Il est minuit passé. Le métro était vide, quelques oiseaux de nuits parfois, mais j'étais plus seule que jamais. Ça me dérage pas, j'aime la nuit, j'aime être seule. Je me croyait dans un film. J'avais pas pris la peine de payer un billet, je savais qu'y avait personne. Alors que j'allais remonter pour sortir du métro, y'avait un type. 19 ans je dirais. J'avais sentis dès que le métro s'était arrêté. Cette aura plaintive, puant l'insomnie de coeur brisé. Il avait des cheveux sombres en batailles, une chemise froissée, une veste aussi pourrie que la mienne et un jean troué. Il fumait sa clope, avec des cernes comme les miennes, et un regard gris métallique, qui se voulait froid, mais qui me fit chaud au coeur. Il leva la tête et sourit. Il avait pas l'air méchant, juste déboussolé.
- Qu'est ce que vous faite là un lundi soir ?Il chuchotait presque. Sa voix tremblait. Je réfléchis jamais quand je parle.
- Ou un mardi matin.
- Il est trop tard ou trop tôt ?
Je souris. Lui aussi. C'était étrange, comment deux inconnus, pouvait se faire sourire, à minuit, dans une bouche de métro ?
- Vous avez pas répondu à ma question.
- Pour moi il est trop tôt.
- Pas celle là. Arrêtez de jouer avec les mots.
- Et toi arrête de me tutoyer.
Il ris. C'était un rire simple. Comme si je lui fessait du bien avec mon impulsivité.
- Alors... Qu'est ce que tu fait là ?
Je me rapproche de lui. Il avait pas l'air d'avoir bu.
- Je rentre de ma virée nocturne. Même si il est trop tôt. Et toi ?
Il jette son mégot par terre et me sonde avec ses yeux.
- Moi on s'en fou. Et j'ai comme le sentiment que tu imagine pas mal de choses à mon sujet.
- 20 ans. Tu rentrais du boulot, tu t'es fait largué par ta copine. Tu t'y attendais pas, et tu te sens seul. Et comme moi, tu préfère être seul la nuit.
Il sourit plus. Il me regarde droit dans les yeux, et après un silence qui me parais beaucoup trop long, il éclate de rire.
- Ah bah putain... 21 ans. Quoi comme boulot ?
- Serveur ? Barman ?
- Bravo. Tu m'épate petite.
- A ton tour.
- J'ai pas des dons de voyance comme toi hein ! Bon... euh... Franchement je te donnerais 15 ans, mais t'es trop mature, ça fait flipper. Après le reste, j'peut pas dire.
- J'ai 16 ans. J'étais à une soirée horrible. Et Toulouse est ma ville natale, j'avais envie de me promener.
Son regard était maintenant doux.
- Tu devrais y aller. On se reverra peut être... Tu crois au destin ?
- Peut être. Pourquoi ?
- Parce que si notre chemin s'est croisé, c'est pas par hasard.
Je ris, ce qui le fait sourire, je lui demande comment il peut en être si sûr, il se rapproche de moi et me souffle
- Parce que en quelques minutes et quelques mots, t'a bousculé ma vie.
Il me regarde, toujours avec son sourire, qui semble plus sincère.
- Contente de t'avoir bousculé. Et ne gâche pas tes larmes pour quelqu'un qui ne t'aime plus, la vie est trop courte pour ça.
Il souris de plus belle.
- T'a d'autres phrases philosophique comme ça ?
- Hmm, laisse moi réfléchir... T'es quelqu'un de bien.
Il éclate de rire.
- Mais bien sûr.. Qu'est ce qui te fait dire ça ?
- Les gens qui se baladent la nuit seul pour réfléchir sont des gens bien. Surtout ceux qui parlent aussi facilement à des inconnus, sans arrières pensées.
- Toi aussi t'a l'air de quelqu'un de bien petite. Tu bouscule la vie des gens avec ta maturité de rêveuse. Tu fait tomber amoureux les personnes que tu croisent avec ton regard, et pour les chanceux, avec ta parole et ton sourire.
De nouveau un silence. Je continue mon chemin, commence à monter les marches, me retourne, et lui dit
- Et elle t'a quittée ? Qu'elle erreur.
Je le vois, à me regarder d'en bas, avec son sourire, et des larmes.