Fathomless

"Ses pans de secret sont en sécurité"

- Alors, comment va Scott ?

C'est la pause. Je sais que la question qui leur brûle les lèvres, à Maisie et Louisa, c'est l'identité de cette nouvelle. Je ne dirai rien. J'ai la sensation d'avoir promis, d'être tenue au secret par cette nouvelle, à la fois inconnue et amie. Elle  n'est pas dans ma classe dans tous les cours, et je ne l'ai pas revue depuis un petit moment. Elle s'est éclipsée à la fin du cours de maths, comme un coup de vent. Mes amies me rappellent à l'ordre :

- Jules ? Tu ne nous a pas répondu ! Comment va ton chien ?

J'ai complètement oublié qu'elles m'ont posé une question. Ce pourquoi je m'empresse de clarifier :

- Excusez-moi, j'étais perdue dans mes pensées. Il va mieux, c'est une dépression passagère. Il se sent seul à la maison, paraît-il.

- On dit bien, tel chien tel maître ! envoie Louisa.

C'est vrai qu'elles ont raison. Depuis que je ne vois plus la nouvelle, je suis sans cesse perdue dans mes pensées, à sa recherche. Je voudrais tellement avoir des réponses à tous les mystères qu'elle m'impose... Les filles veulent juste me remonter le moral, elles sentent que quelque chose ne tourne pas rond chez moi. Heureusement, notre quart d'heure de pause touche à sa fin, et nous nous dirigeons vers la salle d'anglais, où nous allons passer toutes les trois deux heures, jusqu'au repas de midi. Je m'installe à côté de la vitre, de façon à pouvoir réfléchir tranquillement à mon énigme. J'ai ce besoin de savoir, depuis que je suis toute petite. Et aujourd'hui, je rassemble les indices. Tout d'abord, il me faut un prénom. Des passions, des envies et des peines. Il faut que j'apprenne à la connaître, c'est mon nouveau défi. Pourquoi refuse-t-elle de me donner son nom ? Pourquoi ne puis-je pas savoir d'où elle vient ? Peut-être que ça me permettrait de remonter jusqu'à son secret, ce qu'elle redoute ? Après tout, elle ne me connaît pas. Je ne suis pas aussi secrète qu'elle, mais il faut tout de même du temps pour savoir ce que je veux faire de ma vie, par exemple. Elle ne sait pas que je rêve d'aller vivre en Ecosse, que je suis bonne élève malgré les apparences, que je n'ai aucune confiance en moi. Il faut que je cherche chez elle ce qu'elle ne sait pas de moi. Récapitulons, un nom, une origine, un rêve, un niveau intellectuel, des loisirs, et un secret. Je projette de l'intercepter dans les couloirs et de discuter avec elle. Je ne sais pas encore ce que je vais lui dire, mais ça ne saurait tarder. Satisfaite de mon petit plan, je me concentre maintenant sur le cours d'anglais. Oui, si je veux pouvoir atteindre un niveau d'anglais suffisant pour comprendre l'écossais, je dois travailler. Allons-y !

****

Je me suis inspirée de la manière dont la nouvelle s'est enfuie à la fin du cours de maths pour en faire de même à la fin de celui d'anglais. C'est l'heure du repas, et les filles penseront que je suis déjà à la cantine, que j'avais faim. Et puis, à cette heure-ci, elle est forcément dans les couloirs. Il faut que je trouve son casier. Je me dirige vers le mien, il est dans le couloir principal, là où la majorité des autres casiers se trouvent. Mais peine perdue, elle n'est pas là. Je me mets en tête de faire tous les couloirs, un par un, jusqu'à ce que je la trouve. Au bout d'une grosse demi-heure de recherches, je l'aperçois en position fœtale, dos contre un casier, bien cachée. Je ne m'attendais pas à ce spectacle, elle a les yeux rougis et son maquillage a coulé. Elle qui se maquille si bien... Je tente :

- Heu... Salut ! Je ne voulais pas te déranger, c'est juste que...

Elle se retourne vers moi et passe le dos de sa main contre son nez. Même ainsi, elle est belle. Comme pour me contredire, elle renifle, peu gracieusement je dois l'avouer, et s'adresse à moi :

- Qu'est-ce que tu fais là ? Tu devrais être en train de manger, comme tout le monde.

Puisqu'elle parle de repas, alors...