IVème jour : Changement de décors

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Nous arrivons sur les rives avec beaucoup de mal. La mer s'était levée contre nous en même temps que mes ennemis. Ses vagues d'un bleu intense nous envelait loin de notre terre. Son écume chatouillait nos membres fatigués.

La douleur hurlait encore dans mon coeur mais ma colère battait bien plus forte contre mes tempes. Quoi de pire que de voir des innocents mourir?

Mon ami me relevait avec douceur. Il me sourit tendrement comme pour me consoler puis remarque mes larmes. Sans hésiter il me prend dans ses bras. A son contact je ressentis un frisson qui remonta mon dos. Qu'était ce? Je ne sais pas mais je pense que je le saurais bientôt.

Alors qu'il allait me parler d'une chose qui me semblait importante, le noir m'engouffra brusquement. Je me débattait dans ce coin qui est passé de paradis à enfer en maudissant cette couleur sinistre que je ne voulais plus voir.

Des murmures firent écho dans ma tête endolorie à intervalle de plus en plus rapprochée. Ils parlaient de choses que je ne comprenais pas, me faisaient peur. Avec espoir que tout s'arrête je criais à pleins poumons.

Alors je réapparu dans mon monde. Un monde qui est pourtant affreux mais bien mieux que le trou noir. Les deux mondes semblent me maltraiter, me détester et me tirailler jusqu'à ce que je craques.

C'est alors que je sentis des larmes couler sur mes joues avec vigueur. Mon regard tomba sur mes bras qui me semblent soudainement très chargés.

Tout se figea. Les gens passaient autour de moi au ralentis. Les bombes tombaient en bruit sourd au sol provoquant encore des morts. Des balles sifflaient de tous les côtés mais paraissaient m'éviter pour me laisser le temps de comprendre, le temps de souffrir.

Dans mes bras se trouvait mon ami mort. Son corps sans vie laissait s'échapper des cascades de sang au niveau du torse. Ses yeux me fixaient sans bouger, avec leur lueur d'avant éteinte.

Des souvenirs de nous se rappellèrent dans mon coeur. Cet homme était mon petit ami. Pourquoi je me souviens de lui, de nos moments passés ensembles mais pas du reste? Tout ce que je sais, c'est que je pleure sur son corps sans relâche, je pleure ce coeur sans vie.

Sans pitié des soldats m'arrachèrent de cet homme qui m'était si cher. Je me démène mais il m'enlève à lui. Mes hurlements les dérangent puisqu'ils m'ordonnent de me taire. Bien sûr je ne les écoutent pas.

Mais c'était sans me douter que toute ma comédie indiquerait notre position aux ennemis. Ils arrivèrent comme des sauvages, sautant des toits, détruisant les portes des maisons qu'ils pillaient. La fusillade commença et détruisit plusieurs des vies de mes sauveurs. Pourquoi ne les ais-je pas écouté?

Poussée à bout, je m'agenouillai et frappa mes poings contre le sol plusieurs fois jusqu'à les faire saigner.

Mais j'en avais oublié que des ennemis avaient tué mes alliés. Ils me relevèrent et me forcèrent à monter dans un camion.

J'y trouvais d'autre gens en proie aux larmes et à la détresse. Mon regard tomba sur un petit garçon bordant sans doute sa soeur dans ses bras. Elle avait les joues rougies par les larmes tandis que son frère avait des cernes aussi grand que la fatigue et la peur qu'il avait enduré en cette journée.

Je m'assis à côté d'eux avec lenteur. Le garçon me regarda et soupira.

_ Que voulez - vous madame?
_ Rien à part voir ce que je peux faire pour vous deux.
_ Il n'y a plus rien à faire. Une fois dans ces camions on ne peut plus s'échapper. C'est la fin.

Il éclata en sanglots fort longtemps retenus. Je le prenais dans mes bras, serrant en même temps sa soeur. Les pauvres enfants...

Notre voyage dura encore une bonne heure avant que le camion ne s'arrête brusquement, faisant tomber tout le monde.

Des hommes habillés en tenue de combat verte et dont le charabia qu'ils criaient incessamment était incompréhensible nous poussèrent et nous alignèrent le long d'un barbelé.
Puis ils passèrent et tirèrent tous les enfants loin des adultes emportant en même temps mes deux nouveaux protégés.

Ensuite ils nous trainèrent dans un bâtiment avec énormément de petits lits aux draps sanglant où parasitait une odeur répugnante de pourriture. Ils nous lancèrent des tenues sales, puantes et humides que nous fûmes obligés à mettre. Nous leur donnèrent à contre coeur nos vêtements pour finalement être renversés d'un champ avec des brouettes pour ramasser des pierres qui gênaient le travail des paysans.

Les premiers allers retours furent simple, mais les muscles souffraient en début de l'après midi. Le soleil nous brûlait le crâne et nos pieds s'enfonçaient dans la boue en nous rendant la tâche plus difficile encore.

Mon souffle était court et j'étais épuisée. Mes mains étaient engourdies et blessées. Mes jambes étaient flageolantes et poussaient leurs limites pour me porter.

Un homme a côté de moi s'écroula par terre en respirant avec difficulté. Je m'avançais vers lui en lui demandant où il avait mal pour l'aider. Mais un soldat me gueula de retourner à mon travail puis il tira dans la tête de mon collègue au sol.

Mon coeur rata un battement alors que le sang vermeille coulait à flot de son crâne. Je tremblais sans m'arrêter alors que mes pieds se glissaient sur le sol pour continuer leur route. La peur au ventre je travaillais jusqu'à la tombée du jour. Comme tous les autres d'ailleurs.

Nous nous retrouvions affamés dans nos lits peu confortables avec comme seul repas réconfortant de cette dure journée un morceau de pain, et nous finîmes par nous coucher.

Pendant la nuit j'entendis des coups de feux et des hurlements. Certains avaient dû tenter de s'échapper avec peu de succès.

Je me mis à réfléchir. Pourquoi le trou noir où je me retrouvais souvent ne venait plus? Et surtout que se passe-t-il dans ce monde tant bouleversé? Quel est ce mouvement de terreur?

Décidément tout était trop étrange pour moi. Et plus mes idées venaient, moins le sommeil ne m'emportait. Je me maudis puis tenta de faire le vide alors qu'un nouveau coup de feu retentit dans un silence de mort.

Serait - ce la fin de cette histoire?

Un jour, un cauchemar [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant