Ma nuit fut agitée ; je dormis mal, en prévision de la correction que j'allai recevoir. Pourquoi aucun garde n'était venu me chercher, pourquoi ne m'enfermait-on pas durant le laps de temps qui précédait le châtiment ? J'avais commis une erreur, et le bon sens voulait qu'on me sanctionne sans me laisser la chance de fuir la sanction.
Laquelle serait-elle ? Des coups de fouet, probablement. L'idée d'être fouetté en public me donnait la nausée ; pire était celle qu'on ne se soucie pas de moi avant l'instant prévu.
Heureusement, deux soldats en uniformes vinrent me réveiller à l'aube et me lièrent les poignets. J'étais soulagé. Enfin un peu d'attention ! Je fus escorté jusqu'à la place centrale, non loin du marché de Laïkand, conspué par la foule qui voulait voir le fouet me lacérer le dos. Ils ignoraient quelle était ma faute. Leur seul souhait était de voir du sang couler, peu importait que ce soit mérité ou non.
Mon bourreau s'avéra être la Reine elle-même : depuis quand les tortures se passaient ainsi ? N'y avait-il pas un exécuteur de la justice attitré ? Elle énonça mon crime et la punition envisagée. Quarante coups de fouet. Pas de jugement. La parole de la Reine avait valeur de vérité.
Cependant, son mari le Roi Isydor, dans sa grand mansuétude, écourtait ma sanction de vingt coups de fouet. J'ignorais totalement pourquoi il interférait, mais je lui rendais grâce intérieurement. Cependant, la force que mit Nébula à me fouetter équivalait certainement au double des coups d'un autre bourreau.
Un, deux, trois, quatre... énumérait-elle lentement. Huit... Sept... A rebours, maintenant ? La foule sembla ne s'apercevoir de rien, tant elle était ébahie par le sang coulant de la chair de mon dos mis à nu... La Reine semblait prendre un grand plaisir à m'écharper. Je ne sais pourquoi, mon esprit se mit à dériver. Surement la fatigue, la souffrance, mon corps à moitié dévêtu et la foule nous environnant... Je cherche encore à comprendre comment mon esprit sain - du moins je l'espère - s'est soudainement mis à délirer.
Onze, douze....
J'imaginais que j'étais entièrement nu, et Nébula aussi, au centre de la place bondée, mais à distance respectueuse des spectateurs voyeurs. Elle souhaitait me faire mal à tout prix mais je criais de jouissance. Il lui fallait du temps pour se rendre compte de la situation, pour se découvrir elle aussi nue et en public, mais la volonté de me faire souffrir était la plus forte. Elle continuait malgré tout et je criais de jouissance encore plus fort : c'est peut-être ce rêve éveillé qui me permit de tenir le coup.
Quinze... Seize...
Avec plaisir, j'imaginais que le fouet se retournait soudainement contre elle. Elle le propulsait trop haut, trop fort, et le ricochet lui revenait en pleine poire, tailladant son visage ridé et perclus d'affreux papules, les explosant au passage. Ha, ha ! Je jubilais intérieurement, au fur et à mesure que la douleur grandissait, mon plaisir s'accroissait.
Oui, au fond, sans ce délire pervers et sadique, je n'aurais sans doute pas tenu le coup.
Dix-neuf... Vingt. Dès qu'elle énonça le dernier nombre, la foule commença à s'en aller. Ça y est, la sentence était finie. Un peu trop tôt à mon goût d'ailleurs, j'avais l'impression qu'on me refusait l'orgasme final à deux coups de fouet de l'atteindre. Ma chemise de page, posée à mes pieds sur les dalles, n'était plus qu'un chiffon déchiré et rougeoyant sur le marbre de la place publique, éclaboussée par mon propre sang qui avait goutté du fouet à chaque geste de la Reine. Je me rhabillai en silence, sous les regards apeurés des derniers badauds. Que voulaient-ils, maintenant ? Le spectacle était fini. Qu'ils m'aident à marcher, ou bien qu'ils s'en aillent ! Et c'est ce qu'ils firent, quand il comprirent que rien d'intéressant n'arriverait. Je tenais encore debout, à leur grand dam. Et à celui de Nébula. Sans doute aurait-elle préféré que je m'écroule sur le sol, privé de mes forces par d'innombrables blessures.
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Changeurs
FantasyVivez les tourments et les joies de Sayz, jeune serviteur de la noblesse du Royaume de Rhodeÿs. Suite à un événement traumatique vécu dans sa jeunesse, il est incapable d'utiliser son don de Changeur et de se transformer en faucon, son animal-fétich...