

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