Prologue

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C'était une nuit de pleine lune. Les étoiles dansant dans le ciel, l'illuminaient de mille feux. Personne ne se serait douté que, ce soir-là, le destin d'une fille changerait à jamais. Et pourtant, Amelia, elle, le sentait au plus profond d'elle. Cette nuit serait différente de toutes les autres. Un instinct naturel la poussa même à profiter de l'absence de sa mère pour s'enfuir de la maison.

Fuir toutes ces disputes qui ne s'arrêtaient jamais chez elle, c'était tout ce qui importait pour Amelia. Elle passait à travers les rideaux vert olive avant de sauter par la fenêtre. Traversant le jardin et dépassant le portail, elle courait sans relâche, fuyant cet endroit qui auparavant était son refuge, mais qui était devenu sa prison. Elle se dirigeait vers la forêt, devenu le seul endroit où elle pouvait se sentir en paix. Elle se fichait de tous les avertissements que l'on ne cessait de lui répéter concernant les rumeurs de loups sanguinaires qui arpentaient les bois la nuit. Son village, bien que perdu au fond de la nature, ne se situait pas dans une zone montagneuse, aussi s'agissait-il forcément d'une histoire destinée à dissuader les enfants d'arpenter le reste de chemins parsemé d'écorces et de branches d'arbres arrachées par de précédentes tempêtes. Ses longs cheveux châtains s'accrochaient de temps en temps aux branches d'arbres d'un jeune érable, mais elle continuait de courir jusqu'à ce qu'elle soit à bout de souffle. Là où la seule chose qu'elle voyait autour d'elle, c'était des arbres à perte de vue, la lune, elle, berçait la nuit, berçait Amelia. N'ayant plus assez de forces pour continuer son escapade nocturne, elle se laissait tomber sur le sol couvert d'écorces, la respiration haletante, le cœur battant à toute vitesse, les cheveux mouillés par la transpiration, mais également par l'humidité nocturne.

Ses longues bottes noires étaient couvertes de terre, la jeune femme les enlevait, constatant le piteux état de ses pieds, recouverts d'ampoules. Quant à son jean, autant se dire qu'il était déjà troué avant, et que cela ne pouvait donc pas être pire.

Après quelques minutes, elle se redressait pour s'asseoir en tailleur, près d'un énorme chêne aux feuilles jaunies, éclairées par la lune, et ouvrit le sac qu'elle avait emporté avec elle. Elle avait pensé à tout, enfin presque : sandwichs au jambon, bouteilles d'eau plate et gazeuse, couverture, vêtements de rechange, oreillers, et même quelques uns de ses livres préférés, mais avait oublié son lecteur de musique -tant pis, pas de This Is War pour cette nuit-. Elle sortait un premier sandwich et mordit dedans comme si sa vie en dépendait. Ce fut là qu'elle l'entendait. Ce hurlement canin qui semblait résonner à travers la forêt. On aurait cru que même les feuilles d'arbres en avaient tressauté. Amelia, elle, n'avait tremblé que quelques secondes, songeant à un chien qui avait décidé de réveiller tout le quartier, et se remit donc à manger. Résultat, son pull rouge fut baptisé de tâches de rondelles de tomates, ainsi que de cette délicieuse mayonnaise faite maison, qui, du coup, s'étalait merveilleusement bien sur ce col roulé tricoté. Elle s'arrêtait quand elle entendit un grognement. Bien trop proche à son goût.

Amelia se figeait lorsqu'elle aperçut un animal sortir de la pénombre et se diriger vers elle. Un loup au pelage sombre s'approchait doucement, pour renifler le visage de la jeune femme. Cette dernière, paralysée par la peur, se forçait de ne pas paniquer quant à la proximité du prédateur. Les yeux de la jeune femme se posaient alors sur l'animal. Amelia était encore stupéfaite en voyant les siens: ils étaient d'un vert si étincelant qu'ils semblaient luire dans l'obscurité. Le loup lui lapait la joue, lui faisant entendre le bruit de ses canines claquant les unes contre les autres, avant de renifler le sandwich à moitié entamé qu'elle avait encore dans les mains. Elle parvenait alors à remplacer sa peur par de la curiosité, et lui souriait tout en lui tendant le sandwich qu'il engloutissait en quelques secondes, pour ensuite s'allonger près d'elle et poser sa tête sur ses genoux.

La bête était très lourde, et rien que sa tête suffisait à engourdir les jambes de la jeune femme. Cette dernière en profitait pour caresser doucement son pelage rêche, tandis que l'animal, semblant s'être endormi, poussait de légers ronflement si doux et aigus qu'ils ressemblaient à ceux d'un labrador endormi. De temps en temps, on pouvait même apercevoir à travers l'obscurité des pattes s'agiter comme si le loup rêvait d'une belle et longue course amusante.

Amelia riait intérieurement, pensant au fait qu'il aurait fait un parfait animal de compagnie. Elle sortait un autre sandwich de son sac et le mangeait sans que l'animal ne le lui réclame, malgré qu'elle avait remarqué qu'il s'était réveillé pour renifler autour de lui, puis sortait son oreiller, qu'elle mettait derrière son dos pour être plus « confortablement » installée, les couvrait elle et le loup à l'aide de sa couverture polaire. Observant la lune à travers l'espace entre les différentes branches d'arbre, ses paupières s'alourdissaient. Elle s'endormait paisiblement, mais faisait, comme souvent depuis quelques jours, d'étranges rêves.

Toujours du sang, toujours la nuit, toujours les mêmes personnes qu'elle ne reconnaissait jamais. Mais cette fois, dans son rêve, elle apercevait nettement quelqu'un. Un grand brun aux cheveux courts, mal rasé, la peau légèrement bronzée, lui tendait la main, avec pour seules paroles « Tu es en sécurité avec moi ». Ce qui semblait encore plus étrange, c'était que cet homme avait des yeux verts étincelants, qui contrastaient avec les ténèbres envahissants de son rêve. Alors qu'elle s'accrochait à son bras tatoué , elle sombrait de nouveau.

Amelia se réveillait plus vite que d'habitude, car elle entendait des cris prononçant son nom dans les bois. Le loup n'était plus à ses côtés; sûrement était-il parti peu après qu'elle se soit endormie. La lumière d'une lampe torche l'aveuglait un instant avant de la laisser recouvrer la mémoire. «Mince, ils m'ont retrouvé... », songeait-elle, avant de se lever brusquement pour recommencer à fuir. Alors qu'elle pensait les avoir semé, elle se heurtait brusquement contre sa mère, qui la giflait avec une telle force qu'on aurait cru qu'elle allait sauter de son corps comme une simple et vulgaire balle de golf.

Consciente qu'après tout, elle l'avait mérité, Amelia ravalait ses reproches ainsi que ses larmes, et rentrait chez elle, la tête basse, suivie par l'impression que quelqu'un-ou quelque chose- la suivait. Arrivée dans sa chambre, de nouveau enfermée entre ses quatre murs blancs couverts de quelques posters par ci par là, elle s'installait sur son lit , allumait son ordinateur et regardait quelques épisodes de sa série fantastique préférée. Mais, ayant encore cette impression d'être observée, elle se dirigeait alors vers la fenêtre, craignant de voir un vieux pervers la reluquer en cachette, puis fut tout de suite rassurée. A travers la pluie battante, elle ne pouvait que les voir. Ces yeux verts, brillants, comme une tâche de lumière dans toute cette obscurité.

«-Alors comme ça, tu m'as suivi... », chuchotait la jeune fille, tout en souriant au loup qui semblait s'être attaché à elle.

Promesse NocturneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant