Chapitre IX : Noir et blanc.

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On dit que la couleur blanche symbolise la pureté, la lumière, la paix. Les valeurs positives. L'innocence. Ici, tout était blanc. La neige formait un tapis doux et scintillant sur le sol, et les nuages recouvraient la totalité du ciel. Il n'y avait rien d'autre aux alentours, à part un grand labyrinthe aux feuilles de haies blanchies, dans lequel venait de s'engouffrer le petit lapin qui me tenait compagnie. Je me décidai à le rattraper, quand soudain des cris perçants se firent entendre au loin et captivèrent mon attention. Je me tournai, et ce que je vis me glaça le sang. Une masse d'oiseaux se mouvant dans le ciel en ma direction. Et ce fut particulièrement leur couleur qui me terrifia. Ils étaient noirs. Ils étaient l'angoisse. Le vide. Les ténèbres. La mort.

Des corbeaux.

Le besoin subit de fuir m'anima, et je m'élançai sans plus attendre à travers le labyrinthe. Mais la horde de corbeaux se rapprochait de moi. Je les sentais arriver. Courir ne servait à rien. Il n'y avait pas d'issue possible. Aucune échappatoire.

Mes pieds se prirent dans ma longue robe à traîne et je m'écroulai lourdement à terre. Aussitôt, j'entrepris de me relever, mais j'étais trop faible, comme écrasée par un poids. Et c'était trop tard. La masse sombre formée par les oiseaux se matérialisa en face de moi dans un tourbillon de fumée noire. Je ne vis pas tout de suite le visage de mon assaillant, mais lorsque j'entraperçus la rougeur de ses yeux voilés par ses rideaux de cheveux blonds, mon corps entier se figea.

Sa robe - l'opposée de la mienne -, suivit le mouvement gracieux de son corps lorsqu'elle s'avança vers moi. Je me forçai à la regarder, tentant de faire abstraction du sentiment de terreur et de malaise qu'elle m'inspirait. La neige fondait sous ses pieds nus, et les feuilles des haies pourrissaient sous l'effet de l'essence visqueuse et obscure qui émanait d'elle. C'était comme si elle apportait sur son passage les ténèbres et la chaleur de l'Enfer dont son regard renvoyait l'image. Mais parmi tous ces détails, un seul seulement était la raison pour laquelle j'étais pétrifiée. Les traits de son visage, ses cheveux, et ses yeux...

Elle était moi.

Un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres. Un frisson me parcourut l'échine. Elle se dressait au-dessus de moi, majestueuse, et, impuissante que j'étais, je ne pouvais faire autre que de reculer lorsque les filaments noirs qui l'entouraient menacèrent de me toucher. Mes lèvres tremblantes s'entrouvrirent, et alors que je pensais formuler un « Qui es-tu ? », je m'entendis souffler :

- Tu n'es pas moi. Je ne suis pas un monstre.

Ses lèvres rouge sang s'étirèrent encore lorsqu'elle répondit :

- Cesse de renier ce que tu es Alice. Ne vois-tu pas à quel point ton don te différencie des autres Néphilim?

Me différencier?

- J'ai failli tuer quelqu'un! m'exclamai-je avec fureur. Encore une fois. Et tout ça à cause de ce satané don. Il fait de moi un monstre. Mais une fois que j'aurais appris à le contrôler, je... Peu importe, tu n'es pas moi.

- Tu ne comprends pas. Chaque personne a au fond d'elle une part sombre d'elle-même. Je suis la tienne. Ta part sombre.

Aussi étrange soit-il, je vis mon propre visage se teinter d'horreur. Comment cela pouvait être une partie moi? Impossible. Je refusais d'y croire!

- Tu n'es pas moi ! répétai-je.

Et à cet instant, chacun des filaments noirs s'enroulèrent autour de moi et m'emprisonnèrent progressivement. Je tentai de me débattre, de crier, mais l'oxygène se raréfiait peu à peu et ma vision se troublait de plus en plus, jusqu'à ne laisser place qu'à l'obscurité complète.

Déviance ( en réecriture --> soon!)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant