2 - Le défi

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Àces mots, un Ooooohhhhh !!! de surprise générale parcourut la foule. Aucun de nous n'avait imaginé que la soirée prendrait un tel cours. Loin de tout impératif de travail de terreur, nous avions fini par nous accoutumer au calme relatif de ces nuits, bercées par le ronflement paisible de ce fichu gamin qui n'avait peur de rien.

Bien sûr, au début, il nous était arrivé de tourner en rond à ne pas savoir quoi faire de nos nuits ; mais aujourd'hui, chacun de nous avait su trouver d'autres occupations nocturnes. Acary, par exemple, adorait semer le trouble chez Margot qui finissait souvent par s'emmêler les pattes dans sa toile. Elle le maudissait, jurant qu'un jour elle aurait sa revanche. Le vieux Sam, lui, jouait à la pétanque avec les têtes des poupées Barbie de Carline, la petite sœur de Benjamin – d'ailleurs bien difficile à effrayer, elle aussi, mais ça, c'est une autre histoire. D'autres encore, agissant par bandes organisées, s'attaquaient au cartable du garçon qui avait souvent de mauvaises surprises en arrivant à l'école, le lendemain matin : cahiers et livres sens dessus dessous, crayons et matériel scolaire manquants, copies et leçons tachées de jus d'acariens pressés... Quelques menus larcins qui constituaient, en vérité, une bien maigre satisfaction contre cet enfant récalcitrant à la peur du noir. Pourtant, nous avions accepté notre sort et une certaine routine agréable s'était installée dans notre petit monde. Alors, toute cette agitation inattendue venait perturber notre tranquillité quotidienne, et nul n'était vraiment certain de vouloir poursuivre dans cette voie.

Cependant, toujours éclairée par la lumière du radio réveil, Aurane n'avait pas dit son dernier mot. Brisant net nos réflexions, elle nous interpella avec plus de force et de véhémence :

"Où êtes-vous peuple de la nuit ?

Qu'en est-il de votre fierté légendaire ?

De tout temps, les enfants nous ont redoutés !

De tout temps, la nuit a été notre royaume,

et nul n'a jamais osé nous ridiculiser de la sorte !

Alors, réveillez-vous ! Au nom de nos ancêtres les Terribles !

Au nom de la peur, de la terreur dont nous sommes les représentants !

Au nom de notre survie !

Frères et sœurs, secouez-vous bon sang !"

Elle venait de viser juste. Quelques voix, d'abord timides, commencèrent à s'élever dans la foule. Des voix qui approuvaient et enfin acclamaient. Dispersées, elles furent très vite rejointes par d'autres, puis d'autres encore et enfin, la foule entière s'agita aux sons de "Hourra ! Hourra !" enthousiastes.

Caché dans la pénombre d'un Tyrex made in China, dont la mâchoire désarticulée pendait piteusement, le vieux Sam, consterné par ce qui se passait, grommela en agitant sa tête aux lourdes bajoues flasques et humides. Aurane savoura sa victoire.


Naboja, la frontière interditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant