Il était un conte

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Jack -


- Qu'elle ardeur, qu'elle ardeur !

Trop faire l'amitié, c'est mêler les sangs.

Je sens mon cœur m'étouffer, il bondit

Mais ce n'est pas de joie, pas de joie...


 Mon concurrent continue le monologue de Léonte, le  célèbre roi shakespearien devenant fou de jalousie, car suspectant sa femme Hermione d'être amoureuse de son meilleur ami Polixène, roi de Sicile. Hé oui, déjà à l'époque, écrire sur la paranoïa de l'adultère était à la mode. Le lycéen dont je ne connais pas le nom continue de gesticuler dans tous les sens, ce qui est de trop à mon avis. Peut-être est-il excellent, mais je ne l'admettrais pas, pour la simple et bonne raison que je veux ce rôle. Depuis que Flynn m'a poussé au théâtre en seconde, pour m'aider à vaincre ma timidité et surmonter mon traumatisme émotionnel, je dois avouer que j'y ai prit goût. Puis, en première, notre professeure de français nous as fait étudier le Conte d'Hiver, et ce fut la révélation.

Quelque chose s'est alors déclenché en moi, je ne sais pourquoi. Une certaine sympathie pour ce roi devenant fou, s'enfermant du monde, et qui fini par retrouver le bonheur après avoir tout perdu. J'ai alors décidé qu'un jour, quoi qu'il arrive, je devrais absolument l'interpréter. J'ai donc appris tous ses vers par cœur, retenant même certains des autre protagonistes, et attendu. Puis, en ce mois d'octobre, la chance m'a sourit. Annie Newton Howard, la référente du club théâtre du lycée, à décidé que la pièce présentée fin juin lors de la journée de la culture serait celle dont j'ai tant rêvé. Encouragé par mon meilleur ami Flynn, j'ai répété encore et encore, malgré ma terminale SI m'imposant de plus en plus de travail, et tente enfin ma chance lors des auditions.


Notre club étant réputé pour être une grande porte d'entrée vers les écoles de cinéma et de spectacle vivant, Annie étant une ancienne professeure de l'Insatt, il y a foule. Cela fait quatre Léontes que j'attends mon tour, qui arrive enfin lorsqu'elle fait signe à celui sur la scène de déguerpir.

Je monte alors les marches qui me font accéder à la grande scène, et suis légèrement ébloui par les projecteurs installés plus haut. Confiant, je me présente.


- Bonjour, je suis Jack Frost, de terminale SI.

- Commencez, dit-elle avec un signe de la main.


Je laisse tout d'abord un petit silence s'installer. Elle me fixe à travers ses lunettes dorées, mais bientôt, moi, je ne la vois plus. En face de moi se trouve Hermione, qui vient de s'évanouir, et Paulina, sa dame de compagnie, m'annoncer sa mort. Mon visage se fige quelques instants, puis Léonte reprend ses esprit et je parle je voix calme.


- Emportez là ! Son coeur

N'est qu'oppressé, elle va reprendre ses sens.


Tout d'abord, le déni. L'incapacité de penser que quoi que ce soit ai pu arriver à sa Reine. Puis une légère panique s'insinue en lui, en moi. Un doute, une envie de se repentir pour tout ce mal causé.


- J'ai trop cru mes soupçons... Je vous en prie,

Prodiguez-lui avec tendresse tous les soins

Qui rappellent à la vie... Et pardonne moi Apollon,

Ma grande profanation de ton oracle !

- Il suffit, m'interrompt Annie.


Essoufflé, je la voit de nouveau devant moi, une lueur étrange dans les yeux.


- Au revoir, Jules Frost.


J'hoche la tête, et sort de scène. Une fois à l'extérieur de la salle, Flynn, aussi hystérique qu'une fille, me saute dessus. Ses cheveux bruns encore plus en bataille que d'habitude et ses yeux brillants, bien trop plissés, me rendent suspicieux.


- Alors, comment ça s'est passé Jacky ? s'exclame-t-il.

-  Plutôt bien je crois, j'ai encore un peu de mal à m'en remettre. D'ailleurs, je viens de m'apercevoir qu'elle m'a appelée Jules, dis-je en grimaçant.

- T'as pas de chance, tout le monde connait ton vrai prénom ! Rit-il presque hystériquement.


Car, effectivement, mon nom complet est Jules Agénor Cesare Kelvin Frost, mes parents aimant tout ce qui est long, étrange et compliqué. J'ai donc institué dès mes six ans de m'appeler dès à présent Jack, résumé de tous mes prénoms, pour arrêter de me faire charrier par mes camarades de primaire. Malgré leur agacement hautain, ils ont accepté, et ce nom à rallonge ne figure plus que sur ma carte d'identité et les papiers très officiels. Je ne suis donc pas surpris qu'il ai tapé dans l'œil d'Annie Newton Howard. Je renifle, puis sens une odeur qui ne devrait pas être là. Paniqué, je m'approche de mon meilleur ami.


- Flynn, t'as quand même pas recommencé ?! Je chuchote.

- C'est pas ce que tu crois, se défend-il.

- Tu m'avais promis que tu arrêtais de te faire des "perches" avec ces cachets !

- Non, non pas du tout ! Ok, j'ai acheté de la beuh, c'est cette odeur que tu sens, mais mon excitation n'est pas due à ça. Une fille m'a parlé aujourd'hui, comme à un garçon normal !


Il sourit de toutes ses dents, et même si je grince des dents quant au fait qu'il ai acheté de l'herbe, je suis quand même soulagé que ce ne soit pas pire. Chacun d'entre nous à du se remettre du traumatisme à sa manière. Moi par le théâtre, lui par l'alcool, puis la drogue. Ce n'est que récemment que j'ai réussi à le faire décrocher, et les rumeurs sur lui et son passé se sont enfin tues. Car, pendant un an, nous étions regardés comme des bêtes de foires par une partie des étudiants, qui ne pouvaient comprendre ce qui s'était passé.


- Et qu'est-ce qu'elle t'as demandé cette fille ? Je le questionne.

- Juste si j'avais l'heure, puis elle s'est affolée car elle devait rejoindre sa sœur et est partie en courant.


Je souris. Pour une personne normale ça semble peu, mais je sais que pour lui c'est un grand pas en avant.


- Et tu sais comment elle s'appelle ?

- Aucune idée... Ah bah tiens, c'est elle !


Je me tourne alors pour observer cette fameuse demoiselle.



Le Conte d'Hiver - JelsaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant