Chapitre I : Déviance.

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- Alice? Dépêche-toi, on doit être partis dans cinq minutes!

La voix de ma mère était si stridente que même de l'étage, je pouvais l'entendre comme si elle criait à proximité de mes oreilles. Je soupirai. Je détestais me lever tôt, et encore plus quand c'était la rentrée. Surtout que dans le cas présent, il s'agissait de ma deuxième rentrée, dans un nouvel État, un dimanche de mi-novembre.

- J'arrive, maman! criai-je assez fort pour qu'elle puisse m'entendre.

Au même moment, quelqu'un fit brusquement irruption dans ma chambre. Je cessai immédiatement de lutter en vain contre ma valise et reportai mon regard sur ce que je pensais au début être ma mère, mais qui n'était finalement que ma sœur, Nelly. Enfin, ce n'était pas vraiment ma sœur étant donné que j'avais été adoptée, mais cela ne me dérangeait pas. Dans le sens où n'avoir aucun lien de sang avec cette garce était plus une bénédiction qu'autre chose.

Elle était là, postée sur le seuil de ma porte, bras croisés, à me fixer avec dédain. Cette manière qu'elle avait de me regarder avec ses grands yeux verts qui affichaient toujours une pointe d'arrogance et de sournoiserie m'agaçait au plus haut point. Le pire, c'était quand elle rejetait ses longs cheveux récemment teints en rouge cerise en arrière, tout en y ajoutant une posture royale comme si cela avait un quelconque effet sur mon mépris à son égard.

- Tu nous fais perdre du temps le monstre, pesta-t-elle. Et dire que c'est l'événement du siècle : tu vas enfin te casser pour aller dans ton académie pour nunuches, qui je suis sûre est en fait un hôpital psychiatrique. Que Dieu soit loué pour ça.

"Le monstre", ou le surnom qu'elle m'avait donné. Je soupirai aussi bruyamment que possible. Nelly était vraiment irrécupérable.

- Si c'était le cas, ce serait ton nom qu'on aurait mis sur le formulaire d'inscription, rétorquai-je, pas vraiment d'humeur à jouer avec elle.

- Très drôle, ironisa-t-elle. Je suis morte de rire.

Je haussai les épaules.

- Au moins, il y a "morte" dans ta phrase, ça me laisse une part d'espoir assez suffisante pour te supporter aujourd'hui.

Elle roula des yeux, avant de rejeter ses cheveux en arrière d'un geste léger, et d'afficher un sourire victorieux.

- Si tu savais comme je suis heureuse que tu te casses! Je ne te rappellerai jamais assez qu'à cause de toi et de ton foutu truc de monstre, j'ai dû rompre avec Bryan pour changer une énième fois d'établissement scolaire. Oh, mais attends, pas seulement de lycée... d'État! Maintenant, l'amour de ma vie se trouve dans le Kansas, tandis que nous sommes au Maine. Est-ce que tu te rends compte de la distance? Honnêtement, je trouve que tu me dois bien ça de dégager.

Même si mon poing avait la brûlante envie de rencontrer son visage, je me forçai à rester calme. Il ne fallait surtout pas que je me mette en colère, j'en avais absolument conscience. Mais...rien ne m'empêchait de faire semblant, après tout.

Je me mis à respirer fortement, en fronçant les sourcils et en fixant Nelly droit dans les yeux.

- Qu'est-ce que tu fous? bredouilla-t-elle en reculant avec précaution.

Je continuai mon cinéma, tout en m'approchant lentement vers elle. Et cette fois, elle recula vivement, avant d'afficher une expression de terreur et de dévaler les escaliers à toute vitesse tel un chat apeuré.

- Maman, papa, Alice recommence son truc de monstre! l'entendis-je brailler.

Je réprimai un fou rire. Parfois être moi pouvait être un sacré avantage. Ou du moins, une fois sur cent trente-six milliards. Nelly n'avait certainement pas sorti son surnom de nulle part, aussi désagréable soit-il. J'étais réellement un monstre. Et si cela allait faire la deuxième fois que je faisais ma rentrée dans un lycée à compter du mois de septembre, - et peut-être la cinquantième fois que je changeais d'établissement en tout- c'était pour cette raison.

Déviance ( en réecriture --> soon!)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant