Quand le hasard s'en mêle.

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Les effluves de café remplissaient la pièce et des rayons de soleils aveuglants filtraient des grandes baies vitrées, réveillant Harry de son sommeil léthargique.
Il détestait le café.
Il détestait la lumière.
Ça le mettait toujours de mauvaise humeur.
Les mauvaises langues diraient que tout le mettait de mauvaise humeur, mais ils n'auraient pas raison. Une bonne baise lui remontait toujours le moral, surtout quand l'amant avait l'intelligence de dégager une fois l'affaire finie.
Les mauvaises langues, cette fois-ci, diraient qu'il n'avait qu'à se payer des putains pour ne pas avoir le déplaisir de chasser ses conquêtes une fois le soleil levé, alors il leur répondrait que ça enlèverait tout le contentement et la délectation qui pouvait en découler.
Alors les mauvaises langues se tairaient et attendraient une nouvelle occasion pour se manifester et Harry, en attendant, se lèverait pour faire ce que depuis plusieurs années était devenu une habitude, un petit rituel du matin ; se débarrasser des intrus.
Se levant, après une séance d'étirements très brève, Harry se dirigea vers la cuisine, évitant habilement toutes les lettres qui jonchaient son parquet pour tomber sur une silhouette assez maigrichonne, quoique plus grande que lui, et une touffe de cheveux s'affairant à préparer le petit déjeuner en sifflotant gaiement, ce qui, d'après Harry, ne tarderait pas longtemps.
Le châtain, avec un sourire béat, sembla remarquer la présence de son amant.

- Bonjour James !
- Hm.. Bonjour Edward.
"Edward" sembla perdre de son sourire.
- C'est Cédric.
- Ah, Cédric.

Il balaya sa remarque d'un mouvement de la main, comme on le ferait pour chasser un insecte.

- Bon, Cédric, je suis profondément désolé mais il va falloir que tu t'en ailles, reprit Harry d'un ton ennuyé et habitué.

Une grande déception sembla envahir Cédric. Il n'y eut pas de crise de larmes, ni d'explosion de colère irrationnelle, juste un silence lourd de sens et des pas traînants vers la porte, au plus grand soulagement d'Harry.
Ce dernier, d'ailleurs, s'attaqua à l'assiette de croissants. Mine de rien, parler le fatiguait.
Enfonçant un dernier croissant dans sa bouche, Harry entreprit de jeter le café, d'ouvrir les fenêtres pour se débarrasser de son odeur et se préparer du thé avant de s'enfoncer dans son canapé moelleux, faisant tomber par la même occasion une pile de lettres à laquelle il ne prêta qu'une vague attention.
Harry soupira, prit la télécommande et zappa frénétiquement les chaînes.
Il passa un documentaire sur la reproduction des ours, un feuilleton qui devait sûrement en être à son 756ème épisode, le journal télévisé local et finit par s'arrêter sur sa propre image, en gros plan dans l'une de ces émissions de ragots "People" qui se faisaient un plaisir de le descendre.
Il monta le son, juste pour rire.

《 Hier soir avait eu lieu la remise des prix Goncourt annuelle, dans laquelle le célèbre auteur James Evans a reçu trois prix prestigieux pour son dernier Thriller, "Folies Meurtrières". Si l'écrivain n'a pas daigné assister à la remise des prix, il se trouvait bien en revanche à l'After Party, où, d'après les vidéos amateurs en notre disposition, il semble avoir fait une forte impression. L'écrivain, qui vient récemment de sortir d'une cure de désintoxication de six mois, est désormais connu pour ses frasques et son irrespect pour l'opinion publique.
Chassez le naturel, il revient au galop, dit-on. Cette fois encore, l'auteur n'a pas su retenir ses pulsions et, après un accrochage avec l'une des personnes présentes, s'est mis à jurer et cracher sur la société avec, on s'en doute, plusieurs grammes de drogue et encore plus d'alcool dans le sang. Les personnes présentes, habituées à ce genre de déboires de la part de l'auteur, lui ont gentiment fait comprendre que sa présence n'était plus désirée, si bien qu'il finit par s'en aller, le bien célèbre acteur Cédric Diggory accroché au bras. 》

Il finit par éteindre la télé. Il n'y avait rien d'intéressant de toutes façons, il valait mieux qu'il range son appartement.
Il était peut-être un homme, ça ne faisait pas de lui un gros porc. Ce tas de lettres le faisait bien chier, il avait failli perdre ses dents un nombre incalculable de fois en trébuchant dessus.
Prenant un grand sac de toile, il entreprit d'y mettre toutes les enveloppes.
Une fois cette tâche finie, son iPhone se mît à sonner et Purple Haze de Jimi Hendrix résonna dans toute la pièce.
C'était sûrement Hermione. C'était bien la seule personne sur cette Terre qui pouvait le déranger à une heure pareille sans en subir les conséquences, et tout le monde le savait.
Il décrocha le téléphone.

- Vous êtes bien sur le répondeur de James Evans, je n'ai pas envie de vous répondre, pas la peine de laisser un message après le bip, merci.
- Arrête tes conneries Harry, il faut qu'on parle.

Il ne la voyait pas mais Harry savait qu'à ce moment là, elle levait les yeux au ciel.
Il grommela une réponse vague qui ressemblait à un "Kestuveux encore?", mais cela sembla suffire à la manager qui reprit.

- Tu te rends compte que ton image vient de chuter considérablement après la soirée d'hier ? Sérieusement, Potter, qu'est-ce qui t'a pris de monter sur la table ?
- J'ai fait ça, moi ?
- Oui, Harry James Potter, tu as fait ça !
- Ça devait être dément, putain.
- Mais... Tu m'écoutes quand je te parle ?
- Oui oui...
- Harry... Ton comportement est de plus en plus inquiétant. Et toutes ces merdes que tu ... Ça va endommager ton cerveau. Tu n'es plus le même, tu...
- Écoute, Hermione, c'est sympa de t'inquiéter mais je vais bien, d'accord ? Mes bouquins se vendent toujours aussi bien, je suis millionnaire, je pourrais racheter tous ces magazines qui se plaisent à écrire sur moi si ça me chantait. Et puis, j'ai plein de crétins à mes pieds qui me vouent une adoration sans limites.
- Ce sont tes fans !
- Oui, c'est ce que je disais.
- Tu devrais montrer un peu plus de respect, Harry, leur accorder un peu de ton temps... Tu pourrais au moins lire les lettres qu'ils t'envoient...
- C'est censé expliquer le bordel que TU as foutu à mon salon ?
- O-oui, je me disais que ça serait bien de...
- Oh, je t'en prie, Hermione, ne sois pas aussi idiote. Ces lettres se ressemblent toutes. Ce ne sont que des minettes en chaleur qui ne font que répéter à quel point je suis beau, doué, en me gavant de compliments comme si ça allait jouer en leur faveur. La flatterie, ça va cinq m...
- En as-tu lu au moins une ?
- Je n'ai pas besoin de ça pour savoir qu'elles sont toutes pareilles ! Attends, regarde, je vais en prendre une au hasard.

Harry enfonça sa main dans le sac où s'entassaient toutes les lettres et en sorti une, toute blanche, toute simple, puis l'ouvrit.

- "James." Sérieusement, il commence sa lettre avec J...

Un silence s'ensuivit, inquiétant Hermione. Harry, lui, ne faisait plus aucun mouvement, mais ses yeux, eux, allaient de part et d'autre de la lettre, déchiffrant chaque mot avec exaltation.

-Harry ? Il y a un souci ?
-Écoute Hermione... Je te rappelle plus tard.

Hasard.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant