Poison amoureux

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« J'ai appris que la mort est comme une brique : vous pouvez construire une maison ou faire couler un cadavre »
-Lady Gaga

C'était partout autour de nous. Nous le sentions. Nous le savions. De longs frissons parcourraient notre peau à chaque fois que nous baissions notre garde. J'aurais voulu arrêter le temps. Je ne pouvais pas rester seul. C'était peut-être égoïste, mais c'était vrai. Nous avions vécu toute notre vie ensemble. Je l'aimais plus que tout.

Nous nous étions rencontré... Non. Nous ne nous sommes jamais rencontré. Nous nous étions toujours connu. Nous étions des âmes sœur. Nous étions nés à deux jours d'intervalles, moi le plus vieux. Nos parents avaient tous grandis ensemble sur des fermes voisines. Son père était l'ainé de sa famille et avait hérité de la ferme familiale. Il avait épousé la sœur de mon propre père, Géraldine, et mon père avait épousé une des sœurs de son père, ma mère, Lorette. Mon père était le cadet d'une famille plus ou moins grosse. Il avait dû se trouver un emploi à l'extérieur de la ferme. Il a trouvé un travail au magasin général à ses treize ans et il en est devenu le propriétaire quand l'ancien était mort sans enfant.

Nous avions tous les deux vécus une belle enfance, idéale si on considérait celle d'autre jeunes de notre âge. Nous avions débuté l'école à l'âge de cinq ans et nous étions les deux plus jeune de notre classe. Nous n'avions pas eux la chance, par contre, de connaitre une autre enseignante de la vieille sœur Bernier dans sa soutane défraichie noire et blanche. Nous avions fait les quatre cents coups à cette vieille Bernier. Ça pouvait aller de mettre des craies dans sa tasse sur son bureau à étendre de la boue sur son antique chaise en bois branlante où elle ne regardait jamais en s'asseyant.

J'avais vécu très heureux jusqu'à mes huit ans. Cette année-là, ma mère nous quitta. Elle mourut en donnant naissance à Jeannette, la dernière de mes sœurs. Mon père ne s'était jamais remarié. Nous avions tous pleuré. Nous avions tous les deux perdu une mère.

Nous avions tous les deux pu aller à l'école jusqu'à nos treize ans. Nous étions les plus vieux de la seule classe de l'école du village quand nous avions quitté. L'écriture, la lecture, les nombres; plus rien de cela n'était un mystère pour nous. Nous étions tous les deux très attiré par des études plus grandes. Nous en avions alors parlé à nos parents. Nous avions conclu un marché avec eux. Nous travaillions encore deux années sur la terre et au magasin pour nous amasser un peu de sous et ensuite, ils nous prêteraient l'argent manquant à nos études. Nous avions accepté.

Durant deux années complètes, nous avons travaillé sur la terre de ses parents et au magasin de mon père. Nous nous étions tous les deux amassé un beau petit montant, assez pour une session de médecine. Nous étions prêts à vivre notre vie.

Nous devînmes respectivement psychologue et chirurgien. Nous restâmes dans la ville qui avait accueillit nos études tout en allant régulièrement faire un tour dans la campagne environnante afin d'aider les moins fortunés.

Un jour, alors que nous revînmes dans notre village natal, nos parents respectifs nous poussèrent dans les bras de nos futur époux. Après six mois en tant que fiancé, nous fîmes un mariage double. Même s'il n'y avait pas d'amour entre ma femme et moi, je ne pus m'empêcher de la trouver magnifique dans sa robe blanche, alors qu'elle remontait l'allée. Nos mois de fiançailles avaient contribué à ce que nous développions une très forte amitié.

Nous fondâmes tout les deux une belle famille, ne nous perdant jamais de vue. Ce n'était pas des plus compliqué étant donné que nous étions voisins. Nos enfants, deux pour moi et trois pour nos amis, vieillirent et deux d'entre eux réunirent nos famille. Je mariais ma première fille, Florence, à leur deuxième garçon, Alexandre.

Les années passèrent un peu plus et je devins grand-papa. J'en étais tellement heureux. Le premier de mes petits-enfants fut suivit par une ribambelle d'autre. Nous formions maintenant une énorme famille, heureuse et aimante.

Des jours plus sombres vinrent entacher nos existences. Le malheur nous frappa sous forme d'un cancer foudroyant qui m'enleva ma femme, ma meilleure amie. Ce fut par des funérailles tristes et touchantes que nous lui dîmes adieu. Ce soir-là, je la pleurais une dernière fois, en m'excusant de ne l'avoir aimée comme elle le méritait.

Ce ne fut que quelques années plus tard que le malheur nous frappa cette fois sous forme d'une crise cardiaque. L'amour de mon compagnon de toujours se retrouva dans le coma. Nous savions tous, par ses dires et son testament, que c'était une personne qui ne supporterait jamais de rester comme un légume. Nous avions alors conclu, en famille, d'un commun accord, de débrancher cette personne si chère à notre cœur. Ses funérailles furent aussi larmoyantes que celles de mon épouse.

Il ne restait plus que nous deux, comme toujours. Cela revenait toujours à cela. Nous avions décidé d'un commun accord de vendre nos maisons et de nous acheter un bel appartement où nous pourrions vivre paisiblement et où nous pourrions accueillir nos familles.

Aujourd'hui, six ans jour pour jour après l'achat de notre condo, nous étions tous les deux assis sur de divan, en silence, ne laissant que le tic tac de l'horloge grand-père qui trônait dans le couloir. Nous avions tout les deux une respiration sifflante due à l'abus de cigarette dans notre jeune âge, un dos courbés par les heures et les heures de travail, les mains ridées par toutes les choses qu'elles ont faites.

L'horloge sonna. Les larmes coulèrent sur mes joues. La première fois depuis la mort de ma Victoria. Je sentis sa main parsemées de tâche de vieillesse sur ma joue et en effacer les larmes.

« Tu le sens, toi aussi.
-Oui, répondis-je entre deux sanglots.
-Je dois partir. Je suis trop fatigué.
-Je sais. »

Aucun mot supplémentaire n'était nécessaire. Nous nous levâmes et nous dirigeâmes vers sa chambre. Nous étions déjà en pyjama tous les deux. Je m'assis sur la bergère près du lit et il s'étendit.

« Tu as écrit la lettre?
-Oui », dis-je en baissant la tête.

La lettre. Celle où j'expliquais à tous nos enfants, petits-enfants, pourquoi j'allais faire ça. Elle était brève, mais elle expliquait tout. Je relevais la tête et captait le regard brun d'Alphonse une dernière fois avant qu'il ne les ferme. Je m'agenouillais près du lit et posai une main sur sa poitrine. Je sentis son cœur s'emballer. Son corps convulsa un fois avant de retomber. C'était finit. À mon tour.

Je pris la petite bouteille de médicament et avalait toutes les petites capsules qu'elle contenait, une à une. Ça allait être vite. Je couchais ma tête sur le lit, près des mains d'Alphonse. Une seule larme de regret coula sur ma joue avant que je ne sorte la lettre et la pose délicatement sur le lit.

« Chers enfants, chers petits-enfants,

Le fait que vous ayez cette lettre entre vos mains signifie que nous vous avons quitté. Ensemble. Nous ne pouvions en faire autrement. Nous avons toujours été ensemble. De notre naissance à notre mort. Pour l'éternité. Nous sommes des âmes-sœur. L'une nait, l'autre suit; l'autre meurt, la première la rejoint.

Sachez que nous avons tous les deux profondément aimé Victoria et Alice. Elles étaient toutes les deux nos meilleures amies. Non pas nos amours. Nous nous sommes côtoyé si longtemps avant de se rendre à l'évidence! L'amour de notre vie à été présent toute notre vie. Alphonse est le mien et moi, je suis celui d'Alphonse.

Nous avons tout vécu ce que nous avions à vivre ensemble. Ils ne restent plus rien à essayer à part la mort. Alphonse part et je le suis volontairement. Pour l'éternité.

Nous veillerons sur vous de notre place, au ciel. Rappelez-vous de nous en bien. Vivez heureux et en santé. Trouvez l'amour et soyez toujours honnête envers votre cœur. Vous nous avez donné la force de vivre si longtemps.

Nous vous aimerons toujours

Alphonse & Fernand »

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