Je regrette d'avoir dit au serveur de la pizzeria que nous rentrons chez moi à pied. Non seulement, ce n'est pas juste à côté, et en plus, je reste sur ma politique "je te réponds, tu me réponds" avec Rainbow. Ce qui veut dire que si je lui montre ma maison, elle me montre la sienne. Je n'ose pas lui dire que je la laisse rentrer chez elle seule, ce n'est pas poli, et étant donné que nous sommes encore humides... Elle a le droit de se réchauffer. Tout comme moi. Je pense que je devrais lui dire que je ne peux pas l'accueillir, mais je n'ose pas... Heureusement, c'est une fille intelligente, et elle remarque tout de suite mon malaise, même sans me connaître vraiment. Elle s'inquiète :
- Quelque chose ne va pas ? Tu as l'air... Bizarre.
Notre relation l'est tellement, de toute façon ! Comment lui expliquer le fond de ma pensée sans la vexer ? J'ai toujours peur qu'elle se braque, qu'elle prenne peur de moi et de mon caractère si spécial, et qu'elle s'en aille. Comme je l'ai déjà dit, je tiens à elle. Je sens que nous pouvons très bien nous entendre, si seulement elle ne faisait pas autant de secrets... Mais j'opte pour la franchise, car m'enliser dans des mensonges ne me dit rien :
- En réalité... Je sais que tu ne veux me dire ni ton nom, ni tes origines, ni les raisons de ta venue. Je suis partie sur le principe que je ne te dirai pas l'équivalent des informations que tu me cacheras. Et... T'inviter chez moi, c'est contraire à mon idéologie. Parce que j'ai bien compris que tu ne me rendras pas l'invitation. Non pas que ça me dérange, loin de là, et tu fais ce que tu veux. Mais... Ton secret. Je voudrais le découvrir, j'ai l'impression... Qu'il t'empêche d'avancer. Et j'ai envie de t'aider, ne me demande pas pourquoi. Désolée, j'ai vidé mon sac. J'en avais besoin. Depuis ce matin, tu ne fais que des mystères. Tu as l'air malheureuse... J'ai l'impression qu'on peut bien s'entendre, mais pour cela... Il faut que tu coopère. Mince. Je me sens débile de dire ça.
Elle est ahurie. Mon monologue lui a coupé la langue. Je ne peux pas la forcer à parler, mais il faut que je l'aide ! Elle cherche ses mots, elle bafouille. J'aurais dû me taire ! Je la tire du pétrin dans lequel je l'ai mise :
- Désolée. Je n'aurais pas dû dire ça. Je suis fatiguée, c'est tout. Repartons sur de bonnes bases, une conversation normale. Hum... Voyons, apprenons à nous connaître un peu plus. Quelle est ta couleur préférée ?
Nous continuons à marcher tout en discutant. J'ai l'impression que cette situation l'amuse, que mon trouble l'amuse. Tant mieux pour elle ! Elle me répond :
- J'aime bien le brun. C'est bien le brun ! En fait, tu prends toutes les couleurs du beige clair au brun foncé, et ça me plaît. C'est pas compliqué ! Et toi ?
Je ne m'attendais pas à cette réponse. Encore une fois. Elle n'est vraiment pas courante, elle aime des choses tellement particulières... On aurait pu s'attendre à du bleu, du noir, du blanc, mais pas du beige... Quant à moi, je ris doucement et l'informe :
- Je trouve le vert pas mal du tout. Il y a pas mal de nuances aussi, et puis c'est la couleur de la nature, ça va avec à peu près tout ! Oh, j'y crois pas. J'ai cette conversation inutile avec toi ?
Elle rit à son tour. Nous sommes impossibles. Pendant ce temps, nous sommes arrivées chez moi. J'ai finalement décidé de la laisser entrer. Ce n'est pas une voleuse ou une folle. Elle est normale, du moins d'après ce que je connais d'elle. Je dois rester prudente. Je dois continuer à essayer de cerner sa personnalité. Je tourne la clé dans la serrure, et j'ouvre la porte qui grince sur ses gonds. Mes parents accordent beaucoup d'attention à la décoration et à l'image que les autres ont d'eux. C'est moderne, sans trop être épuré. Le carrelage est gris foncé, les murs blancs et rouges. C'est chaleureux et douillet. Dès l'entrée dans la maison, l'escalier invite à visiter l'étage. Tout de suite, nous l'empruntons. Il n'y a personne chez moi, mes parents sont au travail. C'est seulement à notre arrivée dans ma chambre que je réalise que Scott n'était pas là quand nous sommes arrivées. Habituellement, quand j'ouvre la grille qui délimite la propriété de ma famille, s'il est dehors, il arrive en courant et salit mon jean de ses pattes sales. Aujourd'hui, j'ai pensé qu'il était à l'intérieur. Mais aucune trace de sa présence au cours de la journée. Je fais comme si de rien n'était et continue à chercher des vêtements à prêter à Rainbow. Je sors de mon placard une chemise blanche et un simple jean bleu. Elle a l'air satisfait, et se dirige vers la salle de bain pour se changer. Quant à moi, je mets mes vêtements dans la machine à laver et m'empare de ma robe à manches longues et de mes collants. Tout mes autres vêtements sont au sale... Je m'empresse d'enfiler ce que j'ai choisi et me dirige vers le placard dans l'entrée, dans lequel se trouve ma veste. Mon téléphone est dans la poche, et je m'inquiète pour mon chien. Je sais que je devrais être en cours, mais tant pis. J'appelle ma mère, je sais qu'elle est plus disponible que mon père lorsqu'elle travaille.
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Fathomless
General FictionLE PASSE INSONDABLE D'UNE FILLE SANS NOM - Tu accepterais de me dire au moins ton nom ? J'ai l'impression que c'est une chose énorme que je lui demande, un interdit que je brave... J'ai l'impression que si je n'avais pas posé la question de cette ma...