SLG 86 - Direction l'asile

Ils existent...

Fou.

Voilà ce qu'il était. Ou ce que les gens voulaient qu'il soit.

Fou. Schizophrène.

Faire des vidéos sur internet, c'était marrant.

Drôle quand on y pense.

Puis plus le temps avançait, plus il s'apercevait que ses compagnons se floutaient dans son esprit rongé par la confusion, comme des fils entremêlés impossible à défaire. Des médicaments... Pourquoi ? Il ne le savait pas. Il ne comprenait pas. Cette impression d'hypnose, qu'on le transformait en légume. Cette impression qui le hantait chaque jour.

Chaque jour... Chaque jour...

- Mathieu Sommet ?

Comme la résonnance grave d'un gong, le concerné sortit de sa rêverie et regarda l'homme assis en face de lui, les mains jointes, le regard passif, avec des manières agaçante d'assister le jeune homme. Mathieu n'osa pas ouvrir la bouche, ou plutôt, il ne s'en prit pas la peine. Les images de ses amis revenaient en flash rapides et frappants. Puis la migraine arriva.

Le jeune homme se tordait de douleur, les mains plaquées contre son crâne, les ongles presque rentrer dans la peau tant le mal de tête l'insupportait. Ces migraines le suivaient depuis ce temps où il commençait tout juste à comprendre ce qu'il était vraiment. Encourageant son patient à se souvenir des faits, à se recaler dans la réalité, le docteur Frédéric poursuivit.

- Encore ces migraines n'est-ce pas ? Prenez ceci.

Avec un calme cynique, il tendit doucement la gélule au jeune homme, l'incitant à prendre de quoi anesthésier la douleur. Mais Mathieu n'avait plus confiance en cet homme qui le nourrissait de sa drogue dont se délectait pourtant le hippie, quand il était encore présent, toutefois. Ces poudres, ces toxines hallucinogènes qui le fatiguaient plus qu'elle ne le calmaient. Il leva sombrement son regard qu'il adressa au docteur, ses yeux bleus aussi tranchants que la lame précieusement aiguisée d'un couteau. Puis, Mathieu balaya nerveusement la gélule d'un revers de main, le regard toujours planté dans celui de son adversaire. Un calme glacial s'installa dans la petite pièce, laissant en duel un médecin psychopathe et son patient fou. Mathieu se contenta de le fixer hargneusement, encore assez conscient des circonstances pour se donner raison. Le docteur Frédéric entrecroisa ses doigts d'un geste vicieux et malsain, puis il se pencha davantage afin d'affronter le regard du jeune homme. Mais celui-ci ne lui offrit pas le loisir de son infériorité envers son bourreau.

- Monsieur Sommet... Quel rôle jouez-vous ?

- Qu'est-ce que vous me voulez à la fin ? Demanda Mathieu avec supplice.

A cette question qu'il jugea idiote, le médecin eut un mouvement de recul. Soit son patient était amnésique en plus d'être fou, soit il se payait sa tête. L'homme opta pour la deuxième option. Se ressaisissant après un léger rire nerveux, il poursuivit.

- Mais je suis votre médecin Monsieur Sommet.

- Un médecin... Qu'est-ce que vous faites là... Dit-il, souffrant de sa migraine, tout en se massant les tempes afin de soulager la douleur.

- Ce que je fais ici ? Mais je vous aide Monsieur Sommet. N'êtes-vous pas conscient de votre état ?

- Arrêtez ça... Sortez de chez moi... Conclut Mathieu, agacé et écrasé par la fatigue des médicaments et la douleur que lui infligeaient ses souvenirs.